Brèves du désordre / mercredi 13 janvier 2016
Afin d’en finir avec la jungle de Calais et ses près de 4000 migrants qui tentent de passer la frontière vers l’Angleterre, l’Etat français avait annoncé le 31 août 2015 l’ouverture d’un gigantesque camp afin d’y clôturer 1500 d’entre eux. Un camp constitué de 125 conteneurs de 12 places chacun en lits superposés, 2.33m² par personne, sans possibilité de se faire à bouffer, grillagé, vidéo-surveillé, gardé et accès filtré par reconnaissance palmaire. Il a été inauguré le 11 janvier par l’entrée de 50 premiers migrants dans ces containers aménagés (ce sera le rythme quotidien pour le remplir, et ils pourront sortir le jour).
Et puisqu’on sait depuis un bail que dans la sale bouche de l’Etat la guerre c’est la paix, sa dénomination officielle est « camp humanitaire de Calais ». Après les grillages et les flics, les fafs et les vigiles, c’est la dernière couche du dispositif pour tenter de briser l’auto-organisation et la détermination des migrants qui s’est notamment vue lors des assauts collectifs de camions, du tunnel ou des ferrys. Si à court terme le démantèlement de la jungle reste annoncé pour mars 2016 – signifiant donc dégager et disperser les 2500 autres –, ce véritable camp étatique de triage et de confinement qui sert de caution va donc en encadrer 1500 en les contrôlant, les enregistrant, les identifiant, les enfermant la nuit, afin de les forcer à déposer une demande d’asile ici. Un dispositif qui dépossède de toute autonomie et facilite aussi l’expulsion plus rapide en centres de rétention des déboutés du statut (ou de ceux qui refuseraient de faire une demande), et plus tard encore de ceux qui n’y auront plus droit (d’où la durée de 5 ans prévue pour ce camp).
Pour rappel, entre octobre et décembre 2015 près de 1000 migrants ont été déportés via l’aérodrome de Calais (situé à Marck) vers les CRA de Metz, Marseille, Rouen, Paris, Toulouse ou Nîmes lors de vols groupés pour « désengorger la jungle de Calais ». La police utilise pour son sale travail un bombardier d’eau Dash 8-Q400 MR immatriculé F-ZBMD et siglé Sécurité civile [voir photo; NdAttaque] de 64 places (il a aussi servit à des expulsions vers l’Albanie) mais aussi un jet Beechcraft 1900 immatriculé F-GUME de 19 places loué à la société privée Twin Jet d’Aix-en-Provence.
« Il s’agira d’un camp fermé, équipé de caméras de vidéosurveillance. Pour y entrer, les migrants volontaires et retenus par La Vie Active devront donner leur nom. Ils devront justifier d’un code d’accès grâce à un dispositif de reconnaissance biométrique [voir photo; NdAttaque], à l’image de ceux utilisés dans des entreprises. « C’est un système choisi par l’opérateur de l’État, La Vie Active », indique la préfecture du Pas-de-Calais. Il utilise la morphologie de la main en 3D, est complété par un code d’accès. « Il ne s’agit pas d’empreintes digitales. Les données ne sont pas conservées. Rien à voir avec les bornes Eurodac », précise-t-elle. Ce dispositif a été préféré aux badges, utilisés à l’époque du camp de Sangatte, fermé en 2002. »
(La Voix du Nord, 17/12/2015 )
Les entreprises qui collaborent à ce projet en se partageant les 20 millions d’euros du gâteau (aménagement, fonctionnement) sont notamment :
Logistic Solution : fournisseur des conteneurs
Launay des Moulins / 35390 Grand-Fougeray (Ille-et-Vilaine)
La PME Logistic Solution est déjà un partenaire régulier des militaires, puisqu’elle fournit par exemple les containers du chantier sur Mururoa en association avec Sodexo Defense Services (contrat à 30 millions d’euros), et l’avait fait pour le ministère français de la Défense lors de l’exercice de certification de 5000 militaires de l’OTAN Steady fast Jazz, en Pologne (novembre 2013). C’est aussi un fournisseur de l’armée égyptienne. Sur son site, à la rubrique partenaire, elle a trankillou posé les logos de l’OTAN, de la Marine nationale et de l’Economat des armées.
Logistic Solution a commencé à livrer ses containers à Calais le 7 décembre 2015, pour une ouverture du camp prévue au mois de janvier. Elle livrait 21 containers par jour la première semaine de l’année.
Groupe CW (Clôtures Michel Willoquaux) : Grillages du camp
Marques déposées : Clonor et Clowill
Famille Willoquaux : Michel (Président du conseil d’administration), Christophe (directeur général), Stéphane (directeur général délégué), Andrée (vice-président)
7/21 Route Nationale / 59152, Tressin
ATMG : surveillance du site pendant les travaux
Habitués de la ,surveillance des chantiers Eiffage, Bouygues, etc.
PDG : Bardadi Beddiaf
Rue Roger Salengro / Route De Oignies Espace Tertiaire Bata / 62710 Courrières
Biro Sécurité : Dispositif biométrique du camp & surveillance du centre d’accueil de jour Jules-Ferry et de la zone « tampon » depuis mars 2015 (30 agents de sécurité et maîtres-chiens recrutés)
« « C’est un marché très important pour la société, assure le Calaisien. Et qui crée de l’emploi ». Avec le nouveau camp pour 1 500 réfugiés, Biro compte recruter six nouveaux agents. L’entreprise fournit aussi à La Vie Active le dispositif d’accès biométrique sécurisé au camp humanitaire de 1 500 migrants. »
(La Voix du Nord, 15/12/2015)
Par ailleurs, Biro Sécurité s’enrichit de tous côtés en montant pour des transporteurs des « parkings sécurisés » en aval près de la rocade de Calais pour empêcher les migrants de monter dans les camions, et en amont comme sur l’aire d’autoroute de Saint-Laurent à Steenvoorde (Belgique, à 70 km de Calais).
PDG : Axel Guillaume Biro
251 Avenue Antoine de Saint-Exupéry, 62100 Calais
Béton : SOGEA, filière de Vinci
ONG ACTED (Agence d’Aide à la Coopération Technique et au Développement) : a été aperçue en train d’escorter un semi-remorque hors de la jungle, semi remorque qui sert à transporter les conteneurs en question.
33 Rue Godot de Mauroy, 75009 Paris
Association La Vie Active : gestionnaire du camp (choisie en octobre 2015, elle était candidate en concurrence avec La Croix rouge sur ce marché)
Directeur général : Guillaume Alexandre.
Président du conseil d’administration : Alain Duconseil.
Suivi du camp : Stéphane Duval
La vie active, grosse « association d’utilité publique », gère plus de 70 établissements et sites, « dans les secteurs de la Petite enfance (crèche d’entreprises, CAMSP), l’Enfance (IEM, IME, ITEP, SESSAD), le Social (MECS, clubs de prévention, service tutélaire, CHRS, PAEJ) les Adultes handicapés (foyers de vie, SAJ, SAVS), les Personnes âgées (EHPAD, SSIAD), la Formation ».
La Vie Active
4, rue Beffara
62 000 Arras
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Calais, mais où crèchent les CRS ?
Brèves du désordre / vendredi 15 janvier 2016
[Les hôtels Première classe, Kyriad et Campanile où logent les CRS de Calais appartiennent tous à Louvre Hotels Group, qui possède aussi les marques Tulip Inn, Golden Tulip, Royal Tulip. L’autre marque d’hébergement des flics identifiée est Quality Hôtel.
Tous sont présents à travers tout le territoire, et chacun peut à tout moment leur rendre visite ici ou là pour leur exprimer ce qu’il pense de leur sale travail de collaboration avec la machine à expulser et à réprimer.]
Dunkerquois : la présence de CRS à Calais favorise l’hôtellerie locale
La Voix du Nord, 09/01/2016
Des CRS et gendarmes mobiles, appelés en renforts à proximité des camps de migrants de Calais, sont hébergés dans plusieurs hôtels du Dunkerquois et de la région, notamment à Loon-Plage et Armbouts-Cappel. Une bonne nouvelle pour les établissements locaux, qui pâtissent parfois d’une petite baisse de fréquentation durant l’hiver.
Vous avez peut-être remarqué la présence accrue de plusieurs cars de CRS et gendarmes mobiles à proximité des hôtels de Loon-Plage et Armbouts-Cappel depuis plusieurs jours. Pas d’inquiétude, il n’y a pas de menaces d’attentats, et cela n’a rien à voir avec l’état d’urgence. Il s’agit d’effectifs appelés en renforts à Calais pour gérer la situation des migrants. Quand ils ne sont pas en mission à proximité du camp, les gendarmes et CRS sont hébergés dans différents établissements du Dunkerquois et de la région (Calais, Béthune, Bruay-la-Buissière, Boulogne, Lens).
Bonne nouvelle
À Loon-Plage, 172 chambres ont été réservées depuis octobre dans les trois hôtels de la ville par les forces de l’ordre [soit Première classe, Kyriad et Campanile], via la plateforme de réservation de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) : « C’est plutôt une bonne nouvelle car nous ne sommes pas en pleine saison, les clients se font un peu plus rares en cette période de l’année, explique Christelle Foulon, directrice des trois établissements. Et ils devraient rester encore un petit moment puisqu’ils travaillent par missions, en fonction des événements de Calais. »
À Armbouts-Cappel aussi, on recense la présence, depuis mardi, d’une compagnie d’environ 80 CRS chez Quality Hôtel, Campanile et Première Classe. « Ça n’était pas arrivé depuis longtemps, explique-t-on chez Campanile, qui a rempli 20 chambres supplémentaires. L’hôtel est presque complet désormais. »
Même chose chez Quality hotel, où les CRS sont présents depuis juillet : « Ils ne sont pas là tout le temps, il y a des coupures, ajoute le personnel. Ils sont plus ou moins nombreux selon leurs missions pour lesquelles ils sont mobilisés, mais on arrive toujours à s’adapter. » 43 chambres sont encore réservées jusqu’à la fin du mois, et la réservation pourrait être renouvelée jusqu’en mars. Ce n’est pas tous les jours que les hommes en bleu nous font voir la vie en rose ! (…)
Et les restaurants ?
Si vous étiez présents à Dunkerque cet été, vous avez probablement croisé des cars de gendarmes mobiles à l’heure du midi, le long du trottoir de la rue des Fusiliers-Marins, à côté du Pôle Marine. La brigade avait l’habitude de déjeuner à La Pataterie : « Ils sont venus un jour sur deux, entre août et septembre, confie la direction. Cela représentait 35 à 70 couverts, c’était bon pour le chiffre d’affaires. » Les autres jours, ils se restauraient juste à côté, aux 3 Brasseurs.
Mais cette fois, leur présence, ainsi que celle des CRS, ne profite pas aux restaurateurs. Les forces de l’ordre déjeunent plutôt au buffet des hôtels dans lesquels ils logent.