Round Robin / mercredi 30 juin 2021
Dans notre époque, le triomphe de la science, de la technologie et de la technique est incessant. Cela ne signifie pas qu’on serait dans un monde de science-fiction ou visionnaire, mais que, dans la dure réalité, la science, après avoir fidèlement servi la politique (l’État) et l’économie (le capital) est maintenant devenue le moteur du nouveau cadre productif et économique.
Jusqu’à la moitié du XXe siècle, elle fournissait à l’État les moyens pour la propagande (télé, radio, presse) et ceux pour la répression (des armes), dans le cadre de son monopole historique de la violence, et elle fournissait aussi des moyens de production industrielle qui ont réduit la main-d’œuvre. Depuis le milieu du siècle dernier, le pouvoir de la science n’a cessé de s’accroître, jusqu’à envahir chaque aspect de notre vie et, par les bio- et nanotechnologies, la vie elle-même.
Il semblerait que le monopole de la vérité ait rendu la science omnipuissante, comme cela a été le cas pour l’État avec son monopole historique de la violence.
Par la passé, la Science, l’Église et l’État se sont affrontés pour se disputer le pouvoir ou pour le partage des pouvoirs. A l’heure actuelle, ce sont la science et la technologie qui déterminent et influencent les choix politiques de l’État et les stratégies économiques, sociales et répressives : elles ne sont donc pas neutres.
Le capitalisme finance des armées de techniciens qui se consacrent à la recherche et à la création de nouveaux produits et « ressources » qui peuvent être gérés seulement par des spécialistes, en plus de produits qui, une fois qu’ils sont mis à disposition des masses, façonnent le monde qui nous entoure, en devenant « indispensables » et parfois indestructibles, comme le nucléaire.
Ce processus est rapide comme la croissance de la technique et il a restreint la liberté individuelle. Des algorithmes décident les rythmes de production, des grand serveurs collectent des données, la géolocalisation, les applications nous réduisent à des sujets/objets de consommation. La restriction de la liberté qui a été mise en place par le passé par l’État et le capital a provoqué une résistance farouche de la part des exploités, mais cela ne se produit pas avec la science. Dans l’imaginaire collectif, celle-ci reste neutre et, surtout en Occident, ses produits ont augmenté le confort et la prospérité de la plupart de la population. Face à cette prospérité, le manque de liberté, l’exploitation des ressources, la réduction en esclavage de populations entières, des secteurs de la planète rendus invivables, les migrations provoquées par les guerres et le changement climatique n’intéressent personne.
Managers, chercheurs, technocrates et médias diffusent à l’unisson le message qu’« il ne faut pas avoir peur des technologies », de l’intelligence artificielle et de tout ce qui est lié à des innovations et des automations qui, en tout cas, seront imposées.
Ne nous laissons pas distraire par le faux débat sur l’utilisation des instruments de la vie quotidienne ou par les divisions rhétoriques entre des technologies « bonnes » ou « mauvaises ».
Avec le « Plan national de relance et de résilience » [plan du gouvernement italien d’un montant de quelques 222 milliards d’euros, faisant partie du plan européen Next Generation EU, pour préparer le « post-épidemie », dans le sens d’un développement numérique et prétendument « vert » du pays ; NdAtt.] c’est une restructuration économique qui sera mise en place, pour le bien du capital, des entreprises, des start-up de la technologie et des géants de la high-tech. Les capitalistes et le secteur industriel accueillent à bras ouverts cette injection de liquidité, sous forme d’investissements publics et privés.
Le Recovery Fund [fond européen de soutien à l’économie, à la suite de la pandémie de Covid-19, NdAtt.] est une autre mine d’or. Parmi ceux qui vont bénéficier des investissements il y a les « pôles d’excellence » de la recherche techno-scientifique, les Universités et l’Institut IIT, dans le but d’élargir le parc technologique où sera bâti le centre hi-tech « Énergie et environnement », qui va recevoir environ 80 millions d’euros, comme premier investissement.
En avril 2021, le président du Conseil des ministres Mario Draghi a annoncé la création d’un énième Comité de techniciens et d’experts. Une « task force » qui, plus précisément, s’occupera du Recovery Fund, en dépassant et en accélérant les normes bureaucratiques et toute possible problématique quant à autorisations, interdictions et concessions. De cette façon, ils vont par exemple combler le « retard » par rapport au plan de numérisation et d’installation de la fibre optique sur tout le territoire italien.
Le 1er avril 2021 il y a eu l’accord financier pour Fibercop, la société qui lie les deux plus importants acteurs du réseau internet. TIM [le deuxième opérateur de téléphonie mobile en Italie, filiale de Telecom Italia ; NdAtt.] se chargera, en plus, de fournir les installations des « armoires » de fibre optique présents dans les rues, et la fibre optique sera développée jusqu’aux maisons par Flash Fiber (dont TIM possède le 80 % et Fastweb le 20%). Le Fond d’investissement KKR Infrastructure a participé, aux côtés de ces deux grandes entreprises du secteur numérique, avec le versement à TIM de 2 milliards d’euros (pour un patrimoine qui arrivera à 7,8 milliards).
Pour ce qui concerne les procédures de construction d’infrastructures qui seront accélérées, il y a des grandes œuvres de travaux publics, le dépôt de déchets nucléaires, et la voie sera ouverte à l’installation d’un nombre infini d’antennes : les champs électromagnétiques, les cancers, les radiations, la dévastation de l’environnement sont considérées comme des conséquences acceptables.
Un décret-loi ad hoc sur la « nouvelle gestion », efficace, du gouvernement Draghi, introduira l’ainsi-dit « modèle Gênesois », c’est-à-dire des dérogations aux réglementations sur les appels d’offre, ce qui permettra d’éviter les arrêts administratifs des chantiers à cause de quelque problème ou du manque d’autorisations : feu vert, donc, pour les hommes d’affaire du BTP, pour le clientélisme et la corruption.
A la lumière de tout cela, c’est justement à Gênes qui redémarre le chantier du viaduc autoroutier appelé « Gronda », malgré le fait que même les autorisations pour le chantier ou les permis pour les travaux manquent. Du coup, Autostrade per l’Italia (les spéculateurs qui sont responsables de l’effondrement du Ponte Morandi [grand viaduc autoroutier qui passait derrière Gênes ; il s’est effondré le 14 août 2018, causant 43 morts – 566 personnes ont été évacuées des immeubles situés en dessous ; Autostrade per l’Italia est la société par actions, contrôlée par l’État italien, qui gère le réseau autoroutier de la Péninsule ; NdAtt.]) continuera à enrichir ses managers assassins.
La gestion du Recovery Fund sera donc confiée à un Comité interministériel de techniciens, composé par l’ancien chef de Vodafone [le troisième opérateur de téléphonie mobile en Italie ; NdAtt.] Vittorio Colao (chargé de la « numérisation »), par Enrico Giovannini (infrastructures), Maria Cristina Messa (recherche) et Roberto Cingolani (transition écologique). Les ministres qui ont été chargé directement par la Commission européenne des flux d’argent les plus importants sont Cingolani et Colao, qui auront a leur disposition un budget plus important de n’importe quel autre ministère. La si renommée « transition écologique », sponsorisée par l’ancien directeur de l’IIT [Roberto Cingolani ; NdAtt.], remplira les poches et les comptes bancaires du « cercle d’amis » de l’investissement et du développement technologique-industriel.
La « transition écologique », au delà de cette définition si « verte », n’est pas du tout une opération pour la sauvegarde des pandas en voie d’extinction ou pour le reboisement de la forêt amazonienne, mais une opération politique et économique visant à stimuler, encore et toujours, le système industriel, non pas à l’éliminer ou à le remplacer, comme par magie.
Dans chaque transition économique, il y a toujours une classe au pouvoir qui s’enrichit ; dans le cas actuel, cela se produira par l’accumulation d’une grosse dette publique, que les exploités devront rembourser demain, avec des conséquences désastreuses, bien entendu pour les plus pauvres.
Tandis que des nombreuses personnes sont distraites par une presse qui parle de responsabilité, de sécurité, de masques, de vaccins, de règles de comportement et de sacrifices, il y en a qui continuent à s’enrichir.
Cette dernière année, la pandémie de Covid-19 a accéléré encore plus le processus de technicisation de la société. L’État a abdiqué son pouvoir politique, en secondant sur tout point le Comité technique-scientifique [crée avec le décret-loi du 5 février 2020, le Comitato Tecnico Scientifico a un rôle de consultant du gouvernement italien pour la gestion de la pandémie de Covid-19 ; NdAtt.], qui, sur la base de données et de nombres, a confiné chez eux des millions de personnes, qui pouvaient sortir seulement si elles participaient au processus productif. Production et consommation étaient assurées : voilà les seules libertés octroyées.
Il faudrait réfléchir au fait que les conditions d’exploitations dans lesquelles nous vivons, dans le Capitalisme, ont pu faire identifier une plus grande « liberté de mouvement » avec l’opportunité ou la nécessité d’aller travailler. Une mobilité octroyée, selon laquelle le virus n’est pas plus dangereux sur son lieu de travail que lors d’une balade dans la rue ou dans une forêt, mais il l’est bien plus lorsque l’on fait grève et l’on descend dans la rue pour protester ou pour manifester.
La tendance à la numérisation, à la technicisation et à l’efficacité continuera aussi après la fin de la pandémie. Celle-ci est un événement que l’État, la science et la technologie ont exploité de leur mieux. Face à cela, si les individus, les exploités ne veulent pas se retrouver à vivre, dans un futur pas si lointain, dans un monde où l’on sera écrasé dans une « liberté » liée à sa propre utilité productive, ils doivent combattre sans remords aussi cette nouvelle transformation de la société.
Pour ces raisons, dans la nuit du 19 juin 2021, nous avons détruit par le feu 5 armoires de serveurs de base de données et l’antenne-relais de la 5G du Pôle technologique Erzelli, à Gênes, ainsi que le pylône de la ligne haute tension de Terna, situé à côté.
Solidarité combative internationaliste avec les prisonniers de la guerre sociale ! Lutte permanente contre l’État et le Capital. Pour l’Anarchie !