Indy Nantes / lundi 20 octobre 2014
Depuis plusieurs jours, des entreprises spécialisées en ingénierie écologique reçoivent par courriels et par la poste cette étrange lettre de menace à propos de l’appel d’offre relatif au suivi des mesures compensatoires.
Monsieur Alain Michelin,
Président de l’association « Du bordel pour l’Ouest »
Siège social : ZAD, bocage de Notre-Dame-des-Landes.
A l’adresse des chefs d’entreprises dans le secteur de l’ingénierie écologique
Objet : Avertissement relatif à l’appel d’offre (n° 14-134622) concernant le « suivi des mesures compensatoires relatives à la restauration des fonctions liées aux zones humides ».
Madame, Monsieur,
Vous êtes susceptibles de répondre à un appel d’offre concernant le suivi des mesures compensatoires pour la déserte routière du futur Aéroport Grand Ouest. Le maitre d’ouvrage du barreau routier censé relier les 4 voies Nantes-St-Nazaire et Nantes-Rennes, est la DREAL. Le prestataire désigné commencera le travail à partir du 5 décembre 2014 pour une durée de 36 mois.
Si nous vous faisons parvenir ce courrier, c’est dans la louable intention de vous mettre en garde des risques encourus par l’entreprise qui décrochera ce marché. Vous ignorez peut-être les pertes dont les autres entreprises liées à ce projet furent précédemment l’objet. Celles qui ont travaillé sur le terrain, à la ZAD, furent confrontées à de multiples interruptions de travail, dégradations, harcèlements téléphoniques.
Les pertes et dégâts matériels infligés sont à anticiper car ils ont de graves conséquences économiques et ne se limitent pas au périmètre de la ZAD. Chaque local, siège social, où qu’il soit, est une cible potentielle. Sans parler de la mise à mal de l’image de marque des entreprises concernées. Certaines ont renoncé à leur contrat. Les travaux sur place sont au point mort.
Nous tenions donc avant le 5 décembre 2014, à avertir toute entreprise susceptible de répondre à l’appel d’offre de certains précédents notables qui sont lourds de conséquences. Nous joignions à ce courrier deux documents que nous vous invitons à lire très attentivement :
Le premier est intitulé « Rappel des incidents, sabotages, délits et perturbations dont diverses entreprises liées au projet d’aéroport ont fait l’objet ». C’est une liste qui recense les incidents par rapport aux sous-traitant sur le terrain. Le secteur de l’ingénierie écologique est en première ligne. Cette liste est non exhaustive bien sûr, elle ne répertorie pas les attaques contre Vinci ou le parti socialiste*, le dossier complet est consultable sur la ZAD sous forme de bottin que nous tenons à votre entière disposition.
Le second intitulé « Démarches à suivre pour les interventions sur le terrain », a été dérobé à Aquabio. L’arsenal de procédures préventives qui y sont décrites n’a en rien empêché ces derniers d’essuyer de multiples incidents jusqu’à renoncer au contrat.
Par ailleurs, vous n’êtes pas sans savoir que le mouvement d’opposition au projet d’aéroport a lancé une audacieuse campagne intitulée : « Adopte un sous-traitant ». Si vous décrochez l’appel d’offre n°14-134622, vous ferez sans doute vous aussi l’objet d’un « suivi » qu’il vous faudra compenser financièrement. Par conséquent, nous ne saurions trop vous conseiller de réfléchir à deux fois avant de répondre à cet appel d’offre, l’intégrité de votre entreprise pourrait en être gravement affectée, ainsi que celle de votre assureur.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’assurance de notre considération tenace.
Alain Michelin, Président de l’association Du Bordel pour l’Ouest
Annexe I : « Rappel des incidents, sabotages, délits et perturbations dont diverses entreprises liées au projet d’aéroport ont fait l’objet »
Exercice 2009-2010
Les interventions sur le terrain sont, déjà à l’époque, très compliquées. Forages perturbés : en
janvier 2009, une bonne centaine de personnes empêche la foreuse d’effectuer les premiers sondages. En avril 2009, une nouvelle action d’entrave aux forages est menée, avec « vol de terre », « bris de matériel ». Les opposants ont dispersé et mélangé les échantillons de terre prélevés par la foreuse. Les interventions des géomètres sont également perturbées : harcèlement, vol de matériel, arrachage de bornes et piquets. Idem pour les fouilles archéologiques. La société de géomètres CPA fait l’objet d’une visite nocturne.
Exercice 2011
Le travail de biotope sur le terrain gravement entravé : interruptions, salariés forcés à partir, dégradations, pneus crevés, tags, vol de matériel et de documents, harcèlement. Les études sont au final rendues impossibles par la destruction systématique des outils de mesure laissés sur place.
† 18 avril 2011 à Rezé : envahissement des locaux de biotope.
† Mai 2011 : Forages sur le site de la « future » tour de contrôle. Routes barrées, champs barricadés, 80 vaches et une centaine de personnes font barrage.
† Juin 2011 : Visite chez Fondasol. Ouest France du 7 juin nous explique : «Dans les locaux de Fondasol, trois camions et trois engins de forage ont été vandalisés : serrures bouchées à la colle, manettes tordues, etc. Impossible, dans ces conditions, d’intervenir pour RTE. Le Réseau de transport d’électricité a mandaté Fondasol pour l’expertise des sols, à Notre-Dame-des-Landes, pour, à terme, adapter les installations électriques à l’arrivée du nouvel aéroport. Une enquête est en cours. » Suite à cette action l’entreprise Fondasol renonce au contrat.
† 16 juillet 2011, à Meze près de Sète (34), le siège social de l’entreprise Biotope a eu ses serrures engluées et sa façade taguée « vinci bétonne, biotope cautionne, stop l’éco-labo ». Dans la même rue, le pas de porte d’un des patrons fondateurs de cette boite d’études environnementales portait l’inscription « on t’a trouvé ! ».
† Nuit du 18 au 19 juillet 2011, en Loire atlantique, Biotope, entreprise chargée d’effectuer des relevés biologiques sur la zone concernée par le projet d’aéroport de Notre Dame Des Landes, et FIT conseil, agence immobilière sous-traitant les procédures de rachat des dernières maisons invendues sur la zone, ont été attaquées. Tags, pneus des voitures de fonction crevés, serrures collées..
† Suite à ces attaques répétées, le président de Biotope, confesse à Presse Océan dans un article daté du 21 novembre 2013 : « l’agence a déjà été victime en 2011 d’une flambée d’intimidation. Des militants avaient pénétré dans nos locaux, volé quelques dossiers et versé du purin. J’avais même reçu à mon domicile un cercueil contenant de vieux ossements. A chaque fois, on a porté plainte. Mais ça n’avait pas été élucidé. » »
† En octobre 2011, lors de travaux de fouilles, les gendarmes et les techniciens de l’INRAP tombent nez à nez avec une bombe factice. Une « mauvaise surprise » commente Ouest France.
Exercice 2012- 2013
† Mai 2012 : Sabotage sur un chantier de la 4 voies, lié au projet de barreau routier.
† Mars 2013 : Des poteaux électriques de déviation de ligne installés dans le cadre du projet de barreau routier sont détruits. Les travaux sont complètement interrompus depuis.
† Printemps 2013 : Des mares de compensation sont rebouchées sur la zone.
† Juin 2013 : Campagne de forages relative au suivi du respect de la loi sur l’eau est gravement perturbée : harcèlement des employés, sabotage systématique des piézomètres. Un site de forage fût barricadé, du fumier épandu sur la parcelle à forer. Les forages sont suspendus.
† Novembre 2013 : Les locaux de biotope Nantes sont cambriolés. Presse Océan du 21 novembre 2013 précise qu’il s’agit d’un « acte de vandalisme dont le coût financier est encore difficile à estimer. « On nous a dérobé des dossiers, des ordinateurs, des disques durs, des éléments de sauvegarde, notre serveur local, détruit du matériel scientifique… », énumère Frédéric Melki (Président de Biopote). « En matériel, cela se chiffre à des dizaines de milliers d’euros. Pour les contenus, nous sommes en train de fouiller nos sauvegardes, pour estimer la perte réelle du travail perdu. » » Et le président de Biopote de poursuivre qu’il attribue ce cambriolage au mouvement de lutte contre l’aéroport « à cause de tags retrouvés dans les bureaux : « des jeux de mot de mauvais goût, comme ‘ZAD te faire foutre ». » Et de conclure : « Ce cambriolage est une vraie perte, et plombe le moral des salariés qui voient disparaître des jours ou des mois de travail. »
Exercice provisoire 2014
† 16 mai 2014 : L’entreprise Chupin espaces verts, en charge de la mise en oeuvre des mesures compensatoires, a vu son dépôt tagué et ses espaces verts dégradés.
† 26 mai 2014 : Un groupe de naturalistes de la société Aquabio (sous contrat avec Vinci) ont été surpris. Il leur a été vivement conseillé de partir, ce qu’ils ont fait, à pied… Leur matériel a été volé. Suite à cet évènement nous avons reçu le mail suivant de la société aquabio pour nous expliquer qu’en « s’en prenant à nos collègues et à notre matériel, les opposants au projet se trompent de cible ». Il n’empêche qu’ils avaient frappés juste : « AQUABIO décide d’annuler toute intervention liée à ce projet d’aéroport. »
† 5 décembre 2014 : votre entreprise fait l’objet d’une visite nocturne ?
Annexe II : Document interne Aquabio cf. PDF ci-joint…