Le Parisien / mercredi 11 avril 2018
Cette vidéosurveillance par drones est une première en France. La ville d’Istres (Bouches-du-Rhône) a équipé sa police municipale, forte de 80 agents armés pour 43 000 habitants, de deux engins volants pilotés à distance et équipes de caméras Ultra HD enregistrant 30 images par seconde. D’ici quelques semaines, ces clichés visibles par l’agent-pilote seront diffusés en streaming avec une milliseconde de décalage sur les écrans des quinze opérateurs du centre de supervision urbain (CSU). Elles s’ajouteront à celles des 90 caméras fixes dans les rues, alors qu’un plan de déploiement en prévoit une soixantaine supplémentaire. La phase de test a démarré et quelques survols sont déjà prévus avec une montée en puissance jusqu’à cet été.
Pourtant, cette commune située à une heure de route de Marseille est l’une des moins touchées par la délinquance du département des Bouches-du-Rhône. C’est après une traumatisante série d’incendies volontaires l’été dernier, dont l’un n’avait été fixé qu’à l’entrée de la ville, qu’Istres a décidé de faire le grand saut, même si deux pyromanes avaient finalement été interpellés.
« Nous sommes dans une ville relativement sereine, sans gros incident, mais tout cela est très fragile. Nous connaissons une délinquance importée et des trafics dirigés d’ailleurs qui n’existaient pas il y a dix ans », justifie François Bernardini, le maire (divers gauche) de cette localité provençale qui a investi 25 000 euros pour ces drones. « Ils offrent un moyen supplémentaire au service de la sécurité quotidienne, mais aussi pour la surveillance des massifs forestiers l’été ou des nombreuses fêtes ou festivals que nous organisons en extérieur. C’est une technologie d’avenir, tout le monde y viendra. »
Deux policiers municipaux ont déjà suivi une formation théorique et pratique leur donnant l’habilitation pour faire voler ces drones. Trois autres terminent leur instruction de trois semaines. La procédure est stricte : chaque décollage doit d’abord être autorisé par la préfecture mais aussi par l’armée de l’air dont la base aérienne 125 est toute proche.
En cas de besoin, pompiers et policiers nationaux pourront avoir accès aux images, détruites après quinze jours, sauf en cas de réquisition judiciaire.
« Il n’y a pas un service de police ou de gendarmerie qui travaille sans vidéosurveillance, aller voir les images est devenu le premier réflexe de l’enquêteur. Là, il s’agit de caméras mobiles que l’on peut déployer rapidement », résume le commissaire d’Istres, Stéphane Brunoni. « Ces discrets dispositifs de surveillance pourront aider pour du travail d’enquête et de renseignement ou ramener des images permettant d’identifier des auteurs d’actes de délinquance. »
Alors que la législation sur ces images prises depuis le ciel va sans doute évoluer, l’activité des drones a été déclarée à la CNIL. Ses promoteurs excluent tout risque d’intrusion dans la vie privée.
« La réglementation permet de survoler les propriétés privées mais pas de capter des informations à l’insu des habitants. La police municipale d’Istres est équipée d’un logiciel de floutage des zones privées et des visages, seule la voie publique est surveillée », développe Thierry Mohr, lui-même pilote formateur, cofondateur et directeur général de Cosmopter, l’entreprise istréenne qui a développé ces drones, mais aussi président de l’Unepat (Union nationale des exploitants professionnels d’aéronefs télépilotés). « Les bâtiments ou les piscines non déclarées sont déjà visibles sur Google Earth… Ces engins n’ont pas été commandés pour filmer des gens qui bronzent. »