Sur l’affaire de l’association de malfaiteurs de Bure

No Trace Project / jeudi 11 juillet 2024

Diagramme des associations luttant contre Cigéo et de leurs membres, fait par les enquêteurs (informations personnelles censurées par le No Trace Project).

En 2017 et 2018, environ 20 perquisitions ont eu lieu en France et environ 10 personnes ont été arrêtées et accusées de divers délits en lien avec la lutte contre Cigéo, un projet de centre de stockage de déchets radioactifs à Bure, en France[1]. Certaines des personnes ont été accusées d’organiser ou de participer à des manifestations lors desquelles des personnes ont attaqué des policiers et des bâtiments en lien avec Cigéo, dont une manifestation le 21 juin 2017 lors de laquelle il y a eu un départ de feu dans un bâtiment alors que des civils étaient à l’intérieur. Certaines des personnes ont été accusées de détention d’explosifs. Certaines ont été accusées de faire partie d’une association de malfaiteurs[2].

Après un procès en 2021 et un appel en 2023, trois personnes ont été condamnées à 4 mois de prison avec sursis, et les autres ont été acquittées.

 

Techniques utilisées

Nom Description
Chiens de détection Des chiens de détection ont été utilisés dans l’une des perquisitions[3].
Collaboration des fournisseurs de service
Autres Les enquêteurs ont utilisé la collaboration de banques pour obtenir les relevés bancaires d’associations luttant contre Cigéo[3]. Les relevés bancaires d’une association comportaient un transfert de 500€ intitulé « participation manif 18 fev », en référence à une manifestation lors de laquelle des personnes ont attaqué un bâtiment en lien avec Cigéo.

Le propriétaire d’un supermarché dans une ville à environ 20 km de Bure a prévenu les enquêteurs qu’il avait vu des clients acheter une quantité inhabituelle d’alcool à brûler (15 litres), et a donné le ticket de caisse aux enquêteurs.

Opérateurs de téléphonie mobile Les enquêteurs ont utilisé la collaboration des opérateurs de téléphonie mobile pour[3] :

  • Faire des liens entre des gens.
  • Géolocaliser des téléphones en temps réel.
  • Enregistrer un grand nombre de conversations téléphoniques, dont des conversations ayant eu lieu entre le moment où un appel était passé et le moment où le destinataire décrochait (c’est-à-dire pendant que le téléphone sonnait).
  • Identifier les numéros de téléphone qui avaient été actifs autour de Bure pendant trois manifestations ayant eu lieu en février, juin, et août 2017, dont 55 numéros de téléphones qui avaient été actifs pendant chacune de ces trois manifestations.
Coopération internationale Certaines des personnes arrêtées avaient participé à des manifestations contre le sommet du G20 à Hambourg, en Allemagne[3]. Pour cette raison, des enquêteurs allemands ont coopéré avec les enquêteurs français, notamment en étant présents lorsque les personnes ont été interrogées après leur arrestation.
Dispositifs de surveillance cachés
Localisation Les enquêteurs ont installé un dispositif de surveillance caché par localisation sur un véhicule, qui est resté en place pendant environ un mois[3].
Open-source intelligence Les enquêteurs ont consulté une page Facebook associée à la lutte contre Cigéo et ont ensuite analysé les profils Facebook de toutes les personnes qui avaient « liké » la page[3].
Perquisition Pendant les perquisitions, les enquêteurs ont trouvé[3] :

  • Divers objets similaires à des objets utilisés dans des manifestations : récipients contenant de l’essence ou autres substances, feux d’artifice, cocktails Molotov, et un grand nombre de casques.
  • Un sac à dos contenant à la fois un document écrit avec le nom d’une personne et des objets qui pourraient être utilisés pour construire des engins incendiaires ou explosifs.
  • Un ordinateur non chiffré contenant à la fois le CV d’une personne et un document décrivant ce qui s’était passé pendant la manifestation du 21 juin 2017.
  • De nombreux compte-rendus de réunions sensibles contenant les noms ou pseudos de personnes, à la fois sur papier et sur des supports de stockage non chiffrés.
Science forensique
ADN Des traces ADN ont été prélevées sur[3] :

  • Des objets récupérés après des manifestations, dont des feux d’artifice, des cocktails Molotov, un briquet, et des cailloux utilisés pour briser des fenêtres.
  • Des objets trouvés dans des perquisitions, dont des vêtements, des masques à gaz, des casques, et des récipients contenant de l’essence ou autres substances.

Les enquêteurs n’ont pas réussi à faire correspondre à qui que ce soit la grande majorité des traces ADN qu’ils ont prélevées. Les exceptions notables étaient :

  • Une trace ADN sur un cocktail Molotov trouvé dans une perquisition a correspondu à une personne dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).
  • Une trace ADN sur le bouchon d’un bocal contenant des matières pouvant servir à construire des engins explosifs, trouvé dans une perquisition, a correspondu à une personne dans le FNAEG.
  • Une trace ADN sur un briquet retrouvé après une manifestation a correspondu à une autre trace d’une affaire plus ancienne sans lien avec l’affaire en cours, mais n’a correspondu à personne dans le FNAEG.
Empreintes digitales Des empreintes digitales ont été prélevées sur des objets trouvés dans des perquisitions, dont un carnet, des feuilles de papier, des masques à gaz, des cocktails Molotov, et des récipients contenant de l’essence ou autres substances. La grande majorité des empreintes digitales prélevées n’ont correspondu à personne. Certaines des empreintes digitales prélevées ont correspondu à des individus dans le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)[3].
Incendie volontaire Des traces d’accélérants ont été collectées sur des objets récupérés après des manifestations, et analysées[3].
Numérique Les enquêteurs ont analysé des supports de stockage en extrayant automatiquement les fichiers contenant les mots clés suivants en rapport avec l’enquête[3] :

  • « Action ».
  • « Andra », l’agence en charge du projet Cigéo.
  • « Bindeuil », le nom du bâtiment attaqué pendant la manifestation du 21 juin 2017.
  • « Hibou », un nom utilisé par des personnes en lutte contre Cigéo pour s’auto-désigner.
  • « Incendie ».
Surveillance de masse
Fichiers de police Les enquêteurs ont amplement utilisé des fichiers de police pour faire des liens entre des gens, dont le Fichier national des permis de conduire, le Fichier des véhicules assurés, ainsi que les fichiers d’arrestations, de procédures judiciaires et de condamnations[3].
Vidéosurveillance Les enquêteurs ont utilisé des images des manifestations, filmées par des caméras de surveillance ou des policiers, pour[3] :

  • Identifier une personne qui n’était que partiellement masquée, avec ses yeux, ses lunettes et son front visibles.
  • Faire le lien entre une personne qui avait l’air enceinte au vu de son ventre, vue dans une manifestation, et une personne qui a accouché quelques mois plus tard.
Surveillance numérique ciblée
Contournement de l’authentification Les enquêteurs ont contourné l’authentification de cinq supports de stockage chiffrés trouvés dans des perquisitions[3] :

  • Un disque dur grâce au mot de passe très simple « stopcigeo », qu’ils ont peut-être deviné.
  • Un disque dur grâce à un mot de passe trouvé sur un post-it sous l’ordinateur contenant le disque dur.
  • Un disque dur grâce à un mot de passe qui leur a été donné par le/la propriétaire de l’ordinateur contenant le disque dur.
  • Deux disques durs grâce à des mots de passe qu’ils ont trouvé dans un document texte sur un disque dur préalablement déchiffré.
IMSI-catcher Les enquêteurs ont utilisé des IMSI-catchers pour identifier les numéros de téléphone de personnes qui vivaient dans des lieux en lien avec la lutte contre Cigéo ou qui participaient à des manifestations[3].
Surveillance physique
Cachée Les enquêteurs[3] :

  • Ont suivi l’une des personnes arrêtées pendant quelques heures une fois, et pendant quelques minutes une autre fois, pour découvrir où elle habitait.
  • Ont passé plusieurs jours à faire une surveillance statique d’un lieu associé à la lutte contre Cigéo appelé l’« ancienne gare de Luméville », quelques bâtiments isolés entourés par des champs. Pendant jusqu’à 16 heures par jour ils ont noté et photographié les personnes et véhicules rejoignant et quittant le lieu.

Notes :

[1] https://bureburebure.info/repression
[2] https://noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org/antecedents-familiaux
[3] Source non publique.

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