La Nemesi / lundi 27 février 2023
Vendredi 24 février, la Cour de Cassation a dit le dernier mot sur la vie d’Alfredo Cospito. Le compagnon ne sortira pas du 41 bis et, sauf un improbable changement d’avis de sa part, il mourra entouré par des ennemis, dans les geôles de l’État. Il serait hypocrite de ne pas admettre que celles-ci sont des heures de détresse, de douleur lancinante, de rage impossible à assouvir. Alfredo, nous voudrions être à tes côtés, te parler, te toucher, en revanche nous ne pouvons même pas t’écrire. Voici la férocité du 41 bis. Voici l’abomination dans laquelle sont annihilés les ennemis mortels de cet État, une abomination que ta lutte a fait connaître au monde entier.
Nous n’aurons jamais aucune confiance dans la justice et dans ses rites, conscients que le véritable affrontement s’est joué et se jouera encore, jusqu’au dernier souffle, sur un tout autre terrain. Toute sentence sortie du palais baroque qui trône sur le Lungotevere [c’est-à-dire la Cour de Cassation, à Rome ; NdT] aurait été une sentence politique. Il ne s’agit pas, ici, d’une affirmation réthorique, mais d’une évidence, si l’on pense que le 41 bis est la seule mesure de la machine de guerre répressive qui est ordonnée directement par le ministre de la Justice. Il n’y a donc aucun doute sur la responsabilité de cette décision : demandée par la Direction Nationale Antimafia et Antiterrorisme, ordonnée par Marta Cartabia, ministre de la Justice du gouvernement précédent, dirigé par Draghi, confirmée par le ministre en charge, Carlo Nordio, du gouvernement Meloni, la mesure de 41 bis à l’encontre d’Alfredo Cospito est la responsabilité de l’État italien dans son intégralité. Nous refusons donc toute tentative de limiter la responsabilité à l’actuel gouvernement « fasciste », nous refusons toute innocence à priori, toute distinction, toute circonstance atténuante.
Cette mesure a été un acte de guerre interne, de la part du gouvernement précédent, celui de l’Unité nationale, pendant que l’État se mobilisait
dans la guerre en Ukraine.
Cette mesure a été confirmée par l’actuel gouvernement de droite, qui, pas seulement sur ce sujet, mais aussi sur toute question essentielle, est dans une continuité parfaite avec les politiques de guerre et de boucherie sociale du gouvernement précédent.
S’il y a quelque chose que la mobilisation de ces derniers mois a pu
obtenir, ça a été la défaite véritable, non fictive – c’est-à-dire en dehors du théâtre parlementaire et des rites électoraux – de l’Unité nationale, cela en brisant la paix sociale qui infecte le Pays depuis trop longtemps, en ouvrant des fractures dans l’ordre public de la tranquillité bourgeoise. Si, aujourd’hui, quelqu’un espère se mettre à l’abri de la rage des anarchistes, il se trompe vraiment. Vous êtes tous responsables, que vous soyez maudits !
Cela ne veut nullement dire que l’État italien a été uni et unanime en cette affaire. Nous devons dire, en effet, quelques mots sur la façon dont se sont déroulées les choses en Cassation. La décision des bourreaux de la Piazza Cavour [encore une fois, la Cour de Cassation, à Rome ; NdT] a été prise en contournant la requête du Procureur Général, qui, selon les rites de la justice bourgeoise, devrait représenter l’accusation et qui s’est exprimé en faveur de l’annulation de la mesure de 41 bis, avec une demande de renvoi de la sentence du 19 décembre [du Tribunal d’application des peines de Rome ; NdT], qui avait confirmé la
mesure de 41 bis. Il s’agit là d’un paradoxe très rare, mais qui se
vérifie déjà pour la deuxième fois en moins d’un an, dans le cas
d’Alfredo Cospito. En effet, déjà en juin 2022 la Cour de Cassation a émis une sentence contre Alfredo et les autres compagnons sous enquête
dans l’ainsi-dite opération Sibilla, dans ce cas aussi contre l’avis du Procureur Général, qui s’était exprimé « en faveur » des inculpés. Une
sentence, celle-là, qui a eu un rôle décisif pour appuyer la mesure de
41 bis, comme cela a été rappelé à des maintes reprises.
C’est un paradoxe seulement en apparence, qui met en évidence le fait qu’il y a des très fortes pressions pour arriver au résultat ou nous en sommes aujourd’hui, des pressions menées par la fraction la plus justicialiste et va-t-en-guerre du pouvoir. Mais c’est un paradoxe qui nous pose face à une certitude : vous êtes beaucoup plus faibles de ce
que vous pensez. Par cette décision, la classe dirigeante du Pays a démontré qu’elle n’a aucune forme de clairvoyance, qu’elle est incapable
de prévoir les conséquences, non seulement dans l’immédiat, mais aussi
le long des années qui viendront, de ce qu’elle est en train de perpétrer.
Le bruit des menottes, qui commence à se faire entendre à l’arrière-plan, ne nous fait pas peur et il démontre, lui aussi, que les bureaucrates de la répression sont incapables d’une vision sur le long terme.
« Bientôt je mourrai, j’espère que quelqu’un, après moi, continuera la lutte » aurait affirmé Alfredo, quand il a pris connaissance de la
décision des juges. Il n’y a aucun doute : cela arrivera. Ils voulaient
faire taire ce compagnon, mais ses mots, ses contributions, son histoire
n’ont jamais eu autant de diffusion. Un ensemencement qui continuera à
porter ses fruits, longtemps encore.