Sur l’organisation des anarchistes en Ukraine

Takku / mardi 7 janvier 2025

Sur l’organisation des anarchistes en Ukraine : le point de vue d’une membre d’un collectif d’action locale

(Cet entretien a été publié à l’origine dans le numéro 61 de la revue en langue finnoise Kapinatyöläinen. La traduction anglaise a été faite après, pour le site web Takku)

Dans cet article, une compagnonne qui réside à Kiev parle de l’état actuel de l’activité anarchiste en Ukraine et de ses perspectives futures. Elle souligne aussi ce qui peut être appris en Finlande de l’expérience ukrainienne. L’entretien a été mené à l’oral et, dans ce texte, nous essayons de présenter la narration de la compagnonne telle qu’elle était.

Tout d’abord, je vais vous parler de mon parcours et de moi-même. Je suis Ksusha, une anarchiste d’Ukraine. Je vis actuellement à Kiev et je suis engagée dans les Solidarity Collectives. Des idées proches de l’anarchisme ont commencé à m’intéresser pendant le mouvement de Maïdan, de 2013 et 2014, à Kharkiv, où je suis née et où je vivais à l’époque. Dans la période après Maïdan, lorsque la Russie a attaqué les régions de Louhansk et Donetsk et que la première vague de réfugié.es de ces zones a commencé, les anarchistes de Kharkiv ont commencé à gérer un squat accueillant une partie des réfugié.es. L’objectif était de les aider à se remettre sur pieds et de leur offrir tout de suite un endroit où rester, pour le début. Un.e de mes ami.es, qui était membre d’un collectif anarchiste, m’a invitée à participer à la rénovation d’un bâtiment occupé. J’ai rejoint ainsi des activités anarchistes. À partir de là, j’ai constamment participé à des projets anarchistes, j’ai été impliquée dans différentes actions, par exemple des manifestations contre l’État policier. J’ai aussi rejoint un groupe éco-anarchiste qui travaillait contre des projets de constructions et contre la déforestation, qui a agi pour arrêter la production de fourrures et organisé des marchés libres.

Six ans sont passés comme ça. Ensuite, j’ai déménagé à Kiev et mon activité anarchiste s’est effacée, parce que je n’arrivais pas à trouver un collectif qui me convienne. Quand la guerre à grande échelle a commencé, en 2022, je n’avais toujours pas de liens actifs avec des anarchistes locaux.les. Ce n’est qu’un mois après, environs, que j’ai pris contact avec un pote, par le biais duquel j’ai rejoint la plateforme organisée par des anarchistes, qui à l’époque s’appelait encore Operation Solidarity. Il s’agissait d’une plate-forme d’action civile, dont l’objectif était de soutenir les compas qui étaient parti.es en première ligne. Les personnes soutenues venaient, pour faire simple, de la gauche anti-autoritaire et le spectre était assez large. Nous soutenions des socialistes, des anarchistes, des punks, des gens du milieu hardcore, des antifascistes, des féministes – toute personne assimilée à une quelque vision progressiste de gauche. Cependant, par la suite Operation Solidarity s’est dissout et la plupart des militant.es se sont réorganisé.es entre eux/elles, en formant les Solidarity Collectives.

Je vais maintenant vous parler un peu plus du groupe Solidarity Collectives et de ses activités. Solidarity Collectives est principalement composé d’anarchistes. Son activité se subdivise en trois axes principales. L’axe militaire se concentre sur l’assistance en équipement pour les anti-autoritaires qui sont actuellement au front. Nous fournissons à ces compas des vêtements, du matériel de premiers soins tactiques, de la technologie, comme des talkies-walkies et des appareils de vision nocturne, ainsi que des tablettes, des ordinateurs portables, des voitures et même des drones chers – en d’autres termes, tout ce qui est nécessaire maintenant pour des soldat.es, mais que l’armée ne peut pas fournir. L’armée a encore des carences importantes dans la prise en charge des soldat.es et une très grande partie de l’équipement de base dont ils/elles ont besoin vient de bénévoles civil.es. Des gens qui soutiennent leurs ami.es, parent.es, connaissances et collègues qui sont en guerre ont formé un large réseau d’entraide, dont fait aussi partie Solidarity Collectives, mais avec la différence que nous soutenons exclusivement des anti-autoritaires. En ce moment, nous soutenons 80 à 100 personnes. Parmi elles, il y a des anarchistes, des antifascistes, des punks, des éco-anarchistes, des féministes, des squatters, des personnes LGBT+ et des militant.es syndicaux.ales. De cette façon, le nombre de compas à soutenir a augmenté.

La deuxième axe d’activité des Solidarity Collectives est l’aide humanitaire. Nous soutenons des personnes qui souffrent des conséquences directes de la guerre : qui ont perdu leurs maisons ou qui ne reçoivent pas d’aide de la part de l’État pour leurs besoins de base, comme les médicaments ou les équipements techniques dont elles ont besoin. Nous participons à des projets de réparation de maisons, par exemple dans la région de Kherson, où les inondations ont provoqué d’énormes dégâts, après la destruction, par les forces russes, du barrage de Kahovka. Nous aidons des écoles dans les zones de guerre, entre autres en fournissant des ordinateurs portables pour l’enseignement. Nous visitons chaque mois les zones proches du front, pour aider les habitant.es, d’une manière ou d’une autre.

Le troisième axe d’activité est le travail des médias. L’objectif de notre groupe des médias est de rendre visibles les activités des anti-autoritaires dans la guerre. Plutôt qu’être marginalisé.es, nous voulons faire partie de la société, communiquer nos activités à la société, être en contact avec nos compas en Occident et expliquer nos activités.

Solidarity Collectives n’est pas une unité centralisée. Pour nous, il a toujours été important de fonctionner en réseau. Nous travaillons avec une grande variété de personnes. Certaines ont des capacités politiques, prévoient de créer une organisation ou un projet, d’autres ont des projets politiques en cours. D’autres ont été actives par le passé, par exemple en organisant des manifestations et en ouvrant des centres sociaux, mais ont décidé, dans cette situation de guerre, de se concentrer uniquement sur leurs tâches immédiates. Nous ne nous limitons donc pas à soutenir seulement les compas politiquement actif.ves, qui sont actuellement en train de construire quelque chose de social. Ce qui est important pour nous, c’est l’action décentralisée, le soutien à des projets politiques et une saine volonté d’aider, mais nous n’excluons pas celles/ceux qui ne sont pas actif.ves politiquement à l’heure actuelle ou qui ne planifient pas de l’être à l’avenir. Nous avons reçu des critiques pour cela, mais notre priorité initiale était d’aider nos compas à survivre à cette guerre. Leurs perspectives actuelles d’activité sociale sont quelque chose de secondaire.

Solidarity Collectives s’efforce d’avoir un impact social, en coopérant avec des syndicats de travailleur.euses. Nous insistons sur ce point parce que le syndicalisme n’est pas très populaire, de ces jours. Avec les réformes néolibérales en Ukraine, toute leur activité risque d’être supprimée, mais nous essayons de soutenir les projets restants et leurs participant.es. Nous n’avons pas assez de ressources pour d’autres types d’activités sociales-politiques concrètes. Cependant, toutes nos actions peuvent être considérées comme politiques. Lorsque nous soutenons les militant.es syndicaux.les, ils/elles peuvent influencer les droits des travailleur.ses et perturber les réformes néolibérales qui sont aujourd’hui si populaires en Ukraine. Mais l’entraide avec les compas au front et le soutien aux communautés locales sont également politiques.

Je vais maintenant essayer de répondre à votre question sur l’organisation des anarchistes dans l’armée ukrainienne. Au début de la guerre à grande échelle, certains compagnons se sont efforcés de mettre en place une organisation centralisée, qui aurait réuni tous les combattant.es anti-autoritaires d’Ukraine en une seule escouade, ou peloton ou compagnie – peut importe la taille. Des rêves à ce sujet existent encore. Au moins un compagnon travaille toujours activement à la réalisation de ce rêve et d’autres anarchistes espèrent aussi qu’il se réalise. Cependant, après avoir parlé avec plusieurs compas soldat.es, je suis arrivée à l’opinion qu’il est beaucoup plus viable d’avoir une centaine de compas réparti.es sur une ligne de front d’un millier de kilomètres. Ils/elles ont commencé de petits projets dans différentes unités et sèment les graines de méthodes de coopération anti-autoritaires dans leurs propres endroits. Premièrement, de cette façon c’est beaucoup plus sûr. Si un groupe anarchiste d’une cinquantaine de personnes est envoyé à l’endroit le plus chaud de la bataille, il est fort possible que tout le groupe soit détruit. Dans tous les cas, l’unité des compas ferait partie de l’armée ukrainienne, car des unités indépendantes ne peuvent pas exister dans une telle guerre, où nous nous défendons d’une attaque à grande échelle. Il ne s’agit pas d’une guerre de partisans. Vous ne pouvez pas être une force armée, dans cette guerre, sans être sous le contrôle de l’armée ukrainienne.

Bien sûr, je ne suis pas contre une unité antiautoritaire par principe. Cela semble merveilleux. Mais quand elle a été organisée, dans les premiers mois de l’offensive à grande échelle, la plupart des anti-autoritaires et des anarchistes n’avaient vécu que dans la vie civile et nous n’avions aucune expérience militaire. Presque aucun des fondateurs de l’unité anti-autoritaire n’avait d’expérience en matière d’interaction avec l’armée ukrainienne ou d’organisation d’unités militaires et d’opérations militaires. Il n’y avait aucune relation avec aucune structure. Dans l’ensemble, nous avions en main les mauvaises cartes. Lorsque la guerre a commencé, nous n’étions pas prêt.es. L’unité anti-autoritaire a pu être mise en place grâce à un commandant connu, Yuri Samoylenko. https://avtonom.org/en/news/anti-fascist-yuri-samoylenko-died-battle-kharkiv-region Il avait des liens avec les Forces de défense territoriale, un corps de volontaires des Forces armées de l’Ukrainie. Samoylenko a réussi à organiser une sorte de sous-unité au sein de ce corps. Cependant, à cause de l’attitude de la direction de l’armée, le groupe est resté bloqué. Il ne pouvait pas développer ses compétences ni participer aux batailles, même si la majorité de ses membres le voulait. C’est pourquoi les gens ont commencé à se disperser dans différentes unités.

Maintenant que deux ans et demi sont passés depuis le début de l’attaque à grande échelle, nous avons environ trois projets prometteurs. Je ne vais pas décrire plus en détail où et comment ils sont composés. Les compas anti-autoritaires sont installé.es dans leurs propres unités. Ils/elles ont des gens à différents niveaux de l’armée, des liens, une compréhension des opérations de guerre et de la façon de travailler avec les gens dans l’armée. Elles/ils se ont acquis une connaissance sur ce qui peut être développé et ce qui peut être dangereux. Dans l’ensemble, on a acquis une combinaison de connaissance et d’expérience. Les projets se développent peu à peu et certains d’entre eux seront rejoints par d’autres anti-autoritaires, aussi de l’étranger. Ces projets n’ont pas l’ampleur que les fondateurs de l’unité anti-autoritaire visaient, mais ils sont viables en temps de guerre. Ce type d’organisation progresse lentement mais sûrement. Je pense que la pratique est plus importante qu’un plan politique grand et beau. De petits projets au sein de l’armée sont possibles pour nous et nous pouvons les développer avec les ressources dont nous disposons.

En ce qui concerne les nuances des formations militaires anarchistes en Ukraine, il faut tenir compte du fait qu’au siècle dernier l’Union soviétique a détruit toute la culture politique anarchiste par la répression, la terreur et la faim. De plus, dans l’Ukraine d’aujourd’hui, le mot « gauchiste » est diabolisé. Gauche, rouge, communiste – dans l’esprit des gens, tout est associé au communisme soviétique. Du coup, notre mouvement anarchiste est assez jeune si comparé, disons, au mouvement anarchiste espagnol ou au mouvement de libération du Kurdistan. L’activité anarchiste, ici, est liée au mouvement de la gauche libertaire, qui n’a que 20 ou 30 ans environ. Il a fallu tout recommencer de zéro et il n’était pas possible de s’appuyer sur aucun expérience, sur aucune institution qui auraient été en activité déjà depuis longtemps. Quand nous commençons des projets, dans l’armée ou dans la société civile, nous faisons face à la diabolisation de nos idées. Il y a une méfiance à notre égard. « Les gauchistes, c’est-à-dire les communistes. Les communistes, c’est-à-dire l’Union soviétique. » Et l’Union soviétique est un grand traumatisme. C’est une belle réussite que, malgré ces obstacles, nous ayons aujourd’hui une centaine de personnes dans l’armée. Ce n’est pas beaucoup, mais elles y créent et y développent des projets. Bien sûr, ces projets sont encore beaucoup plus jeunes que le mouvement lui-même, mais j’ai confiance en leur potentiel, parce qu’ils ont rapidement gagné en force. En deux ans, les perspectives de quelques groupes sont devenues prometteuses.

Je vais parler un peu de ce que nous avons appris de la période avant la guerre. Ces expériences ont peut-être des similitudes avec les situations dans des pays qui partagent une frontière avec la Russie ou la Biélorussie, comme la Finlande, les pays baltes et la Pologne. Avant le début de la guerre à grande échelle, la société ne s’attendait pas du tout que nous puissions être attaqué.es avec une telle force. Personne ne pouvait imaginer quelque chose d’aussi grand et sanglant que l’attaque qui a commencé en 2022. À mon avis, le mouvement de gauche était alors divisé en deux camps. L’un prévoyait une sorte d’escalade militaire, mais pas une guerre à grande échelle. On pensait que la guerre dans la région de Louhansk et au Donbass pouvait s’étendre. Cependant, je pense que personne ne s’attendait à des missiles, des destructions d’infrastructures et des attaques de toutes les directions. Ceux/celles qui s’attendaient à un certain degré d’escalade s’entraînaient pour acquérir des compétences tactiques et étaient de l’avis que la société devait investir dans sa préparation à la guerre et que les gens devaient se préparer en acquérant des compétences militaires et de premiers secours.

L’autre camp, par contre, ne considérait pas l’escalade comme probable et avait une attitude extrêmement négative face aux demandes de militarisation. À leur avis, les efforts de préparation et les appels à la militarisation encourageaient des valeurs très antidémocratiques. Ce camp plus pacifiste voyait dans la pratique de compétences militaires des éléments autoritaires. À leur avis, l’Ukraine ne devait pas être militarisée, car cela aurait provoqué de la violence, et le mouvement ne devait pas être orienté vers l’action militaire. Ce camp voulait se concentrer sur la résolution des problèmes internes de l’Ukraine – la lutte contre le néolibéralisme et la lutte contre l’extrême droite. Les deux factions étaient donc dans un état de vague discorde, jusqu’à ce que Poutine annonce sa décision de montrer sa puissance militaire contre l’Ukraine. C’est à ce moment que les deux groupes ont fusionné. La veille du début de l’attaque à grande échelle, ils se sont réunis et ont décidé de discuter de la manière de procéder en cas d’attaque. Je dirais que certaines échéances ont été manquées, dans la préparation du mouvement à une telle guerre.

Ni celles/ceux qui appelaient à être préparé.es ni ceux/celles qui s’y opposaient n’étaient prêt.es. Le groupe qui avait fait des exercices avait peut-être des compétences militaires de base, mais elles/ils n’étaient pas préparé.es aux frappes aériennes et aux tirs d’artillerie. Leur possible savoir-faire était plus adapté à une guerre de guérilla. On peut peut-être en conclure que, dans les pays européens limitrophes de la Russie, qui vivent maintenant une période de paix, il faut tenir compte du fait que la Russie est un État impérialiste, un agresseur qui essaie de tout résoudre par la force et non par la diplomatie. Il ne faut pas exclure la possibilité que le pays dans lequel vous vivez tombe sous le coup de la terreur, comme y est tombée l’Ukraine. S’il y a un quelque intérêt pour la légitime défense, parmi les compas en Finlande, dans les pays baltes ou en Pologne, je dirais qu’une certaine forme de préparation pratique et l’acquisition de connaissances théoriques peuvent avoir des effets positifs. La pratique des premiers secours et la participation à des cours de défense civile, la construction de drones ainsi que de nombreux autres passe-temps civils peuvent créer une bonne base pour être prêt.es à agir en cas d’attaque.

Ces activistes de gauche qui, en Ukraine, pratiquaient des compétences tactiques et suivaient des cours de premiers secours n’étaient certainement pas prêt.es pour l’attaque massive de la Russie, mais elles/ils avaient néanmoins une certaine expérience et une certaine préparation et la possibilité donc de rejoindre des unités militaires spécialisées. Ils avaient une longueur d’avance sur ceux/celles qui rejoignaient la défense militaire sans aucune connaissance ou compétence de base. Il y en avait beaucoup dans ce dernier cas. Cependant, certain.es avaient acquis des compétences tactiques sur le terrain, chaque semaine pendant trois ans. Ces exercices comprenaient le maniement des armes, les mouvements d’avancement, le camouflage et d’autres compétences de base qui donnaient certainement un avantage par rapport au fait de n’avoir aucune connaissance de l’utilisation des armes. Une sorte de préparation mentale peut être utile aussi. Si vous n’excluez pas la possibilité qu’une attaque puisse être dirigée contre vous, vos communautés et votre pays de résidence, vous pouvez vous préparer à l’avance à assumer un rôle qui ne soit pas celui d’une victime, d’un.e réfugié.e ou d’un destinataire passif, mais celui d’une personne qui participe à la résistance.

Certains compas justifient la participation à la guerre en arguant qu’elle nous apporte des « points », socialement, qui nous permettront d’agir à l’avenir. Nous pourrons dire que nous aussi avons participé à la guerre et nous serons apprécié.es. On suppose que la guerre finira un jour et que le moment viendra de promouvoir le changement social et de lancer des projets sociaux. On nous demandera : « Et qu’avez-vous fait pendant la guerre ? Quelle a été votre contribution ? ». Il se peut qu’après la guerre il y ait dans la société une atmosphère si déplaisant que ceux/celles qui ont participé aux activités militaires s’élèvent dans la hiérarchie et soient plus valorisés que les civils et les réfugié.es. L’idée que nous participons à la guerre pour gagner de la visibilité et le droit d’agir dans la société d’après-guerre part de l’hypothèse selon laquelle la société ukrainienne ira dans une direction plus hiérarchique et de plus en plus militarisée. Je ne dis pas que cela n’arrivera pas et je ne nie pas qu’en faisant la guerre, en soutenant les soldats et en aidant les civils qui souffrent de la guerre, vous pouvez, pour ainsi dire, marquer des points politiques pour des actions futures. Cependant, pour moi, personnellement et en tant qu’anarchiste, la motivation pour faire ces choses est la pratique : la pratique des relations horizontales, la pratique de l’ici et maintenant. Je considère l’entraide, même à petite échelle, comme une activité politique, comme une réalisation de la philosophie de l’anarchisme. Je ne voudrais pas rester coincée dans la théorie, à méditer sur ce qui est bon ou mauvais de faire dans cette situation. Quand vous ressentez le besoin d’aide venant de vos compas et des personnes touchées par la guerre, il est très humain de vouloir participer à des activités de soutien et de décider de contrer les valeurs inhumaines représentées par le régime agresseur.

Je dirais que cette petite réalité – Solidarity Collectives – que nous sommes en train de créer et qui a eu ses propres expériences, peut grandir et se développer. Elle peut offrir de nouvelles opportunités à des groupes : des coopératives de drones, la réhabilitation des blessé.es de guerre, des projets culturels, des squats pour les réfugié.es – c’est ce dont je rêve. Ces rêves peuvent devenir réalité parce que nous avons un projet comme celui-ci, dans lequel les gens impliqués mettent beaucoup d’efforts, et qui, je pense, donne de bons résultats. C’est ma perspective essentiel en tant qu’anarchiste. Quand il s’agit de grands slogans politiques, de tendances et de projets, je dirais que pour moi la construction d’un mouvement n’a jamais été une valeur absolue. Un mouvement se construit par lui-même, quand il y a de l’activité. Maintenant, il est construit de manière très décentralisée, mais en coopérant. Pour autant que je sache, il y a six ou sept projets de gauche en Ukraine. Certains sont de petits groupes de trois à quatre personnes, d’autres sont plus grands. L’un de ces groupes veut établir un parti de gauche en Ukraine. Nous avons donc des valeurs assez différentes, mais nous coopérons quand même. Les projets fonctionnent de manière autonome, mais s’aident les uns les autres, d’une manière ou d’une autre. Le processus de construction d’un mouvement ne peut pas être accéléré de force, les nouvelles ressources ne sortent pas de nulle part. Vous pouvez investir dans un projet et le développer uniquement à partir de l’étape où il se trouve à un moment donné.

 

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