Le Républicain Lorrain / lundi 18 juillet 2016
Jets de pierres contre gaz lacrymogènes. Pendant près de deux heures hier après-midi, le bois Lejuc de Mandres-en-Barrois, près de Bure, a été le théâtre d’une véritable guérilla rurale. Elle a vu s’affronter les forces de l’ordre et environ trois cents manifestants. Ceux-ci s’opposent au projet d’enfouissement des déchets nucléaires français les plus dangereux dans le sous-sol meusien.
Depuis deux jours, cette lutte prend le virage plus radical qu’on sentait poindre depuis au moins un an. Un changement dû à l’arrivée de militants d’un nouveau genre, mobilisés depuis longtemps sur les grands projets environnementaux nationaux, du barrage de Sivens à Notre-Dame-des-Landes. Déterminés et rompus à la confrontation physique, ils donnent à cette lutte une coloration plus violente, comme jamais ce combat vieux de vingt ans n’en avait encore connue.
Le 19 juin, ils avaient occupé une première fois ce terrain forestier appartenant à l’Andra. L’agence nationale de gestion des déchets nucléaires, en charge de la construction de Cigéo, le futur centre de stockage souterrain, souhaite y bâtir ses installations de surface, et notamment ses puits d’extraction. Elle y avait débuté des travaux préparatoires de protection du terrain. Ce que contestent les opposants, rappelant que le feu vert gouvernemental au projet ne sera pas donné avant 2018. Ils avaient finalement été délogés manu militari le 7 juillet après près de trois semaines d’occupation.
Samedi, les manifestants ont remis le couvert alors que l’Andra a commencé à ériger un mur d’enceinte afin d’empêcher toute intrusion. Un coup d’éclat qu’eux-mêmes qualifiaient de temporaire. Réunis vers 15h30 en assemblée générale, ils s’estimaient trop peu nombreux pour tenir le siège. Beaucoup parlaient déjà de se replier et réfléchissaient à la manière de poursuivre le combat autrement.
C’est à ce même moment que les gendarmes mobiles ont donné l’assaut sur la barricade sud. L’offensive a galvanisé les antinucléaires. Cagoulés, recouverts d’un foulard ou équipés de masques à gaz, armés de bâtons et de pierres, ils ont âprement défendu leur nouveau territoire, provoquant les forces de l’ordre par la parole et le geste.
Ces dernières ont avancé mètre après mètre, repoussant une partie des manifestants en dehors de la forêt.
Le face-à-face a alors fait rage dans un champ de blé attenant, sous le regard du céréalier en pleine moisson, bien décidé à préserver sa récolte. Une scène surréaliste !
Pendant ce temps, un bulldozer emportait avec lui les barricades des opposants, au pied desquelles les gendarmes avaient pris soin de détruire les cocktails Molotov visant à enflammer les branchages en cas d’attaque.
Le face-à-face aurait fait un blessé léger de chaque côté. La veille, les manifestants assuraient en avoir déploré cinq et quatre gardes à vue. Hier, sans doute désireux d’éviter tout dérapage, les gendarmes mobiles ont fini par se replier à 17h30. Une heure plus tard, les opposants avaient réoccupé les lieux et réinstallé des barricades. Prêts à passer une nouvelle nuit sur place. Et conscients que leur sommeil serait léger. Beaucoup se sont endormis dans la crainte d’une expulsion aux aurores.