Quelques mots d’Ignacio et Luis sur ce qui s’est passé le 12 novembre en prison
Contra Info / lundi 20 décembre 2021
Face à ce qui s’est passé le 12 novembre dernier et dans lequel nous avons été impliqués, nous déclarons que pour nous il ne sera jamais question de mettre notre dignité à disposition des matons, qu’il s’agisse de procédures faisant partie du règlement ou de simples vexations. Parfois, ils peuvent être parfaitement réglementaires, mais nous ne nous laissons pas guider par leurs règles et encore moins par les ordres auxquels ils attendent qu’on obéisse et, sans vouloir nous victimiser, nous considérons que tout ce théâtre n’était rien de plus qu’une provocation et une attaque ciblée et qu’ils ne s’attendaient pas à la réponse agressive que nous leur avons donnée, toujours en défense de notre dignité et notre intégrité.
Les faits :
Vers quatre heures de l’après-midi, il y a eu une opération dans la section 85, dans lequel, jusqu’à présent, nous sommes enfermés. Cette descente a vu la participation de personnel de la gendarmerie [le corps des surveillants pénitentiaires du Chili ; NdAtt.] extérieur à la section et de responsables du CEAC (formation des chiens de la gendarmerie). Dès le début, les provocations de l’un de ces derniers à l’encontre de Luis étaient évidentes : il a reçu au moins 3 coups à la tête, portés avec la main ouverte, de la part du fonctionnaire, ainsi que des insultes. Jusque-là, nous avions décidé de ne pas trop réagir, mais après, une fois de plus, Luis a été obligé de faire une flexion, une vexation complètement inutile à nos yeux, mais apparemment requise par le règlement, selon les matons.
Face à son refus d’exécuter ce mouvement, l’officier qui lui avait ordonné ça l’a poussé au sol et une meute d’autres gendarmes l’a aidé, en frappant Luis avec leurs poings et même avec des bâtons. Face à cela, Ignacio a attaqué l’un des agents qui tabassaient et tentaient de soumettre Luis et a reçu le même traitement de la part d’un autre groupe de matons, qui lui ont projeté une grande quantité de spray au poivre sur le visage et le corps. Une fois soumis et menottés, nous avons été conduits à l’écart du reste des détenus, tout en nous faisant constamment insulter et menacer par les gardiens, qui nous répétaient sans cesse que nous « allions morfler » dans la section pour détenus dangereux, comme représailles pour notre action et parce que nous sommes des « anarchistes » et/ou des « subversifs ».
Après cela, nous avons été emmenés à l’hôpital de la prison, où on nous a fait signer un constat de blessures, qui clarifie peu ou rien sur les agressions que nous avions subies. Nous avons ensuite été emmenés au mitard, où nous avons été enfermés dans une cellule ensemble. Vers 23 heures, nous avons reçu la visite du directeur du complexe pénitentiaire, qui était accompagné d’un fonctionnaire avec une caméra de type GoPro, avec laquelle il a enregistré le résumé que nous avons fait de « notre version » des faits.
Le lendemain, nous avons été emmenés dans les cellules de garde internes à la prison et seulement Ignacio (même si le résultat s’applique à tous les deux) a été interrogé et reclassé par l’un des capitaines qui était présent pendant l’opération, qui après avoir menti sur sa supposée connaissance de l’opinion des autres prisonniers subversifs, a non seulement répété la menace susmentionnée de nous « envoyer à morfler ou à mourir poignardés », mais a même osé dire que nous ne sommes pas des « subversifs », mais seulement des « gamins », que la légitime défense « ne s’applique pas » en prison et que si nous nous comportons à nouveau comme nous l’avons fait, nous serons transférés dans une autre section ou une autre prison. Ensuite, on nous a informés que nous allions retourner dans la section 85, mais avec un statut de « sursis ».
Rien de tout cela ne nous surprend ni ne nous fait peur et si nous devrons à nouveau nous défendre, nous n’hésiterons pas à le faire. Nous savons que d’autres coup viendront, de la part des matons, que ce soit contre nous ou contre les compagnons anarchistes/subversifs qui sont dans les sections 1 et 2, et nous appelons à l’action, pour se solidariser avec les faits, face aux futurs harcèlements et/ou aux représailles institutionnelles contre ceux/celles qui résistent à ce traitement.
Emprisonnés mais jamais vaincus !
Mort à la prison et à la société qui en a besoin !
Ignacio et Luis
*****
Quelques mots simples. Un communiqué du compagnon Ignacio Avaca
Contra Info / lundi 20 décembre 2021
Il y a beaucoup de choses que je voudrais vous dire et, à mon avis, les mots resteront toujours insuffisants pour exprimer l’intensité et la particularité de ce que je ressens. Je voudrais remercier chacun.e d’entre vous sans avoir à répéter « merci », mais par un aide quand vous en aurez besoin, par des actes et non pas par des lettres ; cependant, en ce moment, peut-être que la seule action qui me reste à faire est de continuer à résister, comme je l’ai fait jusqu’ici, avec mon frère de sang et avec les frères et sœurs subversif.ve.s qui se trouvent ici à Rancagua à Santiago, ou dans n’importe quelle prison du monde.
Il ne passe pas un jour sans que je ne désire un peu de la liberté « de dehors », qui, bien que souvent illusoire et transformée en prison à ciel ouvert, parfois de façon matérielle et souvent de façon immatérielle, est sans aucun doute préférable au fait de se trouver dans cette cour stérile. Il ne passe pas un jour sans que je ne regarde les peupliers qui bougent avec le vent, hauts, loin des barbelés, du béton et des regards des matons, et je voudrais être en train de caresser la verdure d’un arbre, je voudrais la chaleur d’une accolade complice ou l’intensité de la rencontre de mes yeux avec ceux de quelqu’un.e que je n’ai pas vu depuis longtemps. Mais je sais aussi que tout cela fait partie de ma décision de vie et que, bien que cela me fasse mal et que je ne souhaite la prison pour personne, ce destin n’a jamais été une nouveauté, le fait de lui résister et d’essayer d’éroder ses structures (physiques et mentales) autant que je le peut, de briser sa rigidité et ses entraves n’a jamais été une nouveauté. Et même s’il y a des choses dans lesquelles j’ai échoué, je le sais, ou qui auraient pu être meilleures, je suis sûr qu’il n’y a rien que je ne puisse apprendre d’elles, pour mon présent, pour mon expérience ici ; l’autocritique constante a toujours été, pour moi, non pas une nécessité, mais une décision de vie qui, même si parfois douloureuse, porte avec soi la seule chose que j’ose croire être une « loi universelle » : le changement constant.
Pour le restant de cette vie (et peut-être d’autres), je serai reconnaissant envers mes ami.e.s, mes affins, mes frères et sœurs et mes amours et même si je suis rempli de rage, de chagrin et d’impuissance, je sais que tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, je les reverrai.
« (…) avec un cœur aimant, qui se dévoile devant le compagnon, avec une main tendre et l’autre armée. (…) »
G. Pombo da Silva
EMPRISONNÉ, JAMAIS VAINCU !
MORT À TOUTES LES HIÉRARCHIES !
Ignacio Avaca
20 novembre 2021