reçu par mail / mercredi 19 juin 2024
En début de ce mois-ci, nous avons reçu une alerte très inquiétante qui nous a tou.tes surpris. Amadeu Casellas était dans le coma, aux soins intensifs. Quinze jours plus tôt, Amadeu nous avait appelé.es pour nous prévenir qu’il était malade et qu’il était sorti de prison pour aller à l’hôpital, où il devait rester jusqu’à la fin de la semaine.
On l’a soigné et quand il allait mieux on lui a prescrit un traitement et on l’a renvoyé « à la maison », de sorte qu’il a dû retourner en prison.
Amadeu était dans un régime de semi-liberté, il sortait de prison pour travailler et y retournait les week-ends.
Nous ne connaissons pas les raisons médicales de cette hospitalisation, mais il nous avait expliqué qu’il avait du mal à respirer et qu’il manquait d’air. Lors de cet appel, nous lui avons demandé si à l’hôpital ils avaient vu quelque chose, mais il nous a dit que la radiographie des poumons qu’on lui avait fait n’avait rien montré. Ce n’était pas la première fois qu’il avait une crise respiratoire ; auparavant, il y a plus d’un an et alors qu’il était en liberté, il a dû se rendre à l’hôpital pour des symptômes similaires, sans que la cause soit découverte.
Cette fois, ce n’est pas Amadeu qui nous a appelé.es. Et ce qu’on nous a dit, c’est qu’il semblait avoir eu une défaillance de plusieurs organes et que pour éviter un « effondrement », on l’a plongé dans le coma pour essayer de remettre en fonction ses organes.
Pendant que nous écrivons ces lignes, Amadeu est dans le coma depuis plus de dix jours. Pendant sa première semaine aux soins intensifs, on nous disait que sa situation était stable, un euphémisme médical qui explique peu ou rien. En ce moment, on nous dit qu’il semble récupérer peu à peu ses fonctions organiques et que, s’il continue comme ça, ils essaieront de le sortir du coma.
Nous présentons nos excuses pour notre silence à toutes les personnes qui se sont battues pour lui et qui attendent la libération d’Amadeu. Il nous était difficile d’expliquer ce que nous ignorions.
En tant qu’ami.es et compas d’Amadeu, nous n’avons pas d’accès direct aux informations médicales. On ne nous donne pas d’explications, ni d’informations sur l’évolution de son état, nous savons seulement ce que nous voyons en lui rendant visite aux soins intensifs ou ce que son entourage familial nous dit.
Ce n’est pas le moment de faire des spéculations. Nous réaffirmons notre colère, en sachant que la prison non seulement rend malade, mais qu’elle est aussi l’un des pires endroits pour tomber malade. Aujourd’hui, à plusieurs endroits de la péninsule, des initiatives ont été appelées pour dénoncer la négligence médicale dans les prisons. Des initiatives auxquelles nous nous associons inconditionnellement, en attirant l’attention sur la situation sanitaire actuelle, où une négligence médicale criminelle s’étend de plus en plus, dans les prisons. Ce processus misérable de privatisation rend les soins accessibles seulement à ceux/celles qui peuvent les payer.
Non seulement le système capitaliste rend malade dans les prisons et par l’exploitation par le travail, mais, par son agression systématique, il nous aliène aussi, nous privant de la capacité à réagir. La situation de négligence médicale s’aggrave chez les groupes vulnérables (ou qui ont subi des préjudices) et chez les personnes victimes de multiples formes d’exclusion, pour des raisons de classe sociale, de genre, de couleur de la peau, d’idées… Alors que nos vies deviennent de plus en plus précaires, il y a ceux qui font usage de leurs privilèges pour s’enrichir sans aucun scrupule, en nous dépouillant de tout droit et en transférant leurs responsabilités vers les classes laborieuses, appauvries et qui ont de plus en plus de difficultés à avoir une espérance de vie minimale.
Les conditions d’enfermement dans les prisons dépassent les murs et s’imposent dans l’ainsi-dite « société libre », on nous prive peu à peu de toute liberté et nous nous retrouvons accroché.es au système épuisant d’exploitation productive, tout en étant expulsé.es de nos quartiers, de nos habitations et en étant gardé.es comme dans une unité de soins intensifs, attaché.es à toutes sortes de technologies répressives, avec la promesse d’une vie meilleure… pour eux.
Amadeu était sur le point de sortir une nouvelle fois de prison. Mais ce système ne construit pas la liberté pour nous, il nous transfère d’une forme de privation de liberté à une autre. En ce moment, Amadeu est soumis à des tubes et des machines qui maintiennent ses conditions vitales, dans le coma et sans vie consciente. Amadeu attend qu’une fois de plus sa force le pousse à continuer.
La vitalité d’Amadeu est ce qui le libérera de cette nouvelle prison. Nous lui souhaitons et lui envoyons toute notre force, pour qu’il soit bientôt à nouveau avec nous dans la rue. Nous souhaitons que sa voix ne cesse de dénoncer ce système criminel qui, s’il ne te tue pas, te tue.
Amadeu, tu ne peux pas t’en aller maintenant. Il nous reste encore beaucoup à faire pour ouvrir la voie à ces formes de vie tant désirées, dans l’anarchie. Au-delà d’elles, il n’y a rien.
16 juin 2024
Comunicat Grup Suport d’Amadeu