Le Parisien / jeudi 6 avril 2017
Six surveillants pénitentiaires de Fleury-Mérogis (Essonne) ont été blessés, jeudi, après avoir été pris dans une bagarre avec plusieurs détenus mineurs, selon les syndicats, qui appellent à une manifestation devant la plus grande prison d’Europe vendredi, puis à un blocage lundi.
Une violence inouïe.» Les surveillants peinent encore à mettre des mots sur la rixe qui s’est déroulée ce jeudi après-midi au quartier des mineurs de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). Six agents ont été attaqués et passés à tabac par des détenus. Ce jeudi soir, certains étaient encore en observation aux urgences afin de passer des IRM pour de multiples coups de pied et de poings reçus à la tête. Deux autres sont plâtrés, un au bras et l’autre à la jambe pour des fractures. Un mouvement de protestation est prévu ce vendredi midi devant la maison d’arrêt. Et une grève pourrait débuter lundi.
Tout démarre au moment de la promenade. Deux mineurs commencent à se battre. «Les agents sont intervenus sur cour pour tenter de les séparer», décrypte Marcel Duredon, responsable syndical FO-pénitentiaire de l’Essonne [sa sale gueule ci-contre. NdAtt.]. Lorsque les six surveillants pénètrent dans cette enceinte, huit détenus se jettent sur eux. «On ne sait pas si c’est un guet-apens ou si c’est l’occasion qui fait le larron», reprend un employé en poste à ce moment-là. Il semblerait que la dispute originelle entre les deux détenus ne soit pas feinte et que la tension soit déjà montée entre ces mineurs plus tôt dans la journée.
«Ça devait arriver, soupire David Derrouet [le connard ci-contre; NdAtt.], le maire (DVG) de Fleury-Mérogis. Les jeunes détenus présentent des profils très durs, réfractaires à l’autorité. Et en face on a un sous-effectif qui rend les choses plus dangereuses encore.» Selon les syndicats, la surpopulation carcérale est telle que le taux d’occupation dépasse 180 %. Près de 4 500 détenus séjournent actuellement à Fleury pour un peu moins de 1 500 personnels pénitentiaires en tout. «Mais en comptant les postes administratifs et de direction, au quotidien sur le terrain, cela fait deux surveillants pour gérer 100 détenus», tacle le maire de Fleury.
Les jeunes mis en cause dans cette agression sur les agents pourraient d’ailleurs n’écoper d’aucune sanction préventive en interne. «S’ils ont moins de 16 ans, ils ne peuvent pas faire de quartier disciplinaire, même après de tels faits», détaille Marcel Duredon. Il reste encore à les identifier formellement avant qu’une procédure pénale ne débute.
Cette attaque à Fleury intervient dans un contexte tendu pour les gardiens de prison en Ile-de-France. Ces derniers jours, certains syndicats ont manifesté devant les établissements de Fresnes (Val-de-Marne) et de Bois-d’Arcy (Yvelines), pour protester contre l’agression de deux de leurs collègues devant chez eux ou sur le chemin du travail.
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Taule de Fleury-Mérogis : quelques données (qui ne peuvent pas dire quelle horreur est la prison, mais nous aident à comprendre de quoi on parle)
Le Parisien / mercredi 22 mars 2017
Les chiffres en disent parfois plus qu’un long discours. C’est ce que révèle cette imposante radiographie statistique de Fleury-Mérogis (Essonne). Un document confidentiel, interne à l’administration pénitentiaire, que nous avons pu nous procurer, et qui dresse un portrait en creux de la plus grande prison d’Europe.
Publié récemment, ce rapport se réfère à l’année 2015. Sécurité, difficultés sociales, présentéisme des agents ou défaillance des caméras : aucune des données de ce «monstre» pénitentiaire qu’est devenu Fleury n’y est dissimulée. A commencer par celles concernant sa surpopulation. Bon an, mal an, la maison d’arrêt héberge ainsi 4 500 détenus pour 3 000 places. En 2015, ses murs ont vu transiter 15 994 détenus, soit 8 105 entrants pour 7 889 sortants. Du côté de l’administration pénitentiaire, si l’on confirme l’existence d’un tel document, on prévient qu’il ne faut tirer de cet établissement, par définition hors normes, des généralités s’appliquant à l’ensemble du système carcéral hexagonal.
«A Fleury, l’immensité des lieux — implantés sur 180 ha — fait que les problèmes sont multipliés par dix», complète David Derrouet, le maire (DVG) de la ville. D’autant que pour l’élu, «derrière les chiffres, la réalité est encore pire. Certains bâtiments étant en travaux, la surpopulation est supérieure encore à ce que disent les statistiques».
A l’inverse, même si trop de postes de surveillants manquent encore, les jeunes sortis d’école rechignent toutefois moins qu’avant à y venir, notamment grâce à la présence de douches en cellule, lesquelles évitent des mouvements de prisonniers et l’insécurité qui y est liée.
4 239 détenus ont été accueillis en moyenne durant l’année 2015. Avec un pic à 4 349 en décembre, et des minima observés en janvier (4 160) et février (4 150). C’est en moyenne 8 % de détenus de plus qu’en 2014 (3 929). Le taux d’occupation à Fleury est de 148,8 % en moyenne, ce qui implique plusieurs personnes par cellules avec des lits à terre. La situation est plus critique dans le quartier des hommes (171 %) que dans celui des femmes qui compte 246 détenues en moyenne. La surpopulation carcérale est en constante augmentation puisque le taux d’occupation chez les hommes était de 150 % en 2013 et 156 % en 2014.