Lucioles / mai 2014
Le Plan de Vidéoprotection pour Paris (PVPP), lancé début 2011, est pleinement opérationnel depuis janvier 2013. Dans les rues de la capitale, il y a 1105 caméras de plus qui nous guettent. Les chtars ont la possibilité d’accéder à l’ensemble de ce réseau de vidéosurveillance à partir d’un centre de supervision de la Préfecture et depuis chaque commissariat d’arrondissement ils peuvent voir en direct, ou visionner après-coup, les vidéos de« leur » arrondissement (ces images sont conservées au moins 30 jours). Ces caméras sont des petits dômes noirs, pour la plupart perchés sur des poteaux marron foncé. Le réseau du PVPP est très performant, mais il ne faut pas oublier que la vidéosurveillance, ce n’est pas nouveau. Avec les caméras de la circulation, celles de la RATP, de la SNCF et de certains centres commerciaux (comme le Forum des Halles), ça fait 40.000 caméras directement dans les mains des keufs.
Pourtant, la technologie a ses limites. Les caméras de surveillance peuvent voir et enregistrer beaucoup de choses (jamais « tout » !), mais il reste du travail aux flics pour « trier », pour chercher sur ces images les « délits » et leurs auteur… Et en plus (et tant mieux !), les caméras et autres dispositifs sécuritaires sont souvent l’objet de dégradations, notamment dans les quartiers populaires, où leur rôle de contrôle est plus évident.
Pourtant, à écouter la propagande des journaleux, ce nouveau dispositif « marcherait ». Début 2013, les caméras du PVPP auraient déjà été utilisées dans 7.500 affaires et elles auraient permis aux flics de chopper 1500 personnes « filmées » en flag’, surtout pour des vols ou des agressions.
L’entreprise qui a installé et entretient le réseau PVPP (les caméras, les 480 km de fibre optique installés dans les égouts et les logiciels d’exploitation) s’appelle Iris. Derrière ce joli nom de fleur se cache le regroupement entre Cofely Ineo (du groupe GdF-Suez), qui en détient les deux tiers, et Citelium (filiale de Dalkia, appartenant à son tour à EDF et Véolia). Le loyer qu’Iris reçoit de la part de la Préfecture (dans le cadre d’un Partenariat public-privé), est de 15 millions d’euros par an, sur dix-sept ans.
La vidéosurveillance, publique et privée, est un bon exemple de comment la paranoïa sécuritaire, la guerre que les puissants nous mènent, permet à certaines entreprises de faire des affaires en or. En gros, toujours plus de caméras (et autres dispositifs de contrôle : portiques, tourniquets, cartes à puces, etc., sans oublier flics et vigiles) ça veut dire toujours moins de liberté, mais aussi toujours plus de fric dans les poches de quelques sociétés spécialisées dans la gestion de ce monde-prison.
Dans tout ça, il y a comme un brin d’humour noir. Comme on l’a dit, si on regarde à l’intérieur de la série des poupées russes des entreprises, on voit qu’Iris est, à travers Cofely Ineo, une filiale de GdF-Suez (oui, toujours ceux des bagnoles blanches garées à tous les coins de rue…). Tout comme Gepsa, qui gère presque 40 prisons dans tout l’Hexagone [Cf. GEPSAccage ! dans Lucioles n°9]. Eh oui, l’argent ne connaît pas de frontières, ni de barreaux ! Et ceux qui nous font vivre en sursis, dehors, sont bien les mêmes qui nous enferment. Aujourd’hui il s’engraissent, mais un jour il faudra bien qu’ils payent… et cher !
[Extrait de Lucioles n°17, bulletin anarchiste de Paris et sa région, mai 2014.]