Rebellyon.info / mardi 18 février 2025
Jeudi 13 février la directrice de la taule de Corbas était invitée à présenter les métiers de l’administration pénitentiaire par une asso de Master de droit de Lyon 3. Une 20aine de personnes ont décidé de perturber cette conférence pour l’empêcher de tenir son discours devant un parterre d’étudiant⸱es et potentiels futur⸱es cadres de l’AP ou de la justice.
« Nous sommes rentré⸱es dans la salle en interrompant la conférence avec une banderole et en chantant des slogans anti-carcéraux. Des tracts ont été distribués aux étudiant⸱es présent⸱es avant d’être lu. Au bout d’une quinzaine de minutes et après que la sécurité et les flics aient été prévenus nous avons décidé de sortir de l’université en cortège. Avant de partir des boules puantes ont été lancé dans la salle. La conférence a finalement été annulée. »
Le tract distribué :
L’administration pénitentiaire ne fera pas sa pub aux étudiant⸱es impunément
Nous avons décidé de perturber la tenue d’une conférence de l’administration pénitentiaire qui devait se tenir à Lyon 3 en présence de la directrice de la prison de Lyon Corbas. En effet, il nous apparaissait inadmissible de laisser une telle opération de promotion et de recrutement se tenir, alors que Darmanin annonce un grand plan répressif en prison avec la volonté de recréer des quartiers de haut sécurité en taule. Et que le système pénal, s’est abattu si durement sur les derniers mouvements de révolte qui ont secoué la france (Gilets jaunes, Kanaky, révolte suite à la mort de Nahel …)
Abolir les prisons
La prison est présentée comme une solution évidente aux comportements jugés « mauvais », une perception qui découle des rapports de domination existants. Ce qui est qualifié de déviance ou d’infraction dépend des normes imposées par les classes dominantes et reflète des biais racistes, classistes, sexistes, validistes et queerphobes. Nombre d’actes criminalisés sont en réalité des stratégies de survie face aux oppressions systémiques et à la domination du capitalisme. Derrière cette logique punitive se cache un État qui se donne le droit d’exercer la violence sous couvert de justice. Les lois ne sont pas neutres : elles ont été façonnées par les classes dominantes pour réprimer les groupes marginalisé·es et préserver un ordre social inégalitaire.
Mettre fin au cycle de violences
En France, les prisons sont surpeuplées et insalubres. Les nouvelles constructions ne désengorgent rien, elles sont au contraire le prétexte pour enfermer toujours plus. Les conditions de vie sont inhumaines : froid et chaleur extrême, nourriture infecte, travail sous-payé, et un accès aux soins quasi inexistant alors que beaucoup entrent déjà avec des troubles psys qui s’aggravent en détention. On compte plus d’un décès tous les deux jours. Le taux de suicide y est 10 fois plus élevé qu’à l’extérieur, 15 fois plus en mitard, où l’isolement total peut durer des semaines dans une torture institutionnalisée. Et combien de meurtre de matons maquillé en suicide comme à Corbas, ou Idir a été tué en 2020….
On nous dit que la prison protège la société en enfermant les « criminel·les », mais en réalité, elle produit plus de souffrance qu’elle n’en empêche. Loin d’être des lieux de réhabilitation, les prisons sont des espaces de violence, d’humiliation et de déshumanisation. Elles brisent les liens familiaux, détruisent les perspectives d’avenir et enferment les individu·es dans un cycle de marginalisation et de récidive.
Détruire une structure de domination
Si les populations les plus pauvres, les personnes racisées, queer et en situation de handicap sont surreprésenté·es en taule ce n’est pas un hasard. Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes des oppressions et des actes perçu·es comme non-désirables précarité, manque d’accès aux soins, à l’éducation, au logement – la société choisit de punir et d’exclure. C’est particulièrement le cas des populations racisées. En effet en france la prison est un outil raciste hérité de la colonisation, elle perpétue les logiques de contrôle et de répression jadis appliquées aux peuples colonisé·es, à travers des violences policières, des peines plus lourdes et une justice qui criminalise la pauvreté et la marginalisation qu’elle a elle-même créées.
Saboter un rouage du système oppresif !
Lorsqu’un·e représentant·e de l’administration pénitentiaire intervient dans une université pour parler de son travail, cela n’est pas un simple témoignage neutre. Il s’agit d’une tentative de légitimation d’un système fondamentalement violent et oppressif. Cette prise de parole vise à normaliser la prison et à masquer les réalités de l’enfermement derrière un discours institutionnel qui en présente la gestion comme une nécessité sociale. En faisant accepter l’idée que l’incarcération est inévitable et en invisibilisant ses effets destructeurs, ces interventions participent à la perpétuation de l’ordre carcéral. Il est essentiel de dénoncer ce rôle et de refuser toute tentative de justification d’un système qui repose sur l’oppression des groupes marginalisé·es.
Remettre les victimes au centre
Le système pénal prétend rendre justice, mais il abandonne les victimes en les réduisant à de simples témoins, sans réel accompagnement ni réparation. La prison ne répond pas à leurs besoins : elle ne soigne ni la souffrance ni le traumatisme, et n’empêche pas de nouvelles violences. En se focalisant sur la punition, elle perpétue une logique de vengeance stérile plutôt que de chercher à reconstruire. Une véritable justice doit replacer les victimes au centre, en offrant écoute, soutien et réparation. Plutôt que d’alimenter un système qui reproduit la violence, il faut imaginer des alternatives basées sur la prévention, la solidarité et la transformation des conflits. Une justice qui soigne au lieu de punir, qui répare au lieu d’enfermer.
Avancer vers une société sans prisons
L’abolition des prisons ne se fera pas en un jour, mais elle commence par un changement de perspective. Il faut cesser de voir l’enfermement comme la seule réponse à l’injustice et investir dans le bien-être collectif plutôt que dans la répression. Construire un système juste, c’est s’attaquer aux causes des actes perçus comme non-désirables et privilégier la réparation des torts causés. Nous méritons mieux qu’un système qui punit au lieu de guérir. Il est temps d’abolir les prisons et de bâtir une justice qui libère au lieu d’enfermer.
[NdAtt. : sur Rébellion, vous trouverez une vidéo de l’initiative]