ladepeche / mardi 28 octobre 2014
Gaillac, Albi, le projet de barrage au pied de la Forêt de Sivens déclenche des violences dans tout le nord du Tarn depuis le décès samedi soir d’un opposant sur le site du Testet. Après Gaillac, dimanche soir, c’était au tour d’Albi, hier après-midi, de connaître des actes de violences d’une rare intensité au cœur de son centre-ville. Si le calme est revenu dans la soirée, pendant plus de deux heures, les forces de l’ordre se sont affrontées à la partie la plus extrême des manifestants présents hier dans la ville préfectorale. Les violences que la forêt de Sivens connaît depuis plusieurs mois ont ainsi gagné la ville préfecture du Tarn, en se radicalisant, après la mort dans la nuit de samedi à dimanche d’un opposant au barrage. Des violences qui n’ont plus grand-chose à voir avec l’opposition à un projet jugé inutile et coûteux ni avec la préservation de l’environnement.Comme à Gaillac, dimanche, des banques situées sur les lices ont été visées. Les CRS ont réagi à coup de grenades lacrymogènes. Les échauffourées, parfois violentes, ont eu lieu entre le tribunal et la préfecture.
Pourtant, tout avait débuté dans le calme, malgré la tension palpable, lorsqu’une centaine de personnes se sont rassemblées devant la préfecture. C’est là que les experts envoyés par la ministre de l’écologie rendaient compte de leur rapport sur le projet du barrage. À ce moment-là, il était surtout question de rendre hommage à Rémi Fraisse. Peu à peu, le nombre de manifestants a grossi puis s’est dirigé vers le tribunal où le procureur de la République présentait les résultats de l’autopsie. Mais le cordon de CRS a bloqué la manifestation à hauteur de la rue Hippolite-Savary. Dès lors, la situation a dégénéré. Des groupes ont accédé au jardin national d’où ils ont lancé les pavés qui étaient à disposition sur un chantier, sur les forces de l’ordre. Les affrontements se sont ensuite déplacés vers la place du Vigan sous le regard incrédule des habitants.
Hier soir, le calme semblait revenu. Mais les interrogations demeurent sur la façon dont les événements vont se dérouler dans les jours qui viennent. Aujourd’hui, le procureur devrait à nouveau donner des précisions sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse.
Au pied de la forêt de Sivens, le chantier ne devrait pas tout de suite redémarrer. Le président du conseil général a indiqué, hier, que la «décence» ne pouvait permettre une reprise immédiate des travaux. Mais la réalisation de la retenue d’eau n’est pas remise en cause même si les préconisations des experts devront être prises en compte. Elles ne changeront cependant pas la physionomie générale du projet ni son coût. Pour les experts, le chantier est trop avancé pour revenir en arrière. Reste à savoir s’il existe une porte de sortie pour apaiser une situation incontrôlable. Les critiques des experts sur la façon dont les bases du projet ont été posées ont conforté les opposants. Mais au sein des anti-barrage, beaucoup se sentent dépossédés du mouvement qu’ils ont lancé par les violences de ces derniers jours. Un jusqu’au-boutisme de part et d’autre qui a conduit à la mort d’un jeune homme. Tandis qu’ailleurs en France, des manifestations ont été organisées en solidarité pour la jeune victime et pour dénoncer «la violence d’état». Hier soir, à Nantes, ces manifestations ont dégénéré et une vingtaine de vitrines ainsi que du mobilier urbain ont été saccagés.
Les réactions
Thierry Carcenac – Avant de s’expliquer sur le rapport d’expertise du ministère de l’écologie, le président du conseil général du Tarn a tenu à déplorer le décès de Rémi Fraisse. «Je tiens à témoigner à sa famille et à ses amis le sentiment que l’on peut avoir dans ces circonstances. Je comprends et je me mets à la place des parents dans cette situation.»
Emmanuelle Cosse – La secrétaire nationale EELV a demandé hier «une enquête exemplaire» sur la mort du jeune Rémi et «l’arrêt immédiat des travaux». «Nous attendons une enquête exemplaire sur sa mort et sur les circonstances de ce drame», écrit-elle dans un communiqué cosigné avec l’eurodéputé José Bové, Véronique Vinet, secrétaire régionale de EE-LV Midi-Pyrénées, Guillaume Cros, président des élus régionaux Midi-Pyrénées.
17 CRS blessés — Selon le syndicat USGP, 17 CRS ont été blessés dans les incidents qui ont émaillé la manifestation, hier soir, sur Albi. L’USGP déplore «le climat de violences et d’hostilités envers les forces de l’ordre qui ne font qu’exécuter les ordres républicains qui leur sont donnés.»
Delphine Batho – L’ancienne ministre de l’Écologie (PS), tout en condamnant les «agissements d’un certain nombre de groupes ultra-violents qui cherchent à affronter les forces de l’ordre», a demandé hier que toute la «lumière soit faite très rapidement. Elle a par ailleurs demandé que les «travaux soient stoppés immédiatement» et que les moratoires mis en place sur les projets de ce type en France soient rétablis».