Le Parisien / samedi 6 février 2016
A Rennes (Ille-et-Vilaine), le «défilé carnaval» contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et l’état d’urgence s’est terminée par des tirs de grenades lacrymogènes ce samedi. Près d’un millier de personnes déguisées (750 selon la préfecture) ont manifesté dans le centre-ville durant l’après-midi avant que les forces de l’ordre n’interviennent au milieu de la foule des promeneurs du week-end.
Selon la préfecture, au moins cinq personnes «qui jetaient des projectiles sur les forces de l’ordre», ont été interpellées. Trois véhicules de police ont été dégradés et un officier de police légèrement blessé à la tête après le jet d’une cannette, a ajouté le préfet Patrick Strzoda sur BFM TV.
Plusieurs charges de gendarmes et de CRS se sont succédé pendant deux heures dans divers points de la capitale bretonne avant que le cortège ne soit pratiquement dispersé en fin d’après-midi. Outre des tags et des jets d’œufs, de peinture et de farine, plusieurs vitrines du centre-ville ont été brisées, «principalement des agences bancaires ou d’assurances», a souligné le préfet de la région Patrick Strzoda, tandis que la maire de la ville Nathalie Appéré (PS) condamnait «avec la plus grande fermeté les actes de violence et de vandalisme perpétrés ce samedi après-midi à Rennes». […]
La manifestation a été déclarée, il était prévu qu’elle soit conviviale et festive, a indiqué le préfet. «J’avais mis en place un dispositif qui devait assurer une présence dissuasive», notamment autour des lieux comme l’hôtel de ville, le Parlement de Bretagne et les centres commerciaux du centre-ville, auquel s’ajoutait un arrêté interdisant le fait de porter «des objets pouvant s’assimiler à des armes», a-t-il rappelé. «Le repas s’est bien passé mais dans le défilé, il y a eu des tags, des bris de vitrine et des jets de projectiles divers en direction des forces de l’ordre. D’où la décision d’intervention», a-t-il expliqué.
Arborant des masques de carnaval ou des foulards autour de la tête de couleur bariolée ou en habits sombres, souvent grimés en animaux, les manifestants ont défilé avec des marionnettes géantes d’animaux comme une vache ou une chouette, mais aussi une représentant le premier ministre Manuel Valls armé d’un pistolet. Accompagnés de percussions, ils scandaient «Vinci (nom du concessionnaire du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, ndlr), dégage, résistance et sabotage».
Le défilé s’était ébranlé vers 15 heures derrière une banderole «Quand on arrive en ville», en référence à une chanson de Daniel Balavoine, après un banquet sans incident et en musique devant le Parlement de Bretagne, avec la participation de membres de la Confédération paysanne. Un important dispositif de forces de l’ordre, avec un hélicoptère en survol, encadrait la manifestation dont les organisateurs avaient souligné leur souhait que le défilé reste bon enfant et leur volonté de ne jeter «que de la farine». […]
Après avoir effectivement jeté de la farine en direction des passants à proximité ou des journalistes, des manifestants ont lancé quelques œufs, dont certains remplis de peinture, sur les forces de l’ordre, et tagué quelques inscriptions. Plusieurs vitrines ont été brisées. Les forces de l’ordre sont alors intervenues une première fois par des tirs nourris de grenades lacrymogènes, en plein quartier commercial du centre-ville au beau milieu des badauds, des promeneurs en famille ou des clients des magasins environnants.
20minutes / lundi 8 février 2016
Au surlendemain de la manifestation d’opposants à l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, trois hommes seront convoqués ce lundi au tribunal correctionnel de Rennes. Interpellés en marge du rassemblement qui a dégénéré, ils seront jugés pour violences et dégradations de biens. Samedi, cinq personnes avaient été interpellées, dont deux seront convoquées ultérieurement.
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Le Parisien / mardi 9 février 2016
Les trois personnes passant en comparution immédiate incanrcérées
La manifestation à Rennes (Ille-et-Vilaine) de samedi contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et l’état d’urgence s’est soldée par des dégradations et des heurts avec les forces de l’ordre. Interpellés, trois manifestants âgés d’une vingtaine d’années ont été condamnés, en comparution immédiate, à de la prison ferme, a-t-on appris mardi de source judiciaire.
Le premier, âgé de 27 ans, poursuivi pour violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique et rébellion, a été condamné à deux mois de prison et placé en détention, à l’issue de sa comparution lundi soir. Le second, âgé de 28 ans, lui aussi poursuivi pour violences volontaires sur les forces de l’ordre, a été condamné à la même peine et incarcéré.
Le troisième manifestant, 23 ans, était poursuivi pour violences volontaires sur personne dépositaire de l’autorité publique en récidive, rébellion et refus de se soumettre aux prélèvements biologiques. Il a été condamné, au total, à sept mois de prison dont trois mois issus d’un précédent sursis datant de 2014. Il a également été placé en détention. Dans les trois cas, les violences reprochées n’avaient pas entrainé d’interruption de temps de travail pour les membres des forces de l’ordre. […]
Cinq personnes, dont les trois jugées lundi, soupçonnées de jeter des projectiles sur les forces de l’ordre avaient été interpellées. Deux d’entre elles ont été relâchées dès dimanche et l’une sera convoquées ultérieurement.
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Vive le Kassnaval
Indymedia Nantes / mardi 9 février 2016
Plusieurs textes témoignent déjà du déroulé de la manif-Karnaval de Rennes du 6 février. Je voudrais ici parler de quelques choses bien plus choquantes que des tags et des vitrines cassées : la façon dont une partie de ses organisateur-rices ont pensé la gestion de la manif-karnaval en amont, la façon dont elle a été gérée pendant son déroulement, puis après.
En amont certain-e-s organisateur-rices ont dressé « des listes » des différents groupes de personnes susceptibles de créer un désordre « symboliquement supérieur » à celui autorisé par les organisateur-rices de l’évènement. Et de décider de s’entretenir avec ces groupes avant le jour J de manière à prévenir leurs actes vandales non souhaités pour cette occasion. Et bien sûr puisqu’ils-elles connaissent tous-tes les personnes visées par ce listing, elles seront toutes prévenues et donc s’il y a un débordement ils sauront à qui s’adresser, et de partir à la chasse aux traîtres-ses !
En effet il a été décidé que serait toléré les pétards, la peinture (extincteurs, tags, œufs, etc…), les départs d’incendie (au moins) pour brûler les chars et autres marionnettes, mais pas la casse, ah non ! Surtout pas. Et voilà la cause du gazage, des charges de flics, des flash-balls puis de la panique générale. Si on avait simplement repeint la ville, envoyé des pétards et autres boules de pétanques en direction des flics, tout se serait passé comme prévu, on aurait pu faire nos jeux, brûler nos chars et ce dans l’ambiance festive attendue et surtout décidée. Voilà le discours hypocrite de la part de personnes simplement incapables de tout prévoir dans une manif (et heureusement) où bien évidemment les individus n’ont pas tous-tes les mêmes pratiques (et heureusement).
Et vient un autre reproche, ou plutôt une autre façon de le formuler : La cause de ce désordre est dûe au fait que les « casseurs » n’aient pas su entendre qu’il fallait un moment de retour au calme après le passage place de la République. Voilà la réalité : Des gens jettent de la peinture, cassent des vitrines puis se font hurler dessus, qu’ils sont cons, qu’ils n’ont rien compris, qu’ils sont en train de détruire des mois d’effort à créer des liens avec des gens moins radicaux qu’il faudrait amener à se radicaliser progressivement, par des jets de peintures puis… Mais revoir ma « radicalité » ou mon degré de pratique à la baisse pour permettre à des personnes de elles se radicaliser, ça ne me parle pas, et même plus que ça, je suis persuadée que ça ne marche pas. Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles, des personnes à éduquer, vraiment ça me sort par les yeux. Des personnes qui cassent se prennent des coups par certain-es des organisateur-rices.
Après sera posé la question de quand même est-ce que les casseurs ne sont pas venus à leur manif seulement pour casser, sans réflexion derrière ? Que pourtant ils-elles ne sont pas comme la CGT, qu’il n’y a pas de raison de tout casser pendant la leur ? Que des personnes ont osé les traîter de démocrates pendant la manif lorsqu’ils-elles hurlaient/frappaient sur les gens pour stopper la casse. Je ne crois pas qu’il y ait besoin d’argumenter pour soulever l’absurdité de ces propos. Et de nous dire que bien sûr ils-elles sont pour la casse, que même c’aurait été possible plus tard dans la manif (ah?), question de TEMPORALITÉ. C’est ça, je n’ai pas su saisir l’instant, je n’étais pas dans la bonne temporalité, au temps pour moi.
Ce qui ressort de tout ça, c’est simplement que chacun-e a des pratiques qui lui sont propres, qu’il est impossible de contrôler des personnes et que d’autant plus lors d’une manifestation comme celle-ci il est impossible de promettre qu’il n’y ait aucun débordement et que l’erreur prémière est là. C’est extrêmement prétentieux de penser pouvoir empêcher cela en listant tous les groupes et en les prévenant de ne pas le faire. Comme s’ils-elles détenaient une sorte de parole divine. Annoncer un carnaval festif, sans protection particulière pour les participant-es ne serait-ce que pour les gaz, où les gens ne risquent rien, c’est mentir à partir du moment où il est prévu de repeindre la ville. Un extincteur de peinture suffit à provoquer une charge et un gazage. La question n’est pas dans l’élément déclencheur (peinture, casse, projectiles sur les GM, baston organisateur/casseur ?).
Le réel problème c’est de promettre une chose impossible, de reprocher à des personnes d’en mettre d’autres pas assez protégées en danger en cassant des banques alors que dans tous les cas les flics auraient eu ces réactions-là. De penser connaître tous les groupes susceptibles de venir et d’être capable de s’entretenir avec tous en amont, ce qui ne fut évidemment pas le cas, de n’avoir aucune transparence au niveau du déroulé de la manif en pensant détenir une sorte de parole divine, qui ne pourrait être désobéie, tout en gardant un maximum d’information pour soi, et enfin penser que ces groupes-là leur portent assez d’intérêt pour venir « saboter » leur manif parce qu’ils ne sont pas amis. Ahah, que d’égo.
Mine de rien, on s’est bien amusé, la plupart des gens au sein du Karnaval étaient solidaires des actions, ont rit, applaudit. Les flics ont été dépassé, une partie du centre de la ville à été repeint et cassé et ce dans la bonne humeur ! Les manifestant-es n’ont pas été mis-es en danger. Néanmoins finir le Karnaval sur la place Charles de Gaulle n’était pas une bonne idée, et la dispersion a été désordonnée et trop rapide.
On rira encore,
Vive la ZAD,
Vive la Casse,
Nik Tout.
KwaK
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À nos faux amis
Indymedia Nantes / mardi 9 février 2016
Samedi 6 février était organisé à Rennes un Karnaval contre l’état d’urgence et pour la victoire de la ZAD. L’appel, autonome et signé par le comité ZAD de Rennes, a attiré un bon millier de personnes venant de toute la fRance et au-delà. Après un bon gueuleton concocté par une cantine végane – à côté de la «cantine des Q de plomb» qui n’a rien trouvé de plus malin que de servir du cadavre de poule en le faisant passer pour un aliment et en annonçant fièrement avoir «égorgé les poulets eux-même» -, la manifestation a décollé vers 15h de la place du Parlement.
Le cortège, bigarré et festif, s’est élancé au rythme des nombreux pétards et fumigènes qui annoncaient la couleur de la manifestation. Rapidement, les vitrines des banques, compagnies d’assurance et agences immobilières sont attaquées à coups de marteaux, d’extincteurs et recouvertes de peinture. La relativement faible présence policière a permis aux manifestant·e·s de continuer à déambuler jusqu’à la place Charles de Gaulle, en continuant à égayer les rues. À partir de là, scindée en différents cortèges, la manifestation s’est prolongée dans plusieurs directions, poursuivie par les flics qui ont tiré des balles en caoutchouc sur les manifestant·e·s, de dos la plupart du temps. C’est dans ce contexte de dispersion qu’ont eu lieu les quelques interpellations, censées calmer les hiérarchies policières et politiques et donner une illusion de maîtrise à la fameuse opinion publique. Probablement une façon pour eux de ne pas perdre la face.
Mais derrière la joie qui nous a animé lorsque les vitrines tombaient se cache une amertume certaine, et de la colère contre des organisateurs du karnaval qui veulent se poser en leaders de révolté·e·s qui n’entendent pas se faire dicter des ordres de la sorte. Le fait que leurs injonctions n’aient pas été respectées ne doit pourtant pas nous empêcher de dénoncer des méthodes odieuses et politiciennes.
La veille de la manifestation, des organisateurs et organisatrices ont, de leur propre aveu, dressé la liste (!) des «groupes venant de loin» susceptibles d’avoir envie d’exprimer leur rage contre ce monde et son aéroport de manière conséquente. Ils et elles ont ensuite expliqué avec autoritarisme le «mot d’ordre» qui les arrangeaient bien, de la farine et de la peinture, mais pas de casse ni de projectiles. Le déroulement de la manifestation a heureusement montré tout le mépris dont leurs directives ont fait l’objet.
La joyeuse balade en ville s’est déroulée quasiment sans heurts au sein du cortège, malgré la «frustration» qu’avaient ses organisateurs de voir le peu de respect que nous avions pour leurs ordres. Malheureusement pour elleux, nous ne sommes ni dociles ni obéissant·e·s. Quelques citoyen·ne·s ont certes exprimé leur désaccord avec les personnes qui cassaient des vitrines, en les accusant, aveuglé·e·s par le discours de l’ordre, de travailler pour les flics (!), d’être contre productifs (encore heureux !), ou que ça ne servaient à rien. Nous briserons des vitrines tant qu’ils briseront nos vies, et manifestement il n’était pas nécessaire d’être masqué·e pour être de cet avis : ces quelques citoyen·ne·s militant·e·s ont souvent été rabroué·e·s par des manifestant·e·s solidaires «les banques te volent tous les jours, c’est la moindre des choses ce qu’ils font !». La faible présence policière a permis à quelques révolté·e·s, au-delà des sourires connivents et des éclats de joie au son des vitrines brisées, d’exprimer en actes leur haine de l’État et de ses larbins ; entre ceux qui nous empruntaient nos aérosols pour s’essayer à certaines pratiques et celles qui, encouragées par l’ambiance festive, se mettaient à lancer des projectiles sur les banques et les flics, les complicités ont été nombreuses au sein de la manifestation.
Si certains radicaux se font fort de proclamer sur le papier la nécessité de ne rien négocier avec le pouvoir, ils sont bien capables de «composer» avec des organisations par intérêt politicien. Leur théorie étonnante se résume ainsi : «si nous descendons d’un cran notre radicalité, cela permettra à des paysans, des citoyens, des organisations, de se radicaliser, et progressivement de massifier un « mouvement » qui en aurait besoin». Alors que les exemples abondent qui décrivent exactement l’inverse de cette assertion, ils et elles sont prêt·e·s à mettre la pression sur des compagnon·ne·s pour ne pas perdre la face auprès des autres orgas de la manifestation. En effet, ils et elles s’étaient engagées auprès de celles-ci qu’il n’y ait pas de casse pendant la promenade, et ielles entendaient bien faire respecter cette loi. La question est de savoir avec qui nous voulons nous associer, et pourquoi certain·e·s privilégient la composition avec des organisation institutionnelles aux complicités spontanées qui émergent toujours des situations où certaines limites sont franchies dans le non-respect de l’ordre et des lois.
Faut-il le répéter, le fameux «contexte local» qu’on serait censé·e connaître avant d’agir est malheureusement le même où que nous allions ; de Rennes à Gaza et de Milan à Athènes, les flics, les juges et les prisons défendent l’État et le capital et nous n’accepterons pas de composer avec celleux qui s’empresseront de nous tirer dessus lorsque les luttes spécifiques qui les intéressent seront «gagnées», c’est-à-dire absorbées et récupérées. Combien seront-ielles, à EELV, à l’ACIPA et ailleurs, à défendre la ZAD lorsque le projet d’aéroport sera abandonné ? Combien reprendront à leur compte le discours du kyste à éradiquer ?
Vers la fin de la manifestation, un des disciples d’un comité pas suffisamment invisible s’en est pris violemment à un anonyme qui s’attaquait à une banque, n’hésitant pas à user de ses poings pour taire l’affront que lui et ses associé·e·s étaient en train d’essuyer depuis le début de la manif. Il fut heureusement rapidement maîtrisé. Après cette manifestation, des compagnon·ne·s ont été approchés par certain·e·s tenant·e·s de cette ligne politique incompréhensible. Après les menaces vinrent les appels à la délation, «qui a cassé les banques ? On veut juste savoir qui c’est, pour leur parler». On ne peut qu’opposer le silence à d’aussi viles tentatives et leurs logiques policières.
Comment en sont-ils arrivés à une telle arrogance qu’ils ont prétendu pouvoir empêcher des manifestant·e·s d’exprimer leur rage sans concession contre le pouvoir et la normalité ? Au point de proférer des menaces avant et après la manifestation, mais aussi d’aller jusqu’à user de la violence pour défendre les intérêts de leurs accords politiciens ?
Nous ne nous laisserons pas impressionner par leurs manœuvres et nous continuerons à porter en actes un discours et des pratiques sans concession avec la démocratie et ses soldats.
À nos faux amis : notre détermination est intacte. Pas de compromis avec le pouvoir et ses cautions protestataires.