La Nemesi / jeudi 24 novembre 2022
Ces jours-ci le tribunal a publié les motivations de la Cassation à propos des arrestations qui ont eu lieu lors de l’opération Sibilla. Rappelons rapidement ce qui s’est passé. En septembre 2021, après des années d’enquêtes menées par les directions de Milan et de Perugia du Raggruppamento Operativo Speciale [le ROS est une brigade des Carabinieri qui s’occupe de criminalité organisée et de terrorisme ; NdT], le parquet de Perugia a demandé l’arrestation de sept compagnons et d’une compagnonne. Ce mandat d’arrestation a été partiellement rejeté et redimensionné par le Juge d’instruction. Le 11 novembre, le ROS des Carabinieri effectue donc des dizaines de perquisitions, dans le cadre de l’enquête Sibilla, concernant une quinzaine d’anarchistes, six mesures de contrôle judiciaires sont imposées, en relation avec le chef d’inculpation d’incitation aux crimes ou délits, aggravé par la finalité de terrorisme : un mandat d’arrestation notifié
en prison à Alfredo Cospito (à l’époque il était déjà enfermé, dans la prison de Terni) ; les arrestations domiciliaires avec toues les restrictions pour un anarchiste de Spoleto et enfin l’interdiction de quitter la commune de résidence, avec l’obligation de pointer chez les flics trois jours par semaine, pour quatre compagnons. Le jour de l’opération, deux sites internet, roundrobin.info et malacoda.noblogs.org, sont censurés. Lors des perquisitions, les flics saisissent toutes les copies qu’ils trouvent du journal anarchiste « Vetriolo », ainsi que des livres comme « Quale internazionale? » [Quelle internationale ?] et « Mio caro padrone domani ti sparo » [Mon cher patron, demain je te tire dessus] publiés par les Edizioni Monte Bove.
Ce n’est que cinq semaines plus tard que le Juge des libertés du tribunal de Perugia a révoqué les mesures de contrôle judiciaire, en envoyant au rebut, en quelque sorte, toute l’enquête. Le procureur Manuela Comodi a fait appel en Cassation contre cette décision et elle a obtenu, contre l’avis même du Président de la Cassation, que l’enquête soit rétablie. Les motivations de cette décision viennent d’être publiées, avec un peu de retard. Malheureusement, cette fois il est nécessaire de s’étendre sur des aspects techniques, afin de comprendre les acrobaties par lesquelles la Justice italienne essaye de garder debout l’opération Sibilla et, avec elle, probablement, la décision infâme d’enfermer notre compagnon Alfredo Cospito dans le régime 41bis. En effet, la Cassation a estimé que dans la sentence du Juge des libertés de Perugia il y avait un passage des motivations où il n’argumentait pas à suffisance la position de l’inculpé. Ce passage concerne justement, et comme par hasard, un article d’Alfredo publié sur Vetriolo, ensuite repris dans « Quale internazionale ? ». En conséquence, la décision par laquelle nous avons été disculpés est
annulée et la Cassation ordonne une nouvelle audience du JLD, qui doit traiter de manière plus exhaustive le point en question. Il s’agit donc d’une nouvelle sentence ouverte, qui n’exclu pas qu’on puisse être « disculpés » encore une fois, mais qui se borne à demander que le JLD précise mieux des points considérés comme controversés.
Nous prenons la parole parce que nous voulons dévoiler la logique politique qui est sous-tendue par cette histoire. Cette affaire a un rôle en ce qui concerne la mesure de 41bis appliquée à notre compagnon. En affirmant qu’Alfredo aurait « incité », depuis la prison, à commettre des actions révolutionnaires, ils donnent une bonne raison de maintenir la nécessité de lui interdire toute communication avec l’extérieur. Nous prenons la responsabilité de dénoncer fermement ce qui s’est passé, à notre avis. Il est évident que la Cassation a reçu des des sollicitations pour que l’opération Sibilla soit gardée en vie, même si en soins intensifs. Une décision qui a dépassé même les requêtes du Président de la Cassation, le retard dans la publication des motivations, leur caractère de faux prétextes, tout cela nous parle de la nécessité de garder ouverte, même en se raccrochant à n’importe quoi, une accusation d’incitation aux crimes et délits à l’encontre d’Alfredo.
Le 1er décembre aura lieu l’audience pour confirmer ou pas l’application du 41bis à l’encontre de notre compagnon, pour les prochains quatre ans. Ce jour-là, les bourreaux d’État pourront se présenter au tribunal tout en brandissant cette accusation.
Qu’il soit clair, publiquement, à quel point elle est fragile, en réalité (un renvoi à cause du manque de motivation de la sentence d’annulation, à cause d’un seule article publié sur un journal anarchiste), mais que, jointe à des autres, peut devenir une raison de plus pour garder Alfredo dans ce régime d’anéantissement et donc de le condamner à mort.
En effet, Alfredo a entrepris une lutte très dure, qui ne laisse pas de places pour les acrobaties judiciaires. Face à la perspective de passer une vie entière en 41bis, il a préféré, avec la cohérence et la détermination de toujours, mettre sa vie en jeu, par une grève de la
faim jusqu’au but. D’un côté il y a vos arguties judiciaires, par lesquels vous ordonnez des enquêtes et de la taule, de l’autre côté il y a la linéarité, fière et inequivocabile, de l’anarchisme. Tout comme les compagnons et la compagnonne qui ont rejoint la grève de la faim sont en train de démontrer le sens le plus profond du mot « solidarité », à notre petite échelle, nous aussi luttons en première personne et nous vous promettons que nous ne laisserons pas passer sous silence ce que vous êtes en train de faire.
Adriano, Federica, Francesco, Matteo, Michele, Paolo, Sara.