Hambourg (Allemagne) : Lettre d’un compagnon emprisonné à la taule de Holstenglacis

de.indymedia.org / mardi 24 septembre 2019

« they can bun my flesh, but they can’t touch my spirit, they wan’ take way my freedom, but they can’t take away my spirit »
[J Hus, « Spirit »]

Chaque cellule, chaque cheveu, chaque goutte de sang fait partie de mon propre corps. Avec le prélevant, contre ma volonté, d’un échantillon d’ADN des cellules de mon corps, mon corps est blessé par la justice d’État et ses sbires, comme par l’emprisonnement.

Je ne parlerai pas d’absurdité, pour ce qui est du prélèvement dans cette procédure précise, car je ne veux justifier aucun prélèvement d’ADN, de manière générale. Depuis longtemps, les fichiers ADN, introduits il y a quelques décennies, ne se cachent plus derrière l’argument trompeur des crimes violents dangereux, mais sont un instrument utilisé en permanence par la volonté étatique de collecter de données et de contrôler. Des taggueur.euse.s aux voleur.euse.s à l’étalage, pour eux, ça serait mieux qu’on soit déjà tou.te.s préventivement dans leurs bases de données.

Hambourg, le 24 septembre 2019 (source : de.indymedia.org)


Et aussi au tribunal, nous assistons à l’évolution progressive, d’indice à preuve, de l’ADN. Dans des nombreux autres pays européens, par exemple, la condamnation sur la base de l’ADN comme principal élément de preuve est une réalité depuis longtemps. Parce que l’ADN, en tant qu’instrument tout à fait idéologique, permet de rendre un verdict sur le lien entre une infraction présumée et l’image d’une personne, sa biographie ou sa situation, même si cela ne prouve rien.

Mais ce serait une erreur d’argumenter dans le contexte de leur théâtre, qui se légitime par lui-même. La collecte toujours croissante de données de toutes sortes n’a évidemment pas pour but de nous protéger, pour notre bien, mais elle est pensé pour défendre leur domination sur les autres personnes par l’argent, la propriété et la force. Contrairement à une opinion erronée assez répandue, il n’existe pas de bases de données neutres. Elles fonctionnent aux fins de la domination. Car celles qui aujourd’hui sont encore des données « inoffensives », pourront être utilisées demain contre celles/ceux qui en sont l’objet. L’histoire nous a appris cette leçon de manière cruelle. Ce qui un jour n’est qu’une liste, un annuaire, une appartenance, un autre jour peut être une condamnation à mort. Et nous tout.te.s savons que les situations changent rapidement et ne sont jamais si stables qu’elles semblent. Le fait que les ennemi.e.s de la liberté collectent des données pour leurs fins et classent les gens par catégories a été montré une fois de plus par certains événements récents. Par exemple, les listes de meurtres du réseau de droite « Nordkreuz », composé de soldats (d’élite) de la Bundeswehr, de policière.e.s, de réservistes, ainsi que de personnes issues du monde de la justice et de la politique. Ou les lettres de menaces à des révolutionnaires anti-autoritaires et anarchistes de Berlin, compilées et envoyées par des fonctionnaires du LKA, avec des données qui venaient des fichiers d’antécédents judiciaires et des bases de données de la police. Les bases de données, qui sont utilisées dans toute l’Europe contre les réfugié.e.s, et dans lesquelles leurs corps sont mesurés comme ceux des animaux, afin de pouvoir les identifier ailleurs…

Mais aussi la numérisation omniprésente et totale joue un grand rôle. Les données qui nous concernent collectées à travers les réseaux sociaux, les télécommunications et les GPS, ainsi que les achats en ligne et nos déplacements avec les transports en commun, sont désormais les principales sources de répression. Et malheureusement, il y a un niveau de participation volontaire à ce processus qui est effrayant. Cela va de pair avec l’exclusion de toutes les personnes qui ne peuvent pas faire partie de la société légalement établie, parce que, par exemple, elles n’ont pas de papiers. Parce qu’avec une société de plus en plus transparente, disparaissent les espaces où il ne règne pas un contrôle permanent. Le brouillard social se dissipe pour le pouvoir.

Les individus qui ressentent le besoin d’une vie libre doivent, indépendamment de leur propre situation, créer et défendre des espaces non contrôlés, ainsi que rencontrer et soutenir de façon solidaire les personnes persécutées, menacées, exploitées et opprimées.

Mais cela signifie le conflit avec ceux/ceux qui nous gouvernent. Opposons nos luttes auto-organisées à leurs rapports.

Maison d’arrêt de Holstenglacis, Hambourg, août 2019

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