Croce Nera Anarchica / vendredi 5 mai 2017
Écrit à partir des réflexions issues des rencontres « A tête haute »
La répression de l’État est une partie fondamentale de ce système de domination, et elle en est une de ses expressions les plus infimes ; cela n’est pas surprenant qu’historiquement ceux qui sont attaqués avec plus de force sont ceux qui ne se laissent pas récupérer par le système du pouvoir, c’est à dire les individualités anarchistes, révolutionnaires et rebelles.
Ces derniers, face à la répression physique, psychologique, morale, sociale et économique menée par tous les composants du pouvoir démocratique, et à la violence brutale de leur bras armés et des tribunaux, opposent l’action directe ciblée contre les responsables de l’oppression, la destruction créatrice et libératrice des lieux de la domination et le sabotage de ses infrastructures, pour en finir avec (ou du moins contrarier) les causes de l’exploitation et de l’oppression de l’humain sur l’humain, sur la terre et sur les animaux.
Dans la perspective de la libération totale, regarder en spectateurs passifs la reproduction de la domination signifie en être complices, c’est pour cela qu’il y en a qui continuent à lever la tête et à se révolter.
A la suite de cela, le pouvoir active ses stratégies répressives et nombreux sont les procès et affaires contre les compagnons en rapport à des actions, des moments de conflictualité et des écrits; le mois prochain, il y aura l’audience en Cassation pour la dénommée Opération Shadow, affaire dans laquelle des compagnons et une compagnonne sont accusés, entre autre, de « Provocation aux crimes et délits », à cause de la publication du bulletin KNO3 [1].
Ces procédures sont une expression de la guerre que l’autorité mène contre l’union entre pensée et action qui est à la base de la dangerosité de l’anarchisme. Chaque opération de police, au-delà des individus et des luttes précises, vise à frapper les concepts fondamentaux de la pensée et de la méthode antiautoritaire, tel que l’action directe, le refus de la délégation et la solidarité.
A partir de ces réflexions, lors des rencontres qui ont eu lieu à la suite des arrestations de l’Opération Scripta Manent, au lieu de rester discuter à propos des stratégies répressives, nous avons ressenti la nécessité de ne pas limiter la solidarité à un soutien technique à ceux qui sont en prison, mais d’élargir le spectre de nos analyses.
En ce sens, nous avons échangé sur le fait que la solidarité est un élément fondamental de notre agir anarchiste et des rapports de complicités visant à la destruction de la domination ; une solidarité, donc, qui va au-delà des coups portés par la répression et arrive à ne pas se faire étouffer par les spécificités des divers parcours de lutte, du moment qu’elle se reconnaît dans une tension commune vers l’attaque. En particulier, la solidarité active est un instrument fondamental pour répondre à la violence de l’État, pour ne pas subir passivement ses coups, pour garder une attitude d’attaque face à ceux-ci, de façon à ne pas développer des attitudes qui tendent vers le bas et la victimisation, exactement ce que la répression se donne pour objectif. Raisonnant dans une perspective offensive, de conflictualité permanente et internationaliste, au-delà des différents parcours de chacun, on diminue le risque d’isolement, réduisant à néant un des objectifs principaux de l’ennemi.
Exprimer de la solidarité à l’encontre de situations et projets spécifiques ne signifie pas devoir s’uniformiser aux discours et aux pratiques de ceux qui sont frappés par la répression, ni forcément se placer dans le sillon d’une certaine lutte ou d’une pratique donnée ; nous reconnaissant dans un horizon commun, il est possible d’agir en solidarité, mais selon sa propre tension individuelle.
La création de rapports de solidarité, au niveau local comme international, est un objectif stratégique que nous devrions nous donner, afin de contrer le renforcement des moyens et des volontés répressifs à l’encontre des individualités anarchistes, révolutionnaires et rebelles.
Nous pensons qu’il est nécessaire d’adresser nos propositions, nos perspectives et nos objectifs vers la destruction de ce système qui façonne les rapports sociaux et de domination, nivelant la dissension à travers la récupération et, quand celle-ci n’est pas possible, l’éliminant avec la répression.
En ce sens, nous reconnaissons l’importance de la plus grande variété possible des tensions et des pratiques au sein de l’anarchisme, justement parce que plus il y a des différences dans une situation et plus grande est la possibilité de ne pas se figer sur des positions préétablies et dogmatiques ; cela à condition que toute lutte et attaque spécifique s’insère dans la perspective plus large de tendre vers la subversion.
Reconnaître la valeur de cette diversité signifie également poser les bases pour contrer toute tendance centralisatrice et hégémonique dans l’anarchisme.
Ceci est possible seulement à travers une attitude d’autocritique et de critique permanente entre les différentes approches, qui aille dans le sens d’une croissance significative sur le plan qualitatif, et dans l’analyse de ce qui nous entoure et des différentes manières possibles d’organiser la destruction de ce qui nous opprime.
Refusant de cataloguer et de faire cataloguer nos différents tensions en des courants identitaires, nous pensons que toute attaque contre l’autorité interagit à l’intérieur des mécanismes et des rapports sociaux, et au même moment agit contre la société elle-même.
D’un point de vue stratégique, une grande variété de pratiques est utile pour alimenter la complexité des formes d’organisation et d’attaque, stimulant ainsi la discussion sur les moyens et les fins au sein des différentes perspectives de l’anarchisme d’action.
Il y a la nécessité urgente de comprendre comment donner de la valeur à cette complexité, sans en diluer les contenus, dans une perspective d’un projet commun de destruction totale de ce système de domination.
Il est important de considérer les différentes propositions et perspectives non pas comme opposées et statiques, mais comme des instruments, des ressources et des possibilités à disposition des compagnons et compagnonnes anarchistes, à condition qu’elles aient certaines caractéristiques que nous pensons fondamentales, telles que la conflictualité permanente, l’attaque, indépendance vis-à-vis de toute structure politique institutionnelle et/ou hiérarchique et l’informalité comme instrument d’organisation.
Comme conflictualité permanente nous entendons une tension vers l’impossibilité de la récupération de nos pratiques et discours, le refus de juger notre agir à l’aune de l’opportunité. Avec ceci nous n’excluons pas la possibilité de développer une stratégie par rapport aux modalités et aux objectifs, mais cela ne peut pas être une justification de l’attentisme, ni de l’édulcoration de ses idées avec l’objectif d’un élargissement quantitatif.
Nous réaffirmons, de ce point de vue, le refus de toute intervention qui collabore avec le pouvoir, ou qui laisse la porte ouverte à la récupération. Comme récupération nous entendons la stratégie du pouvoir d’absorber les expériences et les comportements potentiellement dangereux pour lui, en les réutilisant pour ses fins.
Dans les démocraties, la récupération est complémentaire au visage plus dur de la répression, et a comme fin celui de perpétuer ce système d’exploitation et d’oppression : la tentative d’inclusion et d’intégration de certaines formes de refus vise à augmenter la participation au jeu politique, créant des divisions pour pouvoir attaquer plus facilement ceux qui ne veulent pas participer au spectacle de la société.
L’action anarchiste visant à la destruction de la société de la domination répond à la fois à la pulsion qui refuse l’autorité, ne négociant donc pas avec elle et visant à l’abattre par la violence, et à une plus ample stratégie qui part de la conscience qu’on ne vivra jamais libres en créant des îlots à l’intérieur de cette société de masse.
Pour qu’elle ne soit pas réformiste, il est donc incontournable qu’une lutte prévoit comme pratique l’attaque directe.
A la suite de l’Opération Scripta Manent, Alfredo, Nicola, Danilo, Valentina, Anna, Marco, Sandrone sont pour l’instant dans les sections de Haute sécurité des taules italiennes, soumis à des limitations et à la censure de leurs communications avec l’extérieur.
D’autres anarchistes sont en prison, en Italie et dans le monde, d’autres encore, ici et ailleurs, sont soumis à différentes mesures restrictives, comme des arrestations domiciliaires ou des résidences surveillées.
Nous appelons, pour le mois de juin, à une mobilisation de solidarité avec les individualités anarchistes, révolutionnaires et rebelles frappés par la répression, en guise de moment de coordination entre différentes initiatives et pratiques.
Rome, 30 avril 2017
Des compagnonnes et compagnons anarchistes
* Note : L’Opération Shadow est la procédure pour « Association avec finalité de terrorisme » que le Parquet de Perugia a ouvert en 2008. Le délit d’association est tombé lors du procès de premier degré et la condamnation en appel, en 2015, a été de 3 ans pour deux compagnons (plus un autre compagnon sous enquête pour « Provocation aux crimes et délits », avec la circonstance aggravante de finalités de terrorisme, à cause des articles du bulletin KNO3), en plus des condamnations pour d’autres compagnons pour tentative de sabotage d’une caténaire d’un chemin de fer et vol de voiture.