Le Parisien / mardi 12 mai 2015
« Désolé, mais nous n’avons pas de voiture disponiblepour le moment ». Cette réponse de la police est de plus en plus fréquente en Seine-Saint-Denis. Les habitants ne sauraient être les seuls à s’en plaindre puisque les fonctionnaires de police eux-mêmes se plaignent d’une situation inédite liée à la mise en œuvre de Vigipirate. « Lundi soir, il n’y avait plus aucune voiture police secours disponible sur le premier district ! » atteste Sébastien Bailly, délégué départemental du syndicat de gardiens de la paix Alliance. Si la situation pèse sur l’ensemble du département, elle est plus lourde encore à porter pour ce district qui englobe cinq commissariats (sur 22), et couvre 10 villes*, soit près de 300 000 habitants, et bon nombre des lieux de culte à surveiller. Quinze des 38 synagogues à surveiller y sont.
Après le rehaussement du plan Vigipirate à son plus haut niveau en janvier, suite aux attentats, une liste de sites sensibles (lieux de culte en majorité des synagogues, personnalités, sièges de presse, entrée des commissariats) a été dressée. « Au départ les CRS assuraient les deux offices journaliers des synagogues, puis un sur deux, et maintenant presque plus » déplore un fonctionnaire du 93. La préfecture précise les modalités de cette organisation : « Lorsque les CRS ou gendarmes mobiles ne sont pas disponibles, cela revient aux effectifs de police locaux ». Ainsi, des synagogues surveillées par renforts mobiles, sur le papier, le sont, en fait, par des policiers du cru. « Pour peu qu’il y ait une manif, une commémoration ou un match au Parc des Princes, on n’a plus de CRS », regrette un policier. Exception faite de Saint-Ouen, depuis la fusillade du 30 avril liée au trafic de stupéfiants.
La situation se gère au quotidien, sans visibilité à plus d’un jour, au point de nourrir « lassitude et écœurement », décrit un gradé, « car les policiers s’éloignent de leur cœur de métier ». Au plus fort des gardes, le week-end, ce sont 66 gardiens de la paix mobilisés sur des offices de plusieurs heures. Ce sont aussi les policiers qui assurent la relève, le soir, de la garde de l’imam Chalgoumi. « Je rends hommage à ces policiers mais ce n’est pas de mon fait si moi et ma famille sommes menacés », commente l’imam. « Les CRS ou gendarmes mobiles seraient plus appropriés », pense Jean-Christophe Lagarde, député maire (UDI) de la ville.
Ce fonctionnement n’est pas sans conséquence : on sollicite la Brigade anticriminalité après un accident, on fait appel à des fonctionnaires d’un commissariat situé à 9 km pour constater un cambriolage, allongeant d’autant les délais d’intervention… « Après une défenestration, il a fallu attendre 30 minutes pour trouver des policiers disponibles », ajoute-t-on à Alliance.
Vigipirate ou urgences, le 93 va-t-il devoir choisir ? « Vigipirate reste la première priorité, insiste Daniel Guiraud, maire (PS) des Lilas. Cette situation révèle l’hémorragie de policiers qui a démarré en 2002. » Claude Bartolone, député de la circonscription s’en était plaint. Hier, il n’a pu être joint mais son entourage faisait savoir, que « d’autres unités mobiles sont à la disposition du préfet de police ».
*Bobigny, Noisy-le-Sec, Bondy, Drancy, Les Lilas, Bagnolet, Romainville, Le Pré-Saint-Gervais, Pantin et Pavillons-sous-Bois.
Clés:
450 militaires sont affectés sur le département, ils veillent sur 16 écoles israélites et 21 synagogues depuis le plan Vigipirate alerte attentat, qui a été décrété le 7 janvier après la tuerie à Charlie Hebdo.
17 autres synagogues sont protégées par des unités mobiles, (CRS, gendarmes). S’ils sont indisponibles les policiers prennent le relais.
120 militaires sont dédiés à la plateforme aéroportuaire de Roissy (incluant le centre commercial Aéroville) ainsi qu’une demi-unité mobile (30 CRS ou gendarmes) au moins.
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Le Parisien / jeudi 21 mai 2015
Les maires de Vanves et Malakoff réclament davatage [sic!] de policiers
Quelle que soit leur couleur politique, ils veulent plus de bleu dans les rues. Dans une lettre envoyée cette semaine à Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, les maires de Malakoff et de Vanves déplorent la « forte baisse » des effectifs policiers dans leurs communes et réclament des renforts.
Plan Vigipirate oblige, les nombreux fonctionnaires mobilisés pour assurer la sécurité de sites sensibles ont déserté la voie publique, constatent les élus. De quoi faire l’union sacrée entre Catherine Margaté (PC) et Bernard Gauducheau (UDI). Ils dénoncent ainsi la fermeture du bureau de police de Malakoff, alors que le commissariat du secteur a déjà subi une baisse d’effectifs, passé de 100 fonctionnaires en 2011 à 70 aujourd’hui. « Nous recevons de nombreux courriers d’habitants qui nous alertent. Ils disent que quand ils ont un problème et appellent la police, personne ne vient », témoigne-t-on en mairie de Malakoff.
La situation est d’autant plus tendue, estiment les élus, que le secteur est sensible : proximité du Parc des expositions, du périphérique « qui favorise une délinquance de transit », et un important réseau de transports en commun, avec une gare SNCF et une station de métro qui voient passer plus de 3700 000 voyageurs par an… Les maires des deux communes demandent donc que les effectifs du commissariat soient rétablis, que le bureau de police de Malakoff soit rouvert et que des policiers mobilisés pour le plan Vigipirate soient « de toute urgence » réaffectés à leurs missions habituelles.