Freedom / samedi 25 janvier 2025
Alors qu’une dure répression préviendra toute manifestation de masse, la résistance d’en bas continue
Ce dimanche 26 janvier, Alexandre Loukachenko sera réélu pour son septième mandat de président ; contrairement aux élections de 2020, qui ont été le point culminant de la mobilisation politique de centaines de milliers de Biélorusses, on ne s’attend pas à ce que cette réélections donne lieu à des manifestations dans les rues. Cela est principalement lié à la terreur politique contre quiconque s’oppose à Loukachenko et à son régime.
Jusqu’en 2020, le Bélarus avait un mouvement anarchiste assez dynamique, qui a émergé après l’effondrement de l’Union soviétique. Cependant, les anarchistes étaient parmi les principales cibles de la police politique et du KGB. Actuellement, il y a plus de vingt-cinq anarchistes et antifascistes dans les prisons biélorusses, où ils/elles purgent des peines allant jusqu’à vingt ans, pour différents actes de résistance. Le soutien aux compas emprisonné.es, à leurs familles et à leur lutte à l’intérieur des prisons est l’une des tâches du mouvement anarchiste international.
Ces dernières années, des milliers de personnes ont été poursuivies avec différents chefs d’inculpation, de l’outrage au président ou de l’appartenance à une organisation extrémiste, jusqu’à des actes de terrorisme. Ce temps-ci, les personnes qui mènent n’importe quelle forme de sabotage ou d’action directe contre le régime peuvent facilement être poursuivies pour terrorisme.
Néanmoins, Loukachenko ne se sent toujours pas en sûreté avec ces élections et différentes branches de l’appareil répressif se préparent depuis des mois. Des arrestations de courte durée de militant.es d’opposition connu.es, à l’entraînement semi-militaire de la police anti-émeute, annoncé dans tous les médias d’État, il y une tentative d’effrayer les gens et d’empêcher toute action pendant et immédiatement après les élections. Le gouvernement est en train de faire tout ce qu’il peut pour démontrer à ses sponsors du Kremlin la « stabilité politique » du pays. Toute instabilité grave au Bélarus pourrait conduire à des tentatives, de la part de Poutine, de remplacer Loukachenko, avec lequel il a des relations très froides.
Le Bélarus n’a pas toujours fait partie de l’ainsi-dit « monde russe ». Pendant des années, Loukachenko a essayé de naviguer entre Moscou et Bruxelles, afin de maintenir son pouvoir et de ne pas devenir complètement dépendant de l’un ou l’autre. Cependant, des actes de répression brutaux, y compris les meurtres de manifestant.es en 2020, ainsi que de graves scandales internationaux, tout cela a conduit à l’isolement du dictateur et à son engagement total envers Poutine, qui a sauvé à plusieurs reprises l’économie biélorusse de l’effondrement. Malgré les tentatives de Loukachenko d’amener des intérêts chinois dans la région, l’État biélorusse reste la marionnette de Moscou.
L’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine, en 2022, a aussi contribué à stabiliser la dictature de Loukachenko. Le Bélarus est devenu une partie importante de la machine de guerre russe, même sans envoyer directement des troupes (contrairement à la Corée du Nord). Poutine et ses alliés voient plus d’avantages dans un Bélarus « indépendant », qui peut être utilisé, entre autres, pour contourner les sanctions occidentales contre la Russie. Alors que Loukachenko a continué, ces dernières années, à menacer les pays voisins d’éventuelles opérations militaires, « si nécessaire », seule la Russie décidera où, quand et dans quel but l’armée biélorusse sera déployée.
Malgré la répression écrasante de toute opposition au régime, le peuple biélorusse continue de résister, de différentes manières. Les gens ne s’attendent pas à ce que Loukachenko parte soudainement. Les arrestations et les poursuites constantes pour des actions directes montrent que, malgré l’absence de manifestations de masse organisées, les gens sont toujours prêts à riposter contre Loukachenko et ses maîtres de Moscou, même en temps de guerre et de terreur d’État.
Nikita Ivansky
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* Note d’Attaque : la jeune fille de la photo, Maria Zaytseva, originaire de Homiel, a été blessée par les flics le 9 août 2020, à Minsk, comme des centaines d’autres manifestant.es. Elle a gardé des séquelles, dont la perte de l’ouïe à l’oreille droite.
Après l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine, elle a commencé par aider des réfugié.es Ukrainien.nes en Tchéquie, où elle s’était établie, puis, au printemps 2023, elle a rejoint une unité médicale de la Légion étrangère de la Défense territoriale ukrainienne. Blessée, elle a été rapatriée en République Tchèque et est ensuite retournée au front en janvier 2024. Elle est morte près de Bakhmout le 17 janvier 2025, le lendemain de son 24ème anniversaire. Athée, elle avait dit ne pas vouloir être enterrée sous une crois.