Round Robin / mercredi 3 juillet 2019
Tous les ans, à la fin du mois de juin, Spoleto change de visage. Les tags sont effacés, les décombres du tremblement de terre [entre août 2016 et janvier 2017, cette région a été frappée par une série de séismes ; NdAtt.] sont cachés par des expositions artistiques, les gens arrêtent d’être racistes… tout cela pour accueillir ces quelques membres restants de l’élite culturelle de la bourgeoisie internationale qui viennent voir les spectacles du Festival des Deux Mondes, surtout en provenance des États-Unis, où a lieu l’autre moitié de ce grand événement de l’opéra, de la danse et du théâtre.
On a pu lire sur le journal local Corriere dell’Umbria et sur le site tuttoggi.info, que quelqu’un a été très déçu de découvrir que le jour du début du festival (vendredi 28 juin) les murs fraîchement nettoyés avaient été taggués à nouveau par des individus définis comme des « vandales » et que quelque vitres avaient été brisés. Des tags pour Anna et Silvia, pour la fermeture de la section AS2 de L’Aquila, en faveur de l’action directe, tracés sur l’ex pensionnat pour filles, sur le théâtre romain et sur des nombreux panneaux censés cacher les décombres, en plus de quelques dégâts à des chaises et au mobilier urbain.
L’adjoint à la culture, M. Flavoni, a déclaré qu’il s’agit d’actes lâches. On s’attendrait, de la part d’un adjoint à la culture, une meilleure connaissance de la langue italienne. M. Flavoni a aussi invité à la délation, en demandant aux propriétaires des bâtiments taggués de porter plainte, de façon que les vandales soient poursuivis, et en demandant aux propriétaires des caméras de sécurités privées de fournir leurs images. Mais l’adjoint Couillon… ops, Flavoni ne s’est pas limité à une critique destructrice. Il a ajouté que « ces actes sont inutiles et contre-productifs aussi pour la cause que vous voulez défendre ».
En y pensant, on a décidé d’écrire ces quelques notes parce qu’en effet nous aussi on pense que les tags et des petits dégradations sont assez inutiles, même si on éprouve de la sympathie envers ceux qui les ont réalisés (toujours mieux que ceux qui dialoguent avec le publique du Festival avec des tracts au relents cathos devant les théâtres, ou que les expos de « communistes comme-ça » à la Mario Brega [acteur italien de films spaghetti-westerns qui personnifiait le prolétaire, notamment romain ; un gauchiste auteur de BD lui a récemment dédié un de ses albums ; NdAtt.]). Nous restons dans l’attente de plus de détails, de la part de l’adjoint, sur ce qui pourraient être des actions incisives, une question qu’on se pose depuis longtemps.
Le maire, M. Deagustinis (ou Deaguzzinis [jeu de mot avec « aguzzino », bourreau ; NdAtt.], comme il était connu quand, en tant que Procureur, il persécutait le mouvement en Ombrie dans les années 70 et 80) a voulu lui aussi contribuer à ce débat. Peut-être pour justifier le nettoyage rapide (les compagnons taggueurs remercient) a déclaré qu’il ouvrira bientôt une exposition sur le vandalisme anarchisme à Spoleto. En vieillissant, il est devenu plus gentil.
Mais que ce ne soit pas une tentative de récupération !
Quelques lecteurs du Monde de Narni*
[*jeu de mot entre la série de livres fantastiques de C.S. Lewis et la petite ville de Narni, proche de Spoleto ; NdAtt.]