Indymedia Nantes / mardi 13 août 2019
On nous a fait parvenir, de manière anonyme, le texte ci-dessous écrit quelques jours après l’arrestation de Kevin, lors de la courte mais fulgurante réoccupation du bois Lejuc : https://bureburebure.info/communique18july-fr/
Il a été arrêté et emprisonné 4 mois pour non respect de son contrôle judiciaire. Contrôle qui consiste à être interdit de paraître dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne, de s’abstenir de rentrer en relation avec 9 autres de ses camarades de lutte et l’obligation de se rendre régulièrement à un suivi par le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation).
Il est de ces personnes mises en examen lors de la grosse opération de répression policière et judiciaire de juin 2018. L’enquête se poursuivant, il est seulement soupçonné, mais la présomption d’innocence ne semble pouvoir être réclamée que pour celles et ceux qui gouvernent : le voilà déjà puni dans cette affaire d’association de malfaiteurs et le poids de son contrôle judiciaire. Pour en savoir plus, c’est ici : https://noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org
Si vous souhaitez lui écrire pour le soutenir et en prenant soins de ne pas aggraver son dossier par certains propos car le juge d’instruction peut lire toutes les lettres qui lui arrive, voici ses coordonnées :
Mise à jour du 19 décembre :
Pour lui écrire, vous pouvez écrire à la Maison de résistance (2 rue de l’Église, 55290 Bure) et les lettres lui seront transférées.
Solidarité face à la répression !
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Lundi 22 juillet 2019
LETTRE OUVERTE À TOI, MON AMI « MALFAITEUR »
Mon ami, sous un arbre fruitier, je t’écris ces quelques lignes ; les oiseaux accompagnent mes mots et une légère brise porte mon esprit vers toi.
Toi que la « Justice » a décidé d’enfermer 4 longs mois parce que tu n’as pas respecté ton « contrôle judiciaire » : cette sentence avant l’heure qui t’interdit de « paraître dans les départements de Meuse et de Haute-Marne » et qui interdit aussi que je « rentre en relation avec » toi et d’autres de nos ami⋅es.
Pourquoi ces interdits punitifs avant même d’être jugé⋅es ? Car nous serions des présumé⋅es malfaiteurs et malfaitrices – quoique leur loi, soumise à la domination patriarcale, ne féminise pas l’infraction – qui pourrions trafiquer des preuves sur place et même nous entendre sur une version des faits, commis pourtant bien avant nos mises en examen et leur lot d’interdictions. L’absurdité ridicule ne tue pas plus les pourvoyeurs et pourvoyeuses de projets inutiles et imposés que les juges…
Toi, libre comme l’air, malgré les cages dans lesquelles on t’a déjà enfermé depuis l’enfance, tu n’as pas pu t’empêcher de franchir ces barreaux virtuels pour retourner fouler ce sol de Bure dans lequel on veut dissimuler le plus grand dépotoir atomique de notre société.
Pourquoi prendre ce risque ? Parce que ta conscience te dit qu’il y en a un plus grand encore : celui de la destruction d’une forêt, symbole de la poursuite du projet de méga-poubelle nucléaire et de son monde ; symbole aussi de notre rencontre, de nos rencontres lors de ce fameux été 2016 en lutte joyeuse, belle et tortueuse, tantôt sous les vertes et tumultueuses frondaisons du Bois Lejuc, tantôt sous le toit chaleureux de notre grande maison commune, la Maison de Résistance, tantôt au gré des souvenirs sur les innombrables sentiers autour de Bure …
Toi que, probablement, jamais je n’aurais croisé sans cette forêt à défendre, tu as eu, encore une fois, cette courageuse énergie d’aller, malgré tout, protéger ces arbres centenaires face au bulldozer destructeur de leur monde et de ses « progrès » mortifères. Ton indocile opiniâtreté force le respect, n’en déplaise aux tristes robes noires.
Elles t’ont mis dans l’ombre, mais c’est moi qui reste dans l’ombre, dans ton ombre. Merci du rayon de soleil que ton sourire et la fragilité de tes larmes m’offre quand on se tombe dans les bras au hasard de retrouvailles…
Mon ami, je t’envoie tout mon soutien, ma rage et mon amitié : je t’aime d’un amour de camarade comme jamais un insignifiant petit juge, aussi acharné soit-il, ne pourra s’en approcher, ni même l’imaginer.
Nous sommes la forêt qui se défend, irradieux et irradieuses esprits de chouettes hiboux que rien, ni personne ne peut enfermer dans quelconque prison. Tiens bon.
Un⋅e malfaiteur⋅trice