NdAtt. : Bien que le contexte français soit quelque peu différent du contexte canadien et qu’aucun texte ne puisse remplacer la réflexion et la motivation individuelles, voici un petit texte qui peut donner quelques conseils intéressants pour agir ici et maintenant contre tout ce qui nous opprime.
Un constat, avant tout : le secret, c’est commencer !
Recettes pour des actions directes nocturnes
Montréal Countre-Information / mai 2017
Nous croyons que les plus grands obstacles sont sociaux lorsqu’il s’agit de la participation à des actions directes : trouver des camarades pour construire des groupes affinitaires requiert du temps, de la patience et de la confiance […]. La recette présentée ici assume que vous avez déjà des gens avec qui vous pouvez préparer des coups. [enfin, parfois, tout.e seul.e c’est possible aussi, voire mieux selon les cas ! ; NdAtt.]
Avant d’avoir fait une action directe durant la nuit, on hésitait à commencer. Il n’y avait personne pour nous enseigner les éléments de base, et on avait peur de faire des erreurs stupides qui auraient pu être facilement évitées. Pour cette raison, nous désirons partager quelques trucs logistiques qui pourraient s’avérer utiles à la réalisation de ces actions. […]
1. Le secret, c’est commencer
D’abord, tu as besoin de choisir la cible de ton action directe et la tactique que tu utiliseras. Pour cette recette, même si les cibles varient beaucoup, nous allons utiliser un exemple classique : éclater les fenêtres d’un commerce gentrificateur dans un quartier urbain.
Pense à ce que l’action communiquera aux gens que tu n’as jamais rencontré – des complices potentiels au citoyen le plus passif. Quelles possibilités cette communication peut-elle ouvrir? Par exemple, dans la dernière année, les nombreuses attaques contre des commerces de luxe dans Hochelaga et St-Henri ont communiqué une résistance à la gentrification, ont diffusé des signaux de désordre (voir Signals of Disorder: Sowing Anarchy in the Metropolis) qui rendent visible la lutte des anarchistes contre le contrôle social, et dans certains cas, ont contribué à la fermeture de ces commerces.
Des introductions à la « culture de sécurité » sont disponibles ailleurs (voir What is Security Culture?), alors nous nous contenterons ici de rappeler de planifier tout le nécessaire en personne, avec des gens de confiance, à l’extérieur de maisons et sans la présence de téléphones (les deux étant vulnérables à la surveillance policière).
Lorsque nous avons commencé à faire des actions nocturnes, nous avons trouvé utile de commencer par des activités moins risquées comme le graffiti ou l’affichage, ce qui nous as tout de même permis de pratiquer le même type d’habitudes de communication que celles qui seraient plus tard appliquées lors des attaques. Ça nous a aidé à mieux connaître et à nous sentir plus confortables avec nos capacités à agir dans des conditions stressantes (rencontres avec la police, fuites, etc.) et dans les relations entre nous.
2. Repérage
Faites du repérage autour de la cible à l’avance. Trouvez les routes d’arrivée et de sortie les plus sûres, priorisez les chemins avec le moins de caméra possible (des ruelles, des boisés, des pistes cyclables, des coins résidentiels). Si vous coupez un trou dans une clôture avec des pinces monseigneur, est-ce que ça ouvrira des possibilités? À travers les différents objectifs de votre rébellion, amusez-vous à subvertir les plans d’aménagement urbain conçus pour le contrôle social.
Soyez discrets. Ne pointez pas du doigt les caméras que vous voulez détruire, ne faites pas des cercles en marchant autour de la cible. Choisissez l’emplacement de ceuzes qui feront le guet (si vous pensez en avoir besoin), par exemple quelqu’un qui fume une cigarette à un arrêt d’autobus et qui n’est pas sur caméra. Comment pourront-illes communiquer avec ceuzes qui font l’action : faire des signes avec les mains, crier des noms aléatoires et subtils pour indiquer différentes situations, utiliser des walkie-talkies, des lampes de poche, des téléphones burner (voir Burner Phone Best Practices)?
Connaître les mouvements de trafic à l’heure de l’action peut aider. Y a-t-il beaucoup de piétons? Où est la station de police la plus proche, et quelles sont les rues où il y a le plus de patrouilles? Faire l’action à 3ham lors d’une nuit pluvieuse signifie qu’il y aura moins de témoins, mais aussi que moins de gens seront présents dans les rues pour vous dissimuler si la police décide de fouiller le secteur, alors parfois c’est plus intéressant d’agir vers minuit. Une fois que vous serez plus confiant.es avec les actions nocturnes, peut-être voudrez-vous expérimenter avec des actions en journée, qui sont plus visibles pour les passant.es et alors plus difficile pour les autorités à invisibiliser, comme l’auto-réduction dans un commerce à St-Henri en mai 2016. Assurez-vous de laisser passer une ou deux semaines entre le repérage de la cible et le moment de l’action puisque c’est la moyenne de temps avant que des données plus récentes n’écrasent les enregistrements des caméras de surveillance.
3. Choix fashion! (et autres préparatifs)
Portez deux couches de vêtements : une couche pour l’action incluant une capuche et un chapeau, et une différente couche en dessous pour ensuite éviter de correspondre à la description des suspects. Fondez-vous dans la faune locale : ça ne fait pas de sens d’être habillé en punk dans un quartier bourgeois, mais ça fait du sens d’être en vêtements de jogging fluo si vous êtes en train de courir sur une piste cyclable. Des vêtements amples aident à dissimuler vos caractéristiques corporelles. Un chapeau et une capuche vous gardent relativement anonymes lorsque vous approchez du point initial – la plupart des caméras point vers le bas, votre face sera donc obscurcie en majorité lorsque vous regardez vers le sol.
Vous pouvez porter un masque complet pour les quelques derniers blocs à parcourir et au cours de l’action elle-même (voir Quick Tip: How to Mask Up). Dépendamment du terrain et de l’emplacement des caméras, vous pourriez vous permettre d’attendre jusqu’à quelques instants avant l’action pour vous masquer pour éviter d’éveiller les soupçons trop tôt.
Assumez que vous serez vu.es sur caméra durant l’action. Ne soyez pas trop paranoïaques à propos des caméras aux alentours – une caméra standard de la ville a une piètre résolution dans l’obscurité, si la police va jusqu’à obtenir les vidéos avant que les enregistrements ne soit écrasés automatiquement par les données plus récentes. Chaque surface de tous les outils qui seront utilisés devrait être nettoyée soigneusement à l’avance avec de l’alcool à friction pour enlever les empreintes digitales, et des gants de coton devraient être utilisés lors de l’action (les gants de cuir et de nylon retiennent les empreintes digitales sur leurs parois intérieures). N’amenez pas votre cellulaire, ou si vous le devez, retirez la batterie puisqu’il continue à géolocaliser même lorsqu’il est éteint.
Établissez à l’avance un plan au cas où un citoyen interviendrait, ou vous suivrait dans le but d’appeler la police. Le poivre de Cayenne a fait des merveilles pour nous, mais si ça vous semble trop intense comme réponse immédiate, la plupart des gens peut être dissuadée en étant verbalement confronté par un groupe masqué.
4. L’heure des sorcières
Une fois que les guetteurs.euses sont en place et qu’illes se sont mis.es d’accord sur un signal de départ, regardez une dernière fois autour de vous, et allez-y! Pour briser les fenêtres d’un commerce gentrificateur, amenez assez de roches pour plusieurs fenêtres, visez les coins au bas des fenêtres, et assurez-vous d’avoir fini d’agir une trentaine de secondes après qu’ait éclaté le premier pan vitré. Si vous désirez aussi mettre de la colle dans les serrures, bombarder leur enseigne de peinture (voir Balles de peinture : des ampoules remplies de peinture), détruire les caméras (voir les conseils dans Camover Montreal), écrire un message en graffiti (en MAJUSCULES carrées pour cacher les particularités du style d’écriture), ou quoi que ce soit d’autre qui est relativement silencieux, faites-le avant de chahuter en brisant les fenêtres, ou planifiez qu’un.e ami.e de plus le fasse simultanément.
Débarrassez-vous de tout, incluant la couche supérieure de vêtements, le plus rapidement possible, à la première place appropriée sur votre voie de sortie – les flics ont des lumières qui révéleront les éclats de verre sur vos vêtements (ce qui est plus un problème si vous utilisez un marteau plutôt que des roches). Trouvez des cachettes créatives à l’avance pour cacher ce que vous ne voulez pas que la police trouve, mais tant qu’il n’y a pas d’empreintes digitales sur votre équipement et vos vêtements, ça ne devrait pas déranger. Les tactiques incendiaires sont l’exception à cela, puisqu’il y a plus de probabilités qu’ils fassent des analyses ADN. Dans ce cas, vous voulez ramener tout avec vous dans un sac à dos et vous assurer d’en disposer plus loin.1
Idéalement, même si vous êtes attrapé.es par la police alors que vous fuyez, vous n’aurez rien sur vous qu’ils pourraient utiliser pour vous lier au crime. Connaissez l’histoire qui vous amène dans le quartier, ou soyez certain.es de demeurer silencieux.ses, parce que s’ils trouvent des preuves pour contredire votre histoire, cela peut être utilisé contre vous en cours, alors que votre silence ne peut être retenu contre vous. Lorsque vous vous faites arrêter au Québec, vous n’avez à donner que trois informations à la police : votre nom, votre date de naissance, et votre adresse (ceci pourrait être différent dans d’autres endroits; il peut être utile de connaître les lois locales avant de réaliser toute action illégale).
Une fois arrêté.es, dire quoi que ce soit de plus fera plus de mal que de bien. Après avoir fourni les trois informations ci-dessus, vous pouvez répéter la phrase suivante : « Je n’ai rien de plus à dire. Je veux parler à un avocat. »
Une réponse typique de la police (s’il y en a une – souvent les crimes liés au vandalisme ne sont découverts que le matin suivant) consistera tout d’abord à se rendre sur la scène du crime, peut-être à prendre le temps d’interroger des potentiels témoins pour savoir s’ils ont vu quoi que ce soit, et à ensuite conduire dans les rues autour à la recherche de potentiels suspects. Si vous sortez des environs immédiats aussi rapidement que possible, vous allez éviter tout cela. Se cacher peut être une option viable si quelque chose tourne mal et que quitter les environs comme prévu semble risqué – les cours arrière des maisons, les coins des allées de stationnement, les toits, les buissons, etc. peuvent tous être très utiles pour vous cacher en attendant de pouvoir partir.
5. Faites des beaux rêves!
Considérez utiliser un vélo pour sortir des environs rapidement – vous pouvez le barrer à une petite distance de jogging. Les vélos peuvent être déguisés en changeant de guidons et selles, en mettant du tape électrique noir sur le cadre, en retirant les caractéristiques qui permettraient de l’identifier ou en le peinturant entièrement en noir.
Il est préférable d’éviter l’utilisation de voitures si possible – une plaque d’immatriculation est beaucoup plus facile à identifier qu’un visage caché sous un capuchon sur un vélo. Mais si vous devez utiliser une voiture parce qu’il est trop difficile d’accéder au lieu autrement, soyez prudent.es. Vous pourriez vous stationner à une distance possible à faire en vélo, dans un coin qui n’est pas surveillé par caméras. Soyez habillé.es de manière totalement normale lorsque vous entrerez le véhicule. Prenez des chemins de campagne pour vous rendre et assurez-vous de bien connaître les routes. N’utilisez pas des voitures qui pourraient être déjà connues de la police, au cas où on leur aurait installé un dispositif de surveillance par GPS, et n’utilisez pas une voiture de location (c’est en partie pourquoi Roger Clement s’est fait attraper pour avoir incendié une filière de la RBC contre les Olympiques de Vancouver).
Reposez-vous bien en sachant que vous avez détruit une petite part de ce monde fucked up!
[NdAtt. : il y a des sites à publication libre ou des services de mail anonymes] si vous voulez revendiquer votre action! Aussi, allez faire un tour sur la page de guides pratiques pour plus de guides sur les actions directes : le blocage de trains, la fermeture d’oléoducs, les manifs, les émeutes, et plus encore!
- Notes sur les analyses ADN : un principe de base est de ne jamais toucher (ou contaminer autrement avec des cheveux, de la sueur, des cellules de peau, des pellicules, de la salive, etc.) toute chose qui sera laissée derrière, puisque contrairement au empreintes digitales, l’ADN ne peut être éliminé. Des gants chirurgicaux (vendus dans plusieurs pharmacies) utilisés avec des techniques stériles (apprises sur youtube) peuvent vous permettre de manipuler des matériaux sans les contaminer après qu’ils aient été sortis de leur emballage. Ceci devrait être accompagné du port d’un casque de bain ou d’un chapeau très serré pour les cheveux, d.un masque chirurgical pour prévenir les particules aériennes de salive, et d’un chandail à manches longues que vous n’avez jamais porté auparavant et dont les manches sont recouvertes aux extrémités par les gants (ou peut-être mieux encore, des combinaisons utilisées pour l’élimination des moisissures et de l’amiante). Travaillez sur une surface surélevée pour ne pas avoir à vous pencher sur les matériaux. Soyez accompagné d’une deuxième personne (qui prend les mêmes précautions) qui fera tomber les matériaux en dehors de leur emballage sur le « champ stérile » (vous pouvez utiliser un rideau de douche par exemple), afin qu’une fois stériles vous ne contaminiez pas les gants avec les emballages que vous auriez pu toucher. Pour transporter vos matériaux, scellez-les dans un sac de poubelles.
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