Un communiqué des compagnons Ignacio et Luis
Contra Info / jeudi 26 août 2021
Nous attendons qu’aujourd’hui ce béton et ces barbelés soient traversés par des cris complices. Même si nous ne vous entendons pas, nous savons de toute façon que vous êtes là, comme vous l’avez été depuis que nous sommes tombés. Pour nous, comme pour tant d’autres compas emprisonné.e.s. C’est pourquoi nous vous remercions sincèrement pour tout ce que vous avez fait et pour tout ce que vous ferez.
Ceux qui ont les mains désireuses d’agir, comme nous et vous, savent que la prison et la répression sont toujours possibles. Il est toujours mieux de les éviter à tout prix. Mais, le moment venu, il ne reste plus qu’à les assumer comme un nouveau scénario de confrontation.
Nous ne sommes maîtres de la vérité et nous n’avons pas de formules infaillibles pour ce chemin. Peut-être que tout ce que nous pouvons faire, c’est essayer, échouer, apprendre et continuer à essayer. L’une des rares certitudes que nous avons ici est que, même si nous sommes en taule, nous ne serons jamais vaincus. Nous avons appris cela de l’expérience de nombreux compas qui se sont trouvé.e.s dans cette situation avant nous et que nous remercions profondément pour tout leur soutien.
Nous espérons que les expressions de solidarité les plus diverses se multiplient, pour tou.te.s les prisonnier.e.s et celles/ceux qui sont tombé.e.s. Plutôt que les slogans, l’action sera toujours la meilleure commémoration.
Solidarité active et combative avec toutes les personnes enfermés dans les prisons de la démocratie.
Compagnons anarchistes, subversif.ve.s et révoltés : enfermé.e.s mais jamais vaincu.e.s !
Ignacio et Luis
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Sur la semaine d’agitation pour les anarchistes emprisonné.e.s : une précision nécessaire
Contra Info / jeudi 26 août 2021
(I) Tout enfermement est politique, dans les prisons de la démocratie
Loin d’une simple métaphore, aujourd’hui plus que jamais les murs sont si grands qu’ils ne nous permettent pas de voir l’horizon dehors… Parfois l’impatience ronge la tranquillité dans laquelle nous avons décidé de rester, en cette situation peu sympathique dans laquelle nous nous trouvons depuis trois mois. Nous savons que dans la rue les choses ne sont pas faciles et, pour cette raison, nous sommes immensément reconnaissants pour chaque mouvement complice de la part de compas de différents endroits.
Derrière les barreaux, l’anxiété et l’incertitude nous accompagnent au quotidien. Les regards des matons ne font que nous rappeler que l’ennemi est ici et qu’il veut nous voir vaincus. Selon ses propres termes : « nous éliminer ». Cependant, ses mots ne nous font pas peur du tout. Et, comme des animaux en cage, nous marchons dans cette cour de béton déserte, parfois tristes, mais jamais vaincus.
Depuis notre arrestation, nous avons été les sujets de nombreuses déclarations publiques de la part des médias, véritables porte-voix de l’ordre existant et de ses gestionnaires. Avant d’être mis en examen, nous étions déjà traités comme des coupables. Nous nous rappelons l’entrée triomphale chez nous, lors de notre arrestation, d’un procureur connu et pédant. Avant que nous-mêmes ne le disions, nous étions déjà catalogués comme anarchistes, ou du moins liés en quelque sorte à cette étiquette politique. Dans cette situation, et comme nous l’avons déjà mentionné dans nos premiers mots après l’arrestation, il est presque stupide de ne pas remarquer que l’emprisonnement et le procès dont nous sommes les protagonistes est un procès politique. Les seuls qui essaient de maintenir le mensonge de la neutralité politique de la loi sont peut-être ceux/celles qui l’appliquent, ainsi que la presse qui vomit le discours « officiel ».
Nous ne pouvons pas nier la condition politique de notre enfermement, ainsi que de tous les enfermements, aussi « communs » ou « normaux » qu’ils soient. Nous savons que dans les prisons du capital et de la démocratie, il n’y a pas de prisonnier.e qui ne soit pas politique. Que des personnes décident ou pas d’assumer cet aspect de l’enfermement n’est pas quelque chose que nous pouvons inculquer de l’extérieur, mais cela doit être le fruit d’une réflexion individuelle à laquelle nous pouvons contribuer si sollicité.e.s. Mais toujours en tenant compte du fait que nous sommes prisonnier.e.s autant que nos compagnon.ne.s de section ou de cellule. Nous ne sommes l’avant-garde de rien et nous ne cherchons à « évangéliser » personne, pour leur faire acceptes nos vérités sans les critiquer.
Nous ne pouvons que nous reconnaître comme des prisonnier.e.s politiques, notre « innocence » ou « culpabilité » n’est pas quelque chose que nous puissions déterminer. Ça c’est le travail du Parquet.
(II) A propos de nos étiquettes et de nos tendances politiques
Il est maintenant temps de clarifier une question problématique pour nous, qui n’aimons pas nous étiqueter sous des catégories qui, nous le savons, ne peuvent rendre compte de la complexité et du changement constant de notre être. L’importance de cette question, bien qu’elle ne nous plaise pas, n’est pas seulement de réfuter les hypothèses et les mensonges de la presse, mais aussi de montrer la paranoïa de nos persécuteurs. Ceux-ci, dans ce cas comme dans d’autres, essaieront toujours de nous relier à une quelque organisation, en construisant une narration typique de l’idéologie de la doctrine de la sécurité nationale, aujourd’hui blanchie politiquement et démocratiquement dans ce qu’ils appellent Sécurité des citoyens.
Selon les complaintes du Parquet, nous ne sommes rien d’autre que deux individus qui ne reproduisent pas la complicité citoyenne, face à cette réalité de merde. Dans ce monde, il n’y a rien de pire que de rester passif.ve.s. Mourir indifférent.e, face à des si nombreuses situations normalisées dans le monde civilisé du capital et de la démocratie, c’est encore plus pathétique que mourir en prison.
Quand la vie quotidienne se réduit à être collé à un écran 24 heures sur 24, à consommer les produits que la publicité nous propose, sans critiquer toutes les nuisances dont nous sommes complices jour après jour, alors cette vie il vaut la peine de la risquer. Nous nous démarquons de tout confort, complice de ce système, par des pratiques et pas seulement par des mots. Sans crainte de la répression, sans crainte de l’emprisonnement, sans crainte des maton.ne.s ni de l’opinion publique. Nous mourrons de toute façon, que nous nous lançons ou pas dans la lutte. De la même manière, ils pourraient nous emprisonner pour ce que nous pensons, que nous agissions ou pas.
Ils pourraient nous appeler nihilistes, anarchistes, subversifs, anti-système. Aucune de ces catégories ne nous représente, nos esprits libres refusent d’être enfermés dans des concepts et des abstractions vides. Encore moins dans des étiquettes que la presse, la police et la morbidité citoyenne utilisent à tour de bras. Néanmoins, seulement pour des questions pratiques, nous exprimons notre sympathie pour l’adjectif « nihiliste ». Aussi, nous nous considérons comme totalement anti-autoritaires. Nous savons très bien que ce sont les actes qui doivent parler, avant les mots. Et ce sont des actions, aussi, qui nous rapprochent, même si elle ne nous unissent pas, à tant d’autres compas emprisonné.e.s dans tant de prisons dans le monde. Les affinités se nourrissent dans l’action, loin de tout sectarisme et dogmatisme, comme des compas l’ont dit récemment. Et cela ne doit pas seulement être écrit, mais aussi mis en pratique. C’est pourquoi, depuis cette cage, nous serrons dans nos bras les subversif.ve.s, les sauvages, les révolutionnaires, les anarchistes et même ces délinquant.e.s « commun.e.s » qui, par leurs actions, contribuent à éroder l’ordre existant.
« (…) notre proposition pour le présent est claire. Que celui qui veut rejeter directement la tyrannie du système passe des mots à la pratique. »
(Secte des Révolutionnaires, communiqué n°4)
(III) Quelque chose comme un adieu
Nous avons été clairs. Rien de ce qui a été dit dans la presse ou de ce qui peut être spéculé à notre sujet n’est aussi vrai que ce que vous venez de lire. Notre réticence à nous enfermer dans des étiquettes idéologiques dérive de notre volonté de rester le plus libres possible, en constante évolution et autocritique. Ni cette réticence, ni la façon dont nous faisons face à ce procès ne sont infaillibles. D’ailleurs, ils sont absolument critiquables et nous encourageons cette critique. Mais c’est ce que nous avons décidé de faire. Et, même si de nombreux.ses compas peuvent ne pas les partager, nous ne cherchons pas à convaincre, ni à imposer nos vérités à qui que ce soit.
Nous sommes des prisonniers politiques, comme tou.te.s les autres. Nous ne sommes pas des idoles. Nous sommes des compas, des complices, des ami.e.s et, peut-être, des amours.
Mónica, Francisco, Joaquín, Juan Aliste, Juan Flores, Marcelo, Felipe et Oso. Deux accolades pour chacun.e d’entre vous.
Liberté pour tou.te.s les prisonnier.e.s. A bas la prison et la société qui en a besoin.
Force à toutes les personnes inquiètes qui agissent contre la machine, que ce soit en taule ou dans la rue.
Ignacio et Luis