Squat!net / jeudi 1er février 2018
Lundi dernier, on apprenait via un article du Parisien que des Roms occupaient un pavillon abandonné dans le quartier résidentiel de la Lutèce, à Garges-lès-Gonesse. Jusque là, rien d’extraordinaire puisqu’il est à la fois relativement fréquent et entièrement logique que des gens sans logement s’organisent pour en trouver un, y compris bien entendu s’ils n’ont pas suffisamment d’argent pour payer un loyer ou pour devenir propriétaires. Le logement est un besoin vital, faut-il le rappeler ?
Rappelons aussi qu’il y a en France beaucoup plus de logements vides que de personnes sans abri. Il serait donc logique que toutes ces personnes qui survivent dehors, sans toit, puissent toutes trouver refuge dans ces bâtiments vides. Pourtant, on est loin, très loin, d’en arriver là. Ha, la bonne blague du pays des Droits de l’Homme…
Nous sommes donc à Garges-lès-Gonesse, dans le Val d’Oise. Des Roms occupent une maison depuis fin novembre 2017, et suite au passage de la police début décembre ils ont pu prouver qu’ils vivaient effectivement sur place. À ce stade-là, si le propriétaire voulait « récupérer » sa maison, qu’il avait laissée à l’abandon depuis plusieurs années (dixit le propriétaire lui-même, cité par Le Parisien), il est normalement nécessaire de lancer une procédure judiciaire auprès du tribunal d’instance. Et le propriétaire, un certain Youcef, prévenu par les flics depuis début décembre, ne s’est « réveillé » que fin janvier pour se soucier enfin de « sa maison ».
Mais l’article du Parisien, populiste à souhait, va l’aider à récupérer son bien plus rapidement que par les voies légales, grâce à un buzz médiatique laissant entendre, non pas qu’il a vu une de ses propriétés abandonnées être squattées, mais qu’on a squatté son domicile principal en son absence ! Une manipulation médiatique bien connue, qui a déjà montré son efficacité par le passé… L’article du Parisien commence par une citation alarmiste du propriétaire: « C’est ma maison. Enfin, ça l’était. » Sauf que le propriétaire, on l’a compris, ne vivait pas dans cette maison. Et cette maison, légalement, lui appartient toujours. Tout comme quand elle était vide. De même si elle était occupée par des locataires…
Dans la vidéo de l’article du Parisien, le journaliste s’offusque en s’adressant au propriétaire: « Vous êtes obligé de sonner pour rentrer chez vous ? » Chez vous… Réponse du propriétaire: « Ha bah j’ai peur, j’ai peur. C’est au cas où on a un coup de couteau, ou n’importe quoi. Ce sont des gens à qui on ne peut pas faire confiance, des gens qui s’installent comme ça chez d’autres… »
La peur… Voilà le levier préféré de la rhétorique sécuritaire. Utilisé comme il se doit par le journaliste du Parisien, qui cite Zoubir, un voisin : « On ne se sent pas en sécurité. Ils vont et viennent avec des bagages, mais ils n’ont pas l’air de manquer de quoi que ce soit. Ils sont bien habillés, ils ont des grosses voitures. » Un discours raciste porté par des Maghrébins à l’encontre de Roms… Le même discours raciste qui était et est toujours utilisé contre des Maghrébins, y compris à Garges-lès-Gonesse… Pendant ce temps-là, les bourgeois se frottent les mains et rigolent.
Deux jours après, c’est encore pire. On apprend, toujours par ces charognards du Parisien, que suite à un appel de Bassem Braiki, une sorte de youtubeur identitaire ultra-réac’ (raciste, sexiste, homophobe, anti-métissage, etc.), une bande de jeunes de Garges a fait une descente jusqu’au quartier de la Lutèce dès le lendemain, mardi 30 janvier, pour expulser par la force les Roms de la maison squattée… Ce dont se réjouissent sur internet, avec des arguments pas toujours compatibles, autant des identitaires musulmans que des fachos à la française. À vomir (voir par exemple ce qui se sur Twitter ici et là).
Le Parisien enchaîne avec deux nouveaux articles pour faire le point sur la situation (ici et là)… « Une forme de justice dévoyée, illégale mais… expéditive » se réjouit un des journalistes du Le Parisien. Un des journalistes parle pourtant de jeunes en mode milice avec « leurs propres moyens d’intimidation : fusil à pompe, Tokarev, chiens. L’un d’eux exhibe une photo de lui prise armes à la main. »
Et maintenant ? Le Parisien cite Youcef, le propriétaire qui s’adresse aux jeunes néo-miliciens: « je suis assez ému, je ne sais pas quoi dire mais je vous remercie d’avoir organisé cette descente-là ». Selon le journaliste du Parisien, « ces derniers se relayeraient depuis pour éviter tout retour des squatteurs dans le pavillon, celui-ci, inoccupé durant plusieurs années, ne constituant pas le domicile de Youcef. ». Pas besoin de « violation de domicile » pour une justice expéditive. Pas besoin de flics ou de juges non plus… Il suffit de balancer un discours mensonger et populiste et de saupoudrer le tout d’excitation identitaire.