Le Parisien / mercredi 15 juillet 2015
Ils arrivent par petits groupes, sur leur jour de repos ou leur pause déjeuner. Une trentaine de personnes ont manifesté ce mercredi midi devant la maison d’arrêt du Val-d’Oise (Mavo) à Osny. Fatigués, anxieux, tous sont venus crier leur ras-le-bol et apporter leur soutien à Farid, agressé ce dimanche par un détenu. Ce père de famille a été entraîné dans l’escalier puis étranglé, avant d’être secouru par des collègues arrivés rapidement sur place. Le motif : le surveillant avait refusé que le détenu lave sa poubelle à l’heure du déjeuner, comme le prévoit le règlement. Résultat : dix jours d’interruption temporaire de travail (ITT). Sans compter le choc psychologique.
Cette attaque, c’est la goutte d’eau pour ces surveillants pénitentiaires qui dénoncent des conditions de travail de plus en plus difficiles. « Depuis le 9 juin, il y a eu quatre agressions de gardiens à la Mavo, dénonce Jérôme Nobecourt, délégué régional FO pénitentiaire. Le plus souvent, cela vient d’un refus de se soumettre à l’autorité. Entre les absences pour cause de congés d’été et les arrêts maladie, il y a un vrai problème d’effectifs. Les détenus voient que le rapport de force leur est favorable et ils en profitent ». D’autant que la surpopulation carcérale est criante : 900 détenus pour 580 places prévues à la Mavo. « La loi pénitentiaire prévoit la cellule individuelle pour tous. On en est loin », soupire le syndicaliste. Pour lui, une quinzaine d’agents seraient nécessaires en plus des 170 présents sur le site afin de travailler dans de bonnes conditions. « On nous demande de faire autant voire plus mais avec moins. Les bousculades, c’est devenu banal. Le périmètre de sécurité est constamment franchi et on pense toujours à l’agression de trop ». Et le syndicaliste s’inquiète de l’ouverture du quartier pour islamistes radicaux qui doit intervenir à la fin de l’année. Six personnes prises sur nos effectifs seront affectées à cette structure. On a l’impression d’être floués », dénonce-t-il. […]
En 19 ans de maison, il n’avait jamais ressenti ça. « La situation s’est tendue, analyse Tony [photo à gauche; NdR], 43 ans. Je perçois une haine de la part de certains détenus contre nous et l’autorité qu’on représente. Maintenant, quand je pars travailler, j’ai une appréhension ». Des agressions, physiques et verbales, il en a subi. « Ça laisse des traces », sourit-il tristement. Ce métier, pourtant, il l’a choisi. « Je voulais représenter l’ordre, que les choses filent droit », se souvient le solide gaillard cheveux poivre et sel. Mais aujourd’hui, impossible de travailler correctement. « On passe notre journée à courir. Quand j’ai débuté, on était autant mais pour 480 détenus ! ». Yannick son collègue, 32 ans de métier, confirme. « Il y a des détenus qui valent le coup qu’on se défonce pour eux, mais on ne peut pas s’en occuper faute d’effectifs, assure-t-il. J’ai démarré à la maison d’arrêt de Pontoise avant qu’elle ne ferme en 1990. En six ans, il y avait eu une seule agression ». Lui aussi a subi des violences. « Encore récemment, un détenu m’a insulté. J’ai préféré me taire pour ne pas aller au clash », raconte ce gradé, premier surveillant. Le quartier disciplinaire, fameux mitard, peut-il dissuader de tels actes ? « Il n’y a que dix places alors que la liste de rapports est longue comme le bras ». « A la moindre parole de travers, tout peut basculer », glisse Tony. Leur crainte ? L’agression de trop, irréversible. « On marche sur un fil en permanence. On ne fait pas ce métier à n’importe quel prix », souffle Yannick [alors arretez ! NdT].