Mayotte : Vengeance incendiaire à la suite d’expulsions de sans-papiers

Note d’Attaque : Chaque week-end depuis des semaines, des villageois mahorais se forment en milices et s’attaquent aux maigres moyens de survie de sans-papiers (dont la plupart viennent des Comores) en saccageant leurs baraques de fortune situées à la périphérie des villes et villages.

Ces citoyens-miliciens, « excédés par la délinquance et l’immigration de masse » qui remettent à leur sauce le slogan des racistes de la métropole (« Mayotte aux Mahorais ») reçoivent la bénédiction des flics (puisqu’ils font le boulot à leur place) et ont le soutien des maires de l’île (de tous bords confondus). Évidemment, l’État préfère voir des pauvres s’en prendre à d’autres encore plus pauvres, plutôt que de voir l’économie paralysée par une grève générale, des blocages et des sabotages, comme cela a pu émerger il y a quelques semaines. Cependant, les expulsions et pogroms anti-immigrés (que les protagonistes citoyens qualifient de « décasages ») sont pourtant qualifiées de « sauvages » par l’Etat, puisque pour une fois ces exactions ne sont pas réalisées par ses chiens de garde. Cela reste pour l’État une question de principe, qui tient à marquer une séparation entre action légale  (la sienne) et action illégale (toute autre, qu’elle soit subversive ou, comme da ce cas, réactionnaire) et que « force doit rester à la loi ». Mais, dans la pratique, État et milices citoyennes marchent main dans la main.

Ce qui se passe à Mayotte pourrait-il servir de piqûre de rappel à certaines franges de l’extrême gauche ? Ceux et celles qui, du haut de leur postes, le plus souvent dans des facs, réduisent tous les « racisés » au rôle de victimes innocentes et impuissantes. Qui réduisent ainsi des interactions sociales complexes (dont le racisme est une composante, mais seulement une) au binarisme manichéen occident-blanc-colonisateur-méchant vs. reste-du-monde-colonies-racisées-gentils. Cela en niant au passage toute issue révolutionnaire, parce que chaque individu serait figé dans des cases fixes qui empêchent de se libérer et de rencontrer des complices à partir non de quelques racines rances, mais d’une volonté de révolte partagée (on pourra lire ici une bonne réponse à l’énième tentative de racket racialiste et justicialiste sur les luttes en cours).

Voilà un petit aperçu de  ce qui se passe là-bas, où le racisme porté par des « racisés » envers d’autres pauvres (et cautionné par les institutions) assèche les vents de révolte qui soufflaient si fort il y a encore quelques semaines.

Cependant, il y a aussi quelques bonnes nouvelles : des exemples de riposte en actes au racisme, d’où qu’il vienne, sans faire appel à la justice ou à un quelconque secteur de l’État. Dernièrement, des locaux de politicards du coin ont été attaqués en représailles. Une fête populaire à la con (« la course des pneus ») a aussi été gâchée par quelques enragés. Ce sont ces quelques actes de révolte que nous tenons à relayer :

La 1ère France Télévision / lundi 6 Juin 2016

Représailles incendiaires contre les élus

Les élus mahorais victimes de représailles après leurs prises de position sur la crise des expulsions des étrangers.
Les élus de Mayotte, toutes appartenances politiques confondues font l’objet de menaces.  C’est une conséquence de la campagne d’expulsions en cours. Ils ont tous soutenus ce « retour à l’Etat de droit ». Aucun d’entre eux n’a condamné fermentent les méthodes musclée des villageois.
Certains même se disent prêts à mourir pour soutenir cette cause à l’instar de Bacar ALI BOTO .
Le cabinet de Maître Mansour Kamardine [à gauche sur la photo ci-dessous; à droite il s’agit de Saïd Omar Oili, président de l’association des maires de Mayotte , NdAtt.], président de la fédération « Les Républicains » du département a été attaqué a coup de cocktails-Molotovs. Il a affirmé  que cela n’a pas entamé sa détermination à soutenir la cause des mahorais qui veulent jouir de leurs biens.

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Beaucoup de personnes ont été victimes d’agressions et des voitures sont incendiées tous les soirs. Des appels aux représailles ont été lancés sur les réseaux sociaux. Les rumeurs les plus folles avaient circulé, notamment celle qui avait parlé d’une embarcation remplie d’armes en provenance d’Anjouan [île des Comores; NdAtt.]. Une fausse information qui montre cependant que qu’une panique est entrain de s’installer sur l’île. Ces menaces d’atteinte à l’intégrité physique des élus mahorais déplacent une bonne fois pour toute la crise des immigrés expulsés de Mayotte, sur le terrain politique. […]

Ibrahim Aboubacar, député Ps de Mayotte

Ibrahim Aboubacar, député PS de Mayotte

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zinfos974 /6 juin 2016

Tous les ans, Mayotte vit au rythme d’une course originale, sans doute unique au monde, « la course de pneus« . Plus d’un millier d’enfants venus de tous les villages de l’ile rejoignent la capitale pour s’y affronter en poussant de vieux pneus usagés, encouragés par une foule très nombreuse.
Hier, la fête a été totalement gâchée par deux bandes de jeunes cagoulés qui ont attaqué les participants à coups de galets, provoquant une véritable panique. Les forces de l’ordre ont répliqué à coup de grenades lacrymogène et selon Les Nouvelles de Mayotte, « plusieurs personnes ont été blessées et trois individus ont été interpellés« .
Avec l’attaque contre « la course de pneus« , Mayotte s’enfonce un peu plus dans une situation qui tend à devenir incontrôlable. Les autorités avaient pourtant pris toutes les précautions : renforts arrivés discrètement de la Réunion en avion militaire, mobilisation de tout ce que l’île comptait de forces de l’ordre (policiers municipaux et nationaux, gendarmes mobiles…) mais ça n’a suffi à impressionner des dizaines de jeunes désoeuvrés qui ont depuis longtemps fait la démonstration qu’ils n’ont peur de rien ni de personne.
Mayotte1La veille déjà, deux bandes s’étaient affrontées en pleine ville de Mamoutzou et cette nuit, preuve que la délinquance devient de plus en plus grave, les deux gardiens d’une société ont été attaqués à coups de barres de fer, tandis que cinq voitures étaient incendiées sur le parking d’un lotissement. La propagation aux maisons avoisinantes n’a pu être évitée que grâce à l’intervention très rapide des pompiers.
[…] Plus tôt dans la semaine, un comorien d’Anjouan avait été attaqué à coup de couteau, et de plus en plus de Mahorais n’hésitent plus à parler de début de guerre civile…

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La 1ère France Télévision / dimanche 5 juin 2016

[…] Mayotte2« Il y a bien une mise à sac organisée », renchérit cette mère de famille de Mtsapéré dont la voiture a été vandalisée il y a un mois. « D’ailleurs, ce ne sont que les voitures neuves et les voitures de marques qui ont été incendiées », ajoute sa voisine. Le vandalisme et la multiplication des actes d’incivilité ne sont pas apparus avec les expulsions. Mais ils se sont amplifiés. […]

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Les patrons contraints de partir… et le tourisme morfle!

La 1ère France Télévision / mercredi 8 juin 2016

Le climat d’insécurité qui règne à Mayotte impactera forcément l’économie. Des chefs d’entreprises ont déjà décidé de partir. A quelques semaines des vacances, ils redoutent des désistements de dernière minute. Attoumani Harouna, vice-président du comité départemental au tourisme a été lui-même victime d’agression de la part de coupeurs de route ce mercredi 8 juin à Ongojou, dans la commune de Démbéni. Le secteur du tourisme a fait de gros efforts ces dernières années pour vendre la destination Mayotte. Des investissements qui commencent à donner de bons résultats.
Les images de violences dans le département risquent donc de venir anéantir tous ses efforts.

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