Russie : Déclaration de l’Anarchist Black Cross Moscou sur Ruslan Sidiki

Avtonom / jeudi 16 octobre 2025

L’anarchiste Ruslan Sidiki, qui a été condamné à 29 ans de prison [voir ici ; NdAtt.] pour deux actions de sabotage contre la machine de guerre russe , a ouvertement déclaré qu’il avait contacté le service de renseignement militaire ukrainien, dans le but d’organiser une attaque contre la base aérienne russe de Diaguilevo, où sont stationnés des bombardiers stratégiques. Dans des lettres publiées, il a expliqué ses raisons :

« Le bourdonnement des [avions] Tu-22 et des Tu-95 que j’entendais à travers ma fenêtre correspondaient aux frappes sur l’Ukraine, ce qui m’a déterminé quant au choix de la cible : l’aéroport militaire Diaguilevo, situé à seulement 10 kilomètres de chez moi. J’habitais avec ma grand-mère âgée de 80 ans et je comprenais à quel point il est difficile pour les personnes âgées et malades de vivre sans chauffage ni éclairage l’hiver. En remplissant mon bain d’eau chaude, je pensais à celleux qui, à un millier de kilomètres de moi, étaient privé-es des conditions de vie basiques par les ambitions géopolitiques de certains » [voir ici la lettre complète ; NdAtt.].

À la demande de certain.es compas, il a décrit plus en détail comment il avait interagi avec le renseignement ukrainien :
« J’ai eu l’idée de détruire un avion à Diaguilevo et j’ai écrit à un compagnon en Ukraine, que je connais depuis 2013. Je lui ai dit que j’avais un tel objectif. […] Je lui ai demandé de me mettre en contact avec un développeur informatique, parce que j’avais besoin de conseils pour réaliser mon plan. Je lui ai expliqué que j’avais un quadrirotor lourd fait maison, capable de soulever trois kilos et de les transporter facilement. Je prévoyais de faire comme ça : j’y aurais attaché une bombe planante faite maison. Le plan de vol aurait dû être programmé. Avant cela, j’aurais identifié la cible depuis les airs et calculé ses coordonnées, que j’aurais entré dans le logiciel. J’aurais porté la bombe à une altitude d’environ un kilomètre, approché l’aéroport et j’aurais lâchée la bombe à une distance de quelques kilomètres de la cible. Ensuite, la bombe aurait volé vers la cible, le quadrirotor serait revenu vers moi et j’aurais quitté le secteur. J’avais besoin d’aide pour le code du logiciel. […] Parce que cela aurait pris beaucoup plus de temps de le faire moi-même. J’ai aussi demandé s’il était possible de télécharger le firmware pour les munition pour un drone « Bayraktar » ou s’il y a des logiciels similaires capables d’exécuter mon plan. Sachant que mon compagnon pouvait avoir des contacts dans l’armée, je lui ai soumis ces demandes. »

Un mois plus tard, le compagnon a mis Ruslan en contact avec « Alexander », qui s’est avéré être un militaire. Ce dernier lui a proposé de l’aider à acheter de composants pour assembler plusieurs drones kamikazes, car il considérait que le plan initial de Ruslan n’était pas assez sûr. Ruslan a accepté, parce qu’il travaillait comme électricien, pour 27 000 roubles (environ 300 euros) par mois et ne pouvait pas se permettre un tel achat.

L’opération avec les drones n’a été que partiellement réussie : sur quatre drones programmés avec des missions de vol retardées, un seul a décollé (les trois autres ont probablement été renversés par un renard) – il a endommagé la piste mais n’a pas endommagé d’avions.

Après cela, Ruslan a décidé d’agir depuis le sol – pour faire sauter des voies ferrées utilisées par l’armée. Dans cette opération, le renseignement ukrainien l’a aidé en effectuant un test à distance, basé sur les informations de Ruslan, pour souffler le rail, de façon que le partisan puisse calculer plus précisément la charge explosive nécessaire. Le sabotage ferroviaire a réussi – Ruslan a attendu un train de marchandises et a déclenché à distance l’engin explosif. Dix-neuf wagons de marchandises ont déraillé et la ligne a été bloquée pendant longtemps.

Ruslan souligne qu’il a mis en œuvre son propre plan et que le renseignement ukrainien l’a aidé à réaliser l’action. Le partisan note :
« Je ne voyais et ne vois aucune contradiction à coopérer avec de telles personnes, car nos objectifs coïncidaient – s’opposer à l’agression russe. Si j’avais connu des personnes, en Russie, y compris au sein du mouvement anarchiste, qui avaient des objectifs similaires, alors j’aurais peut-être été dans leurs rangs. »

Nous n’appelons pas et n’encourageons pas à coopérer avec les services de renseignement et les services spéciaux ukrainiens, même contre l’agression russe. Le fait est qu’ils poursuivent strictement leurs propres intérêts et qu’ils sont indifférents au sort de ceux/celles avec qui ils coopèrent. De nombreuses personnes ont été arrêtées à la suite d’actions proposées par les services de renseignement et les services spéciaux ukrainiens, mais l’Ukraine ne leur a fourni aucun soutien après leur arrestation. Toute information sur les anarchistes russes peut être utilisée par ces services contre le mouvement anarchiste international et peut aussi être donnée aux services spéciaux d’autres pays, y compris russes – dès la fin de la guerre. L’Anarchist Black Cross Moscou ne coopère jamais avec aucun service spécial ou agence de renseignement.

D’autre part, en raison des circonstances d’une guerre impérialiste, nous ne condamnons pas la coopération avec les services de renseignement et les services spéciaux ukrainiens contre l’agression russe. Ruslan Sidiki a agi de manière indépendante, à ses propres risques, ces risques se sont concrétisés et il a payé le prix fort pour ses actions.

Nous le considérons comme un héro du mouvement anarchiste.

Anarchist Black Cross Moscou

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