AMWEnglish / lundi 4 novembre 2019
Le 30 octobre, le tribunal municipal de Moscou a rejeté la demande des enquêteurs de prolonger la détention préventive de l’anarchiste moscovite Kirill Kuzminkine, âgé de 15 ans. Sa détention a été remplacée par une assignation à résidence, jusqu’au 30 janvier. L’examen de la demande des enquêteurs a commencé le 29 octobre. Cette fois, la séance a eu lieu dans le tribunal municipal de Moscou, puisque presque un an s’est écoulé depuis l’arrestation de Kirill.
Le procès, comme auparavant, a été à huis clos, en raison de l’âge de Kuzminkine. Seulement ses parents, son grand-père et son avocat, ainsi qu’un professeur de l’école rattachée à la prison où il était détenu, étaient autorisés à entrer dans la salle. L’avocat de Kuzminkine a fait état de nombreuses violations de la procédure, au cours de l’enquête.
L’audience a été reportée au 30 octobre, à 11h. En signe de protestation, les personnes du groupe de soutien, qui se trouvaient devant les portes du tribunal municipal de Moscou, sont restées là toute la journée du 29 octobre.
La cour a reprit l’audience le 30, vers midi. La juge a demandé aux participant.e.s au procès s’ils/elles avaient quelque chose à ajouter à ce qui avait été dit la veille, elle a reçu une réponse négative et elle a annoncé qu’elle quittait la salle pour délibérer ; sa décision aurait été donnée avant 13h30. Cependant, elle a commencé à lire sa résolution trois heures plus tard que cela. La juge a déclaré que la raison formelle du refus de prolonger la détention préventive était que la version finale de l’accusation contre Kirill avait été présentée le 4 octobre, alors que selon le Code de procédure pénale, elle aurait dû être présentée au plus tard 30 jours avant la période maximale de détention. La période d’un an depuis le début de la détention de Kirill expire le 2 novembre.
Cependant, le juge a refusé de libérer le lycéen sous caution ou sous la responsabilité de ses parents. Kuzminkine a réussi à en finir avec toutes les formalités bureaucratiques seulement à 18 heures. Près de la sortie du bâtiment, l’attendaient son père, son grand-père et des membres du groupe de soutien.
Selon les conditions de son assignation à résidence, Kirill ne sera pas autorisé à quitter l’appartement sans la permission d’un enquêteur, ni à communiquer avec personne d’autre que les membres de sa famille et son avocat, ni à utiliser Internet ou le téléphone (sauf pour les appels d’urgence). La question de savoir comment un adolescent pourra poursuivre sa scolarité dans de telles conditions reste ouverte.
Kirill Kuzminkine a été interpellé le 2 novembre 2018, suspecté de la fabrication d’un engin explosif ; le 6 novembre, le tribunal l’a mis en été d’arrestation ; il a été accusé en vertu des articles n. 222.1 (« Acquisition, transfert, vente, stockage, transport ou transport illicites d’explosifs ou d’engins explosifs, commis par un groupe organisé ») et n. 223.1 (« Fabrication illégale d’explosifs, fabrication, modification ou réparation illégales d’engins explosifs, par un groupe organisé ») du Code pénal de la Fédération de Russie. Dans un premier temps, des « personnes non identifiées » ont été insérées dans le dossier ; puis, au cours de l’enquête, le « groupe organisé » a été retiré des deux accusations.
L’adolescent moscovite a été arrêté au cours de l’enquête criminelle concernant l’explosion qui a eu lieu le 31 octobre, dans le siège du FSB de la région d’Arkhangelsk, explosion qui a blessé trois fonctionnaires du département de sécurité. L’incident a tué l’anarchiste Mikhail Zhlobitsky, âgé de 17 ans, qui a porté un engin explosif artisanal dans le bâtiment. Selon les enquêteurs, Kuzminkine et Zhlobitsky auraient échangé, peu avant la mort de Mikhail, à propos de la fabrication d’engins explosifs. Selon ses proches, rien ne prouve que l’enquête est correcte : le garçon s’intéresse à la chimie ; au cours de la perquisition, ont été saisies des substances telles que du salpêtre, du sucre, du dissolvant pour vernis à ongles, etc., qui ne sont pas illégales. Selon l’avocat de Kirill, les examens ne prouvent pas que de l’explosif aurait pu être fabriqué. De plus, aucune décision n’a été prise quant à la saisie des dites substances dans l’appartement où vivait Kirill et dans le chalet d’été de son grand-père, ce qui en fait une preuve inacceptable dans cette affaire.
Pendant tout le temps passé en prison, Kuzminkine a étudié à distance dans une école qui a un accord avec la prison. Récemment, un professeur n’a pas pu lui donner de manuel de mathématiques. Auparavant, dans le même centre de détention provisoire, il y avait un autre prisonnier politique anarchiste, Azat Miftakhov, étudiant de troisième cycle à l’Université d’État de Moscou (il a été transféré depuis). Le représentant du groupe de soutien à Azat a déclaré que pour lui aussi il y avait des problèmes pour faire parvenir des livres de mathématique en prison.
Au début de l’été, Kirill a passé un mois à l’Institut Serbsky [« Centre national de recherche médicale en psychiatrie », nommé d’après un célébré psy russe du XIX-debut du XX siècle, parmi les fondateurs de la psychiatrie judiciaire… NdAtt.], pour un examen psychiatrique, qui l’a reconnu sain d’esprit.
Le 30 septembre, les médias ont rapporté que des employés de la commission d’enquête de Moscou préparaient des documents pour inculper Kuzminkine d’un nouveau chef d’accusation, en vertu d’un article plus grave : tentative d’attentat terroriste (art. 30 et art. 205 du Code pénal). Selon les proches de l’adolescent, ils ont ainsi tenté de l’intimider et de le persuader de plaider coupable. Cependant, le 4 octobre, le jour où l’enquête a pris fin, il s’est avéré que l’accusation restait la même : selon les articles n. 222.1 h. 1 et n. 223.1 h. 1 du Code pénal. Nous commençons maintenant à prendre connaissance du dossier de l’affaire, qui sera bientôt renvoyée devant les tribunaux. Kirill n’a pas reconnu sa culpabilité. […]