Hongrie : La déclaration de Maja sur la fin de sa grève de la faim

Budapest Antifascist Solidarity Committee / lundi 14 juillet 2025

gare de Stuttgart, le 11 juillet

Cher.es gens, cher.es compas et personnes qui me soutenez,

Je m’appelle Maja. Depuis le 5 juin, je me trouve en grève de la faim [voir ici ; NdAtt.]. J’ai commencé pour protester contre mon extradition, illégale et qui n’a pas eu de réparation, de l’Allemagne vers la Hongrie, il y a un an, contre la persécution répressive des antifascistes, contre une procédure judiciaire douteuse et à l’issue écrite à l’avance, ainsi que contre ma détention à l’isolement, qui dure encore aujourd’hui, et les conditions de détention inhumaines dans les taules hongroises. Maintenant, après presque six semaines, j’ai décidé de suspendre ma grève de la faim.

Je ne veux pas continuer à malmener ma santé, car je sens que si je ne fais pas demi-tour maintenant, il sera bientôt trop tard. Alors, il ne servirait pas à grand-chose que mes requêtes soient satisfaites. Je serais marqué.e à vie, je le suis peut-être déjà. Je n’ai jamais voulu en arriver là, j’espérais naïvement qu’une démarche aussi radicale que la grève de la faim provoquerait enfin une prise de conscience chez les responsables et tou.tes ceux/celles qui peuvent changer quelque chose, qu’ils/elles agiraient, après un an de déclarations apaisantes, de sourires et d’ignorance.

Maintenant, il ne reste plus grand-chose de moi. Mon corps – un squelette, avec un esprit intact, combatif et vivant. Il sourit, cherche dans l’horizon la liberté et la communauté, ne se résigne pas au fait qu’il n’y ait pas de justice. Mais je ne suis pas prêt.e à faire le pas vers une mort imminente. Certes, on n’est pas sûr.es, peut-être qu’il reste encore quelques jours, peut-être quelques semaines. Mais si je perdais connaissance, je ferais tomber la responsabilité sur les personnes qui luttent à mes côtés, ce que je ne suis pas prêt.e à imposer à quelqu’un.e. De même, dans le cas que je sois soumis.e à des mesures d’alimentation forcée.

Le 1er juillet, j’ai été transféré.e dans un hôpital pénitentiaire, à 250 km de Budapest, car à ce moment-là on s’inquiétait déjà sérieusement de la stabilité de ma santé. Le nouvel endroit est plus calme que la taule dans la grande ville, mais tout aussi isolé, voire plus. Les contacts avec ma famille sont également fortement limités. Mon avocat, toujours un soutien indispensable, a maintenant besoin d’une journée entière pour me rendre visite. Lors de ma promenade d’une heure, dans la cour, je ne rencontre aucun codétenu. Je passe les 23 heures restantes dans la cellule, car il n’y a pas d’activités, ici. La solitude déchire, le mal du pays rempli l’horizon. Médicalement, il est possible, dans cet endroit, de remettre débout le corps, mais un rétablissement mentale me semble impossible, ici. Avec le retour, prévisible, à Budapest, rien n’aura changé, car là-bas m’attend ce qui a fait de la grève de la faim une nécessité. Ni l’hôpital, ni la taule en Hongrie ne peuvent être une solution.

Mes requêtes restent inchangées ! Il me faut un transfert en arrière en Allemagne ou une assignation à résidence et une procédure judiciaire conforme à un État de droit. Je suis déterminé.e à ne pas me taire et à protester, même à l’avenir, aussi longtemps qu’il le faudra.

Je mets maintenant fin à ma grève de la faim, pour que personne ne soit responsable des dommages à long terme, ou permanents, à ma santé. Cependant, cette démarche ne dispense personne de la responsabilité de créer des conditions de détention humaines, sans douleur ni souffrance, pour tout le monde, de mener des procédures judiciaires indépendantes et conformes à un État de droit, dont la sentence n’est pas écrite à l’avance, et de garantir l’intégrité de la personne détenue, de respecter sa dignité au lieu de la mépriser et de la punir. Si cela ne se produit pas, si mes revendications seront encore ignorées, je suis déterminé.e à reprendre ma grève de la faim.

J’exige ce qui est nécessaire – que je puisse être à la maison avec ma famille, que je puisse m’épanouir par l’école, le travail, etc., que je puisse me préparer au procès sur un pied d’égalité et ne plus être enterré.e vivant.e dans une cellule. J’attends toujours un mot clair et honnête, une excuse de la part de ceux qui sont responsables de mon extradition, ainsi qu’une offre de réparation. Même si cela vient en dernier, c’est la chose la plus importante pour moi.

Merci à tou.tes celles/ceux qui ont pris la parole, qui se sont mis.ses de notre côté et à ceux/celles qui y sont, courageusement, depuis longtemps, à celles/ceux qui défendent fermement la nécessité de l’antifascisme, à ceux/celles qui nous soutiennent, qui sacrifient des nuits et des jours, qui font des dons et qui sont des points d’ancrage. Cette diversité s’appelle résistance et utopie à la fois. Mes pensées vont constamment à ma famille et aux compas proches, sachant la douleur qu’ils/elles vivent et admirant leur courage et leur abnégation. Mes remerciements s’expriment aujourd’hui par des mots. Mais soyez certain.es que la graine de la solidarité avec ce qui est possible est tombée dans une terre fertile. Ainsi, j’espère que non seulement moi, mais aussi beaucoup d’autres aient pu unir courage et force de volonté, ces dernières semaines, pour regarder en avant, main dans la main, sans jamais pardonner, mais en souriant.

Avec des pensées solidaires. A presto, mi farò vivo [« À bientôt, je donnerai de mes nouvelles », en italien].

Maja

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