Indymedia Lille / dimanche 2 janvier 2022
Que suis-je ?
On y suit des ordres, des plans pensés par d’autres ou par des machines, on n’y choisit pas pourquoi, comment et avec qui on fait telle ou telle chose. Autres indices : On y laisse parfois sa santé et on y perd son temps pour finalement galérer toujours autant pour survivre dans ce monde régi par les rapports marchands.
Que suis-je ? Le travail bien sûr !
Qu’il soit légalisé ou non, à son compte ou en entreprise familiale, le travail c’est l’exploitation !
Combien finissent entre les griffes de la justice et en prison punis pour ne pas avoir voulu ou pu se soumettre aux règles de l’exploitation définies par la loi ? Et une fois enfermé-e, il faut toujours du fric pour vivre un peu plus dignement et manger autre chose que la platée administrée.
L’Etat et les entreprises gestionnaires de prisons en tirent profit en faisant travailler à 2 euros de l’heure des prisonnier-e-s pour effectuer certaines tâches nécessaires au fonctionnement de la taule. L’Etat sait aussi qu’il se constitue une main d’oeuvre captive vu comme des parias par une grande majorité de ses sujets-citoyens. Et cela intéresse n’importe quel entrepreneur soucieux de payer de moindres salaires (les boites privées sont censées payer à l’heure à 45% du SMIC et le salaire à la pièce est largement de mise), de disposer d’une main d’oeuvre soumise au rythme de son carnet de commandes et de trouver un moyen de faire faire des tâches particulièrement abétissantes.
Ça évite des délocalisations et des dépôts de bilans diront les économistes. C’est de la réinsertion diront les bonnes âmes de gauche ; la prison doit offrir une seconde chance, celle d’accepter sa condition d’exploité-e.
Les réformes n’y feront rien, c’est l’exploitation et l’enfermement que nous voulons anéantir. Pour que s’ouvrent d’autres horizons !
Comme contribution à ce vaste projet nous avons rendu visite à 3 entreprises parmi les centaines qui exploitent des prisonnier.e.s :
Une boutique de la marque Séphora au 27 avenue du Château à Vincennes (Val de Marne). La nuit du 27 au 28 décembre, les serrures ont été engluées, le système d’ouverture automatique de la porte d’entrée a été en partie saboté et ses vitres brisées. Sur sa façade a été inscrit « Sephora exploite les taulard.e.s », « A bas le travail et la prison » et « Feu aux prisons ». Sephora est une entreprise du groupe LVMH qui, comme la grande majorité, préfère ne pas faire savoir que ses cosmétiques sont issues en partie du travail en prison.
D’autres par contre s’en vantent. C’est le cas de la marque de vêtements « upcyclés » « Les Récupérables » située notamment au 11 rue des Gardes à Paris 18e. On apprend aussi bien sur le site de la marque et sur le site de l’ATIGIP [1] que l’entreprise sous traite une partie de sa production dans des ateliers gérés par l’administration pénitentiaire. Sa fondatrice Anais Dautais Warmel aime à se présenter comme une « créatrice de mode moderne et écoresponsable ». La nuit du 26 au 27 décembre, sa vitrine a été recouverte par « Collabo des prisons », « exploiteur » et « Liberté pour toutes ».
D’autres s’en font aussi un argument de vente en affichant fièrement sur leurs vitrines le label PEP’S [2] comme la boutique de « fabrication artisanale de Pinatas en papier mâché » située au 25 rue des Vinaigriers à Paris 10e. Elena Farah, sa créatrice et gérante, parle de ses nombreuses années à payer à la pièce dans les sombres ateliers des prisons comme son « expérience humaine la plus intéressante et enrichissante ». Et bien elle aura découvert le matin du 20 décembre ses vitres taguées et explosées accompagnées de l’inscription “La Pinata exploite des prisonnier.e.s”.
Notes
[1] Agence du Travail d’Intérêt Général et de l’Insertion Professionnelle, qui organisent les différentes manières de faire travailler les personnes sous main de justice : des ateliers gérés par l’administratrion pénitentiaire qui produisent en sous traitance, aux concessions (ateliers ouverts par des entreprises privés dans les prisons) en passant par les offres de TIG (Travaux d’intérêt général) que le ministère aimerait développer massivement.
[2] Produits En Prison.s, un label crée récemment « pour faire connaitre et valoriser le travail en prison »