Bite Back / mercredi 20 mai 2020
Dans la nuit du 17 mai, en France, 6 poules ont reçu de l’aide pour s’échapper de l’élevage dans lequel elles étaient retenues prisonnières.
Avant d’aller chercher ces personnes j’avais peur, très peur, mal au ventre, plein de films dans la tête et dans chacun tout finissait mal pour moi. Mais qu’apprendre de cela ? Notre peur est paralysante, notre peur, si elle nous gouverne, est plus forte que la répression pour nous empêcher d’agir.
Je me sentais honteuse d’avoir peur car une question me taraudait : « qu’est-ce que je risque ? ». Et je savais très bien que la réponse était « pas grand chose ». De tout temps des femmes et des hommes se sont battu.e.s pour faire reconnaître leurs droits en risquant la mort. Nous ne risquons pas la mort, nous risquons au pire la privation de liberté, et c’est un risque que nous avons le devoir de prendre. Parce que leurs vies à elleux ne sont que privations de liberté, des vies d’entraves, de perpétuelle souffrance qu’il nous est impossible de concevoir.
Ces personnes ont plus de courage qu’aucun.e d’entre nous allié.e.s humain.e.s n’aura jamais, elles ont résisté, ont survécu à l’Enfer. Et j’ai rarement ressenti autant d’admiration que pour elles, devant leurs corps brisés par ce système qui réapprenaient à se mouvoir, leurs ailes presque sans plumes cherchant à battre, leurs pattes grattant le sol pour la première fois. Nous nous devons d’être leurs complices de luttes. Ces six poules vont maintenant vivre en paix dans un endroit qui va les accueillir, mais nous ne devons pas attendre que des places dans des lieux sûrs se libèrent pour agir. Quand il y en a la possibilité allons-y, mais les sauvetages ne peuvent concerner qu’une infime partie des opprimé.e.s et laissent toustes les autres derrière.
Nous devons agir autrement, nous devons apprendre des libérations sans placements, à l’extérieur, car ce monde devrait leur appartenir tout autant qu’à nous, car c’est déjà leur rendre leur liberté de mouvements. Nous devons tenter de les aider par chaque moyen que nous n’avons pas encore exploité, et toujours rester à leurs côtés, apprendre d’elleux car ce sont les personnes les plus courageuses que nous rencontrerons. Plonger dans leurs réalités, dans les odeurs nauséabondes, les rangées de cages, l’industrialisation de la mort, les mouroirs où trop peu d’humain.e.s se rendent.
Si tu ne dépasses pas ta peur, qui le fera ? Si ce n’est pas maintenant, quand ?
A la mémoire de nos mort.e.s et pour le futur des vivant.e.s.