never sleep / jeudi 11 décembre 2025
La rafle massive prévue par l’ICE [Immigration and Customs Enforcement, le service de police aux frontières et de douanes des États-Unis ; NdAtt.] le samedi 29 novembre sur Canal Street a été contrecarrée par des groupes d’intervention rapide / ICE watch et des gens ordinaires dans la rue. Voici un compte rendu.
Le contexte
Dans la semaine avant la rafle, des groupes communautaires d’intervention rapide / des patrouilles anti-ICE ont appris, d’une manière ou d’une autre, que l’ICE prévoyait une autre opération sur Canal Street, plus grande que la première, potentiellement en utilisant pour la réaliser des centaines d’agents fédéraux. Ces groupes d’intervention rapide, bien qu’ils existent, sous différentes formes, depuis les années 2010, ont adopté au cours des derniers mois une méthode d’organisation beaucoup plus efficace et structurée. La plupart de ces groupes ont récemment utilisé des méthodes d’organisation autonomes/décentralisées, largement organisées par secteur géographique. Même s’il existe des organisations formelles de « ICE watch », la plupart sont assez informelles et n’ont aucune présence publique ou sur les médias sociaux. À travers ces différents groupes, il y a eu un effort à l’échelle de la ville pour coordonner le partage des ressources (données sur les plaques d’immatriculation, etc.) et le partage des informations confirmées sur les rafles de l’ICE, pour une réponse rapide. Il est important de mentionner cela en ce qui concerne la rafle de samedi car, bien que les éventements ait été décrits par les médias comme une « manifestation » à laquelle les gens ont répondu suite à un appel sur les réseaux sociaux, ce n’est pas vraiment le cas, du moins de ce point de vue.
Le contexte plus large des rafles de l’ICE à New York est que, même si l’ICE y a été active, cela n’a pas eu le même aspect que dans de nombreuses autres grandes villes. Dans la plupart des cas, le DHS [Department of Homeland Security, le département fédéral de la Sécurité publique, duquel dépendent l’ICE et de nombreuses autres agences ; NdAtt.] et l’ICE ont fait des petites descentes et des arrestations dans les différents arrondissements, notamment de nombreuses interpellations dans et autour du complexe du Tribunal de l’immigration, à Manhattan. La dernière tentative de rafle massive, de type « inonder les rues », remonte à environ un mois et avait eu lieu aussi sur Canal Street, ciblant les vendeur.euses [ambulant.es] là-bas. Cela a été un succès pour eux, dans la mesure où l’ICE a pu effectuer plusieurs arrestations en vue d’une déportation et a aussi fait une grande opération de photos, une victoire de propagande pour le « nettoyage de la sale New York ». Cela dit, il y a eu une réponse de la communauté à cette rafle-là aussi et elle s’est terminée par de grands groupes de gens pourchassant les agents fédéraux jusqu’à chez eux, sur Federal Plaza. La réponse à cette rafle-là a été beaucoup plus spontanée et impulsive que celle à la plus récente.
Les éventements de samedi
Grâce à des groupes d’activistes qui été informé.es de la possible rafle, la Federal Plaza a probablement été surveillée, pour confirmer le déploiement de flics de l’ICE dans la ville pour l’organisation de l’opération. Le matin, beaucoup d’activistes communautaires se sont mis.ses à informer les vendeur.euses et d’autres personnes près de Canal Street qu’une grande action de l’ICE était imminente. C’était la raison principale de la présence des gens sur Canal Street, non pas une manifestation ou une dénonciation de ce qui allait se passer. Cela dit, une fois ce travail terminé, de nombreuses personnes ont commencé à se rassembler devant un garage appartenant au gouvernement, où il avait été découvert que l’ICE se préparait.
À ce moment-là, il n’y avait pas de présence du NYPD [la police de la ville de New York ; NdAtt.] directement autour du garage, mais il était clair qu’il y avait beaucoup de flics de la ville postés dans le secteur, qu’ils avaient été informés de la rafle et que l’ICE leur avait demandé de contrôler la foule. Au fil de la matinée, des gens de la rue ont aussi commencé à rejoindre la foule devant le garage et à un certain point un appel a été lancé sur les médias sociaux, ce qui a peut-être aussi amené des gens. À un moment donné, l’ICE a ouvert la porte du garage pour évaluer la situation et la foule a commencé à scander « ICE hors de New York ».
Peu après l’ouverture de la porte, des barricades légères, composées de poubelles, de cônes de signalisation et d’autres déchets ont commencé à apparaître dans l’allée derrière la foule. À ce point-là, le NYPD était sur place et, au cours de l’heure suivante, ils ont commencé à se mettre entre les agents fédéraux et la foule et à faire de la place pour que les agents fédéraux puissent potentiellement sortir. Alors que les affrontements entre le NYPD et la foule commençaient, dans la zone de la rue en amont du garage, une benne de chantier a commencé à être vidée dans la rue. De plus, il y avait d’autres poubelles, palettes, etc. qui se déplaçaient pour être le long de la possible route de sortie vers Canal Street.
Ce siège a duré plusieurs heures, avec les agents de l’ICE piégés à l’intérieur du garage de 10h jusqu’en début d’après-midi. Pendant ce temps, le NYPD a fait plusieurs interpellations, mais s’est principalement concentré sur l’installation de ses grillages antiémeute, pour diviser la foule en deux ou trois groupes et préparer la route pour le passage du convoi des fédéraux. Au fil du temps, il est devenu clair que si l’ICE tentait une rafle près de Lower Manhattan ou Chinatown, ces foules l’auraient suivi.
Quand les voitures ont enfin commencé à sortir du garage, plusieurs personnes courageuses ont sprinté pour sauter devant le convoi. Cela l’a ralenti suffisamment pour que d’autres personnes commencent à traîner des trucs dans la rue, pour entraver davantage la sortie du convoi. Le convoi a réussi à atteindre Canal Street et c’était extrêmement chaotique. Le SRG [l’antiémeute du NYPD ; NdAtt.] a fait de son mieux pour être à leurs côtés et autour d’eux, procéder à des arrestations et nettoyer la rue des déchets. Sur Canal Street, des sapins de Noël, des palettes, des poubelles, des panneaux publicitaires, des pots en terre cuite et d’autres objets ont été rapidement jetés, de loin, sur les véhicules.
Finalement, le convoi s’est divisé en deux parties, avec une moitié retournant à Federal Plaza et l’autre moitié (principalement les camionnettes blanches) se dirigeant vers le Holland Tunnel vers Jersey City. Après la fin de l’action, des groupes communautaires ont continué à surveiller Canal Street et Federal Plaza, au cas où les fédéraux auraient essayé de revenir. De plus, des patrouilles anti-ICE renforcées ont eu lieu pendant le reste de la journée et le lendemain, au cas où ils auraient essayé de faire une rafle dans un autre arrondissement. Le NYPD a fait une dizaine d’arrestations, tout au long de la journée, et a accusé deux de ces personnes de violences contre des policiers. Compte tenu des nombreuses choses qui se sont passées et de la quantité de personnes présentes, c’est un nombre d’arrestations relativement faible.
Cette action a semblé être une énorme victoire pour celles/ceux qui ont travaillé dur pour construire des infrastructures communautaires pour répondre à l’action imminente de l’ICE à New York. C’était vachement encourageant et vraiment cool à voir.
Fuck ICE et espérons que la prochaine fois qu’ils sortent leur tête, des gens leur remettent à nouveau une raclée. On est assez sûr.es que l’ICE a eu ses pneus crevés à Staten Island, récemment, c’est très cool.
[Les images sont tirées des médias grand public ; NdAtt.]






















































