la dépêche / dimanche 22 février 2015
Vitrines de commerces brisées, tags hostiles à la police sur les murs et panneaux publicitaires dégradés, entre la rue de Metz et la place du Salin, à Toulouse. Hier après-midi, la manifestation des anti-Sivens qui a réuni environ 450 personnes [800 selon Iaata.info; NdR], toutes opposées au projet de construction d’un barrage sur la zone du Testet, dans le Tarn, a donné lieu à des débordements orchestrés par des groupes de casseurs en cagoule. Les forces de l’ordre très nombreuses (250 dont 163 CRS) ont procédé à 16 interpellations pour des violences avec armes par destination (jets de marteau ou bouteille en verre) et insultes en série sur les policiers.
Criant leur rejet d’un monde livré «à la marchandisation» et clamant leur hostilité au projet du barrage de Sivens, dans le Tarn à propos duquel la justice vient d’ordonner l’évacuation partielle du site occupé par les opposants, les manifestants des «zones à défendre» (zadistes), ont défilé durant plus de deux heures. Mais derrière ces revendications anti-libérales, des slogans hostiles aux forces de l’ordre ont fusé très vite parmi le cortège de manifestants encagoulés et vêtus de noir. Des voix s’élèvent : «Tout le monde déteste la police!», «Flics assassins!». Les manifestants avancent en déployant une banderole noire à la mémoire de Rémi Fraisse, le jeune écologiste tué par une grenade défensive de la gendarmerie sur le site du projet contesté du barrage de Sivens, le 26 octobre 2014. La tension monte d’un cran. Des zadistes déguisés en clown font leur numéro devant des policiers casqués.
Il est 15h45, à l’angle de la rue de Metz et du boulevard Carnot. Des forces de l’ordre sont prises pour cible : jets de marteau, de peinture et de bouteilles. Ils répliquent à coup de lacrymogène. La manifestation des zadistes dérape. Quelques dizaines d’activistes profitent de ce moment de violence pour s’engouffrer dans les ruelles adjacentes à la rue de Metz. Leur cible : la rue des Arts et ces magasins de luxe. Une vitrine sur deux est fracassée en un temps éclair. «J’étais derrière une porte et j’ai vite tiré mon rideau quand j’ai entendu des détonations, explique ce commerçant, dépité. En très peu de temps ils ont jeté des cailloux contre des vitrines de magasins. Il y avait beaucoup de gens autour d’eux qui prenaient des photos.» Rue de Metz, des devantures de banque et d’assurance sont également brisées. Des façades de distributeurs automatiques sont fissurées. Des casseurs visiblement bien organisés. Une fois les exactions commises, ils auraient pris la fuite du côté du quai de Tounis pour changer de vêtements. […] Vers 17h30, les derniers irréductibles s’éparpillent place du Parlement où le canon à eau des CRS les incite à la dispersion. Bien aidé aussi par un orage de grêle dissuasif.
Toulouse, square de Gaulle, 13 h 55. Le pavé est bien gris, les passants mouillés et clairsemés, les journalistes nombreux, les forces de l’ordre casquées. Une petite centaine de manifestants installe des pancartes dans les espaces verts, «Non au béton », «La croissance tue », «La forêt c’est ma patrie »… La manif nationale des ZAD (zones à défendre) sera peut-être tranquille. Sur le côté, le parti NPA défroisse ses drapeaux. À l’arrière, une chorale d’anarchistes venus du Comminges entonne un «Qui a tué Rémi Fraisse ? ». Des clowns au nez rouge zigzaguent en jouant avec les caméras et appareils photo des journalistes pas toujours bienvenus. […]
À 15 heures, rue Alsace-Lorraine, devant des passants hébétés, plusieurs dizaines de manifestants scandent : «Tout le monde déteste la police », «Flics assassins ». Cinquante minutes plus tard, rue de Metz, tout bascule. Un des manifestants admet à demi-mot que tout avait été planifié, notamment l’attaque de Vinci à coups de marteau. Les manifestants les plus violents ont utilisé le mobilier urbain pour casser des vitres et des pare-brise. Comme en novembre, le centre-ville de Toulouse est devenu zone à saccager.
[…] Les commerçants sont exaspérés [ha ha ha!]. Ils demandent à être reçus lundi par le préfet. «Les forces de l’ordre n’ont pas été à la hauteur de la situation. Le centre ville ne plus être un terrain de jeux entre Zadistes et CRS ! Si la police n’est pas capable d’assurer la sécurité, nous serons contraints d’envisager des mesures pour assurer la sécurité de nos biens et de nos clients », s’emporte Philippe Léon, président de la fédération des commerçants de l’hyper-centre de Toulouse.
Bilan de IAATA.info : une trentaine d’interpellations et 7 personnes en Garde à Vue.
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Mise à jours :
20 minutes / lundi 23 février à 14h22
Trois des quinze personnes interpellées samedi à Toulouse, en marge de la manifestation d’opposants au barrage de Sivens qui a dégénéré, devraient être jugées en comparution immédiate ce lundi. Cinq autres pourraient l’être dans les jours qui suivent. Quant aux six personnes, accusées d’avoir dégradé des commerces ou commis des violences contre les policiers, ils seront jugés plus tard.
Venus de la région, mais aussi de Dijon, Rennes ou Clermont-Ferrand, aucune des personnes interpellées n’étaient jusqu’à présent des services de police. Mais selon la police, tous sont issus de la mouvance d’extrême gauche radicale. Certains étaient venus masqués et équipés de marteaux flambant neufs.
«Samedi, il y a eu un changement de nature dans la manifestation, comparé à celles que nous avions connues en novembre. Il y a eu des violences jamais atteintes à Toulouse et une détermination des casseurs venus avec ce seul objectif. C’est un changement de degré et de nature auquel nous nous adapterons», a souligné le préfet de Haute-Garonne, Pascal Mailhos. […]
«Pour l’instant nous avons recensé 23 commerces victimes de dégradations. Des établissements ont aussi été tagués et des voitures stationnées sur le quai de Tounis abîmés», a indiqué Lucien Pourailly, le directeur de la sûreté départementale.
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Mise à jours 2 : deux condamnations à 6 mois fermes
Le figaro / mardi 24 février 2015
Deux hommes déférés aujourd’hui en comparution immédiate, après la manifestation en soutien aux Zad (Zones à défendre) samedi à Toulouse, qui avait dégénéré, ont été condamnés chacun à six mois de prison ferme.
Laurent Mongillon, 39 ans, cheveux teints en vert, a reconnu « avoir donné des coups de pied dans la vitrine » d’une boutique de chaussures, dans une rue cossue du centre-ville. Il a toutefois affirmé que « c’est un casseur à côté qui a brisé la vitrine », alors qu’il avait été pris en flagrant délit. « J’avais beaucoup bu et, avec l’agitation, j’ai fait un geste idiot », a-t-il dit. « A jeun, je n’aurais jamais fait ce geste », a-t-il ajouté. [sic!]
« Monsieur, vous êtes un casseur », a rétorqué l’avocat de la partie civile, Me Pierre Alfort. Cet homme, selon les mots de la procureure Géraldine Labialle, qui « n’a pas d’adresse, pas de revenus et pas de profession », a déjà été condamné à l’armée pour rébellion dans les années 2000 à six mois avec sursis. Il a écopé mardi de six mois ferme. Son avocate, Me Hélène Pronost, s’est interrogée: « c’est une peine très sévère. Il paie pour le climat général? »
Vincent Risse, un Toulousain de 19 ans, agent de sécurité-école à la mairie, a également écopé de six mois ferme pour « violences sur une personne dépositaire de l’autorité publique, sans incapacité avec outrage« . S’y ajoute un mois ferme d’une précédente condamnation avec sursis pour des faits similaires. Portant cagoule et masque à gaz, il avait jeté toutes sortes de projectiles contre les forces de l’ordre qui a reconnu avoir traitées de « bâtards ».
Un homme d’origine tunisienne arrivé dans la manifestation par hasard et pris en flagrant délit de jet d’un caillou vers les CRS a été relaxé. La victime n’avait pas été identifiée et l’accusé est sous curatelle.
Un autre prévenu, originaire de Rennes, poursuivi pour « dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui », en référence aux attaques de vitrines d’un grand magasin de décoration et d’une agence immobilière, a refusé de comparaître. Il restera détenu jusqu’au renvoi de l’audience au 24 mars. Lundi quatre jeunes de 14 à 18 ans avaient écopé de peines légères de travaux d’intérêt général et de deux mois avec sursis pour l’un d’eux. […]