reçu par mail / samedi 5 juin 2021
Je ne mens pas, en disant que je me souviens de toi comme si c’était hier, depuis maintenant un quart de siècle, presque tous les jours. Quelqu’un.e pourrait douter de cette affirmation, mais je m’en fiche parce que, sûrement, cette personne ne connaissait pas ce compagnon ; et encore moins il/elle ne me connaît, moi (ni mes sentiments les plus intimes). Je déteste les « éphémérides », mais (à cette occasion…) il m’est impossible d’éviter d’écrire ces mots. Ton arme s’est enrayée et on t’a tiré une balle dans la poitrine. On t’a tiré encore dessus, dans le dos. Toi, justement, qui écrivait dans tes poèmes que tu n’allais pas les attaquer par derrière. Nous, les anarchistes, sommes comme-ça : nous les affrontons en sachant que nous avons tout à perdre, mais nous nous jetons quand même dans la bataille inégale, comme David contre Goliath. Ta mémoire et ton courage, compagnon, continuent d’éclairer notre lutte…
J’étais un peu plus jeune que toi, au milieu des années 90… Une bande d’adolescent.e.s « punks » tournait autour de toi, quand nous nous sommes rencontrés lord d’initiatives anarchistes. C’est de cela que je veux parler : d’anecdotes de la vie que, jusqu’à ce jour, je n’ai jamais partagés avec personne. C’était des choses qui ne jaillissaient qu’entre nous, Sergio. Pardonnes-moi si j’ouvre mon âme douloureuse et si je les partage : si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai peut-être jamais. Et jamais c’est trop. Il n’y a aucun doute sur ton insurrectionnalisme intuitif. Tu n’avais pas besoin de lire « Alfredo », parce que l’informalité coulait dans tes veines, de manière contagieuse. Et plusieurs d’entre nous se sont engagé.e.s – sans retour – dans la révolte permanente, qui (au 21ème siècle) est loin de d’être finie. Bien au contraire, elle grandit et porte ses fruits dans chaque action insurrectionnelle !
Les « vieux/vieilles » de la FORA [Federación Obrera Regional Argentina ; NdAtt.] t’ont donné le micro dans ce moment mémorable du 1er mai ; et nous étions là, les compas du groupe « X », si je me souviens bien, on venait d’assister au concert d’un groupe musical appelé « Familia Asesina »… Complices, nous nous déplacions entre la Biblioteca Ingenieros, le FLA [Federación Libertaria Argentina ; NdAtt.] et la FORA, comme un.e chien.ne dans une maison… C’était une époque mouvementée qui pouvait se résumer en deux mots : ACTION DIRECTE ! Un point de rencontre obligatoire était le marché de fanzines anarchistes sur la Plaza Congreso, le samedi. Comment oublier Sole (oui, la même qui a été « suicidée » à Turin, parce qu’elle était trop belle et combative, malgré son sale héritage bourgeois). Mais entrons dans le vif du sujet, bordel…
Il y a des images qui sont gravées en moi de manière indélébile. L’une d’entre elles c’était quand, lors de la Marche de la Résistance sur la Plaza de Mayo, t’es monté sur cette statue ignoble avec un drapeau noir, et tu l’a placé dans les mains du grand personnage de service, à la grande joie des tribus acrates, qui étaient venues se rencontrer là-bas… Puis nous sommes allés vagabonder parmi les « res-tau-rants »(ça s’écrit comme-ça ?) les plus huppés des environs. Toi ? Tu rentrais dans chacun d’entre eux et tu criais – à tue-tête – : J’ai faaaaaim ! Imaginez les visages stupéfaits des client.e.s Je ne sais pas pourquoi je t’aimais tant. Peut-être parce que j’aimais la poésie autant que toi. Tu récitais tes nouveaux vers à mon oreille, avant de les écrire. Ton souffle est toujours présent en moi. Tu es éternel, je le sais…
Un jour, peu avant ce maudit enterrement inattendu, tu es venu en train de la capitale à ma maison en province. Je t’ai accueilli avec des copain.e.s (et un sourire complice) en milieu d’après-midi. Tes yeux brillaient comme des soleils en ébullition ; c’est alors que tu m’a dit : je viens te voir parce que t’as ma complète confiance, compagnon. C’est urgent et les enfants ont faim. Je n’en peux plus, je pense exproprier de la nourriture pour résoudre cette situation… Je l’aimais tellement que j’ai fondu en larmes et lui ai répondu : mon frère, tu es un diamant brut. Nous avons besoin de toi et en plus ils sont en trains de nous suivre (à cause du grand bordel que nous avons fait le 25 mai). Attendons un peu, les « services » sont à nos trousses.
Mes avertissements n’ont servi à rien. Le compagnon avait déjà pris sa décision et est passé à l’action. Ils l’ont criblé de balles à la sortie d’un magasin, parce qu’il a perdu du temps, à la vue, sur les étagères, de ces kilos de nourriture nécessaires pour satisfaire l’appétit de ses/nos frères/sœurs.
Contra Info est un portail qui nous est absolument indispensable. Et encore plus maintenant, alors que la « répression informatique » est utilisée pour nous faire taire. Nous nous coordonnons au niveau international : l’Internationale Noire grandit à chaque instant… De Santiago à Montevideo, de Buenos Aires à nos tanières, dans la Pampa incontrôlable. C’est un fait que nous sommes en train d’attaquer : leur merdias cachent l’information. C’est pourquoi nous encourageons nos groupes à rendre les attaques visibles…
L’assassinat du compa Santiago Maldonado a été un point d’inflexion et je ne parle pas comme ça : je le connaissais personnellement. De quelque part, il est en train de nous demander : « Et toi, où es-tu ? » La réponse est donnée par chaque offensive, à travers ce territoire qu’il s’était proposé de libérer… Nous ne sommes pas une « avant-garde ». Pas non plus de nouveaux.elles « kamikazes » de l’anarchie… Nous sommes des ANARCHISTES SANS ADJECTIFS, ça te dit quelque chose ? Nous adhérons à l’Appel à l’action directe internationale pour le 11 juin : pour tous nos prisonnier.e.s et nos mort.e.s d’hier et d’aujourd’hui. Au diable le fait d’être d’accord sur tout et de se trouver sympas les un.e.s les autres. Au diable le fait que c’est bien qu’on ne sache pas qui écrit… BOMBES, POIGNARDS, FEUX.
Il est évident que ces paragraphes sont écrits par une individualité. Les autres membres de la Cellule m’ont donné « feu vert » pour dire ce que je ressens, puisque je suis le plus vieux parmi les mien.ne.s et, à mon agréable (et libertaire !) surprise, ils/elles sont d’accord avec ce communiqué. L’offensive actuelle appartient à tou.te.s et chacun.e d’entre nous. Différents et beaux/belles…
Anarquia.info mérite également un applaudissements pour son travail. Contramadriz fait sa part. 325 sera vengé : en attendant, nous continuons à parler sur la partie multilingue d’Attaque. Indy.mierda Karcelona ? Ça nous dégoûte tellement. C’est mieux de l’éviter… Nous avons des frères/sœurs partout… Grèce, Indonésie, Allemagne, France, Chili, Argentine, Mexique, Belgique, Bolivie, Uruguay, USA, Irlande, Nouvelle Guinée ou Haïti…
PS : …l’objectif est atteint. Les cellules multiformes s’étendent partout. Personne « donne des ordres ». Certaines personnes proposent des coordinations ponctuelles… Nous nous aimons/armons sans nous connaître, parce que nous en avons envie. Point. C’est beau. Nous savons que ces paroles traverseront les murs des prisons. À tou.te.s les compas qui résistent dans les taules, nous disons que nous ne les oublions pas, que chaque attaque est un baiser/une accolade, et qu’elles/ils ne doivent pas baisser les bras ! Je me souviens de cette explosion à Bologne : j’étais là. Ça a été l’inauguration d’une ère anarchique qui dure jusqu’à aujourd’hui. Anarchie rime avec beaucoup de choses, mais jamais avec lâcheté. Bakounine, Malatesta, Durruti, Kropotkine. Goldman, Parsons, Bolten, Michel… Amour et Passion. Action et Insurrection : ANARCHIE
RIEN N’EST FINI, TOUT CONTINUE !
UNE ACCOLADE AUX FRÈRES/SŒURS EN GUERRE !
EN AVANT AVEC L’INTERNATIONALE NOIRE !
GROUPE JOAQUIN PENINA
GROUPE PASCUAL VUOTTO
GROUPE AMANECER FIORITO
CELLULE PAMPA LIBRE (FAI/FRI)
Note d’Attaque : Sergio « Urubu » Terensi est mort sous les balles de la police fédérale argentine, le 6 juin 1996. Son comportement face aux flics a permis aux compas qui étaient avec lui, dans le cadre d’une action directe, de s’enfuir sans être interpellé.e.s.