La liberté est plus qu’un simple mot

Tumulte / dimanche 15 juin 2025

La liberté est plus qu’un simple mot – contre TOUT fondamentalisme religieux !

Ahmad Abu Murkhiyeh avait 25 ans, quand il a été retrouvé décapité en Cisjordanie occupée [en octobre 2022 ; NdAtt.]. Son crime ? Il était queer. Ses assassins ne portaient pas l’uniforme israélienne – ils agissaient sous drapeau palestinien. Ahmad représente des milliers de personnes qui sont persécutées, torturées ou assassinées par des milices islamistes, à Gaza et en Cisjordanie.

Pour les queers, les femmes, la gauche et les minorités, le règne du Hamas islamiste et du Djihad islamique signifie oppression, persécution et mort. Pourtant, beaucoup de personnes qui, ici en Occident, manifestent avec des drapeaux palestiniens contre les fondamentalistes chrétiens, dissimulent le sort de ces personnes.

Dans leur critique nécessaire du fondamentalisme chrétien, il y a un sinistre angle mort.
Comment peut-on, d’un côté, prétendre combattre le fondamentalisme religieux et de l’autre côté collaborer avec des organisations qui, que ce soit par une tolérance aveugle ou par une rationalité utilitariste, célèbrent des forces fondamentalistes comme le Hamas, comme s’il s’agissait d’une juste résistance ?

Alors qu’ici en Europe on proteste, à juste titre, contre le fondamentalisme chrétien et l’homophobie et la transphobie qui y sont inhérentes, les mêmes activistes se taisent quand c’est le fondamentalisme islamique qui assassine des personnes queer. Pendant que les personnes queer, à Gaza et en Cisjordanie, vivent dans la peur permanente de la mort, non seulement à cause des bombes israéliennes, mais aussi du Hamas et des milices islamistes. Comment l’islamisme fondamentaliste peut-il être minimisé au nom de la Pride, alors que ce sont précisément ces forces, qui, au « Proche » et au « Moyen-Orient », étouffent dans l’œuf toute émancipation des personnes queer, sous la bannière du nationalisme arabe ou de l’islamisme ? Rien qu’en Iran, plus de 4 000 personnes homosexuelles ont été exécutées, depuis la révolution islamiste de 1979. Ce même Iran finance, et commande aussi, le Hamas et le Hezbollah dans leur guerre contre Israël.

Depuis toujours, Israël sert d’écran où projeter toutes les brutalités que l’État moderne en soi représente : car CHAQUE État-nation est « artificiel » et fondé sur la violence, les déplacements forcés, la guerre et l’homogénéisation, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Ce n’est pourtant pas un hasard si la guerre à Gaza ne conduit pas à une critique générale de l’État et de la nation, mais à une dangereuse double morale : alors que d’autres États sont acceptés comme « naturels », seule la destruction de l’État juif est souhaitée. S’il en était autrement, on ne redoublerait pas la souffrance des gens au nom de la « libération nationale », mais on voudrait abolir complètement la nation. Là où deux groupes émettent des revendications sur le même morceau de terre, il n’y a aucune solution révolutionnaire. Les rapports d’oppression ne seront pas résolu par le fait de hisser des drapeaux nationaux, mais par la libération générale de tous les êtres humains de ces mêmes logiques nationales.

Autrefois, pour la gauche il s’agissait de comprendre, d’expliquer et de changer les rapports sociaux. Mais aujourd’hui, la seule chose qui compte est de prendre parti. Il ne s’agit plus de comprendre la domination sociale qui se présente à nous en tant que totalité, dans ses contradictions, ses fissures et ses ruptures, ainsi que d’y déceler la possibilité de son abrogation. Aujourd’hui, les ambivalences et les ambiguïtés sont plutôt perçues comme un danger pour sa propre vision du monde.

Celui/celle qui fait remarquer que la guerre a commencé le 7 octobre avec des massacres antisémites, que des otages sont toujours en captivité et que des roquettes sont tirées tout aussi sur des civil.es israélien.es, est diffamé.e comme étant un.e belliciste. Toute critique du Hamas et de sa manière d’agir brutale à l’encontre de sa propre population est délibérément détourée comme étant une tentative de justification de la manière d’agir brutale de l’armée israélienne à Gaza. Au lieu de noyer la raison dans des certitudes idéologiques, nous devrions conserver dans notre analyse une capacité de pensée critique et ne pas tomber dans des modèles d’explication simplistes.

Certain.es vont même jusqu’à reprendre complètement le récit du Hamas et nier les violences sexistes et sexuelles et le massacre de civil.es israélien.es qui ont eu lieu le 7 octobre – bien que les auteurs de ces crimes les aient eux-même filmés avec fierté et diffusés sur Internet.

D’autres excluent les « sionistes » de leurs événements, sans comprendre que pour 90 % des Juif.ves du monde, le sionisme signifie simplement le droit à l’autodéfense, après les horreurs de la Shoah ou en raison d’une histoire de persécutions et d’extermination dans de nombreux pays. À part ça, il n’y a pas LE sionisme sous une seule forme, mais avec des idées anarchistes, socialistes, confédéralistes – comme dans le mouvement des kibboutz – jusqu’à des versions conservatrices et d’extrême droite, qui souhaitent un grand Israël homogène. Le sionisme ne signifie en général rien d’autre que l’autodétermination nationale des Juif.ves, dans un monde organisé en États-nations, qui a assisté passivement à la destruction des Juif.ves.

En d’autres termes, celui/celle qui ne veut pas de « sionistes » à sa fête dit ainsi au 90 % de tou.tes les Juif.ves du monde, qu’elles/ils ne sont pas les bienvenues et ne peuvent pas faire partie de la gauche. Celle/celui qui se comporte comme si « sioniste » était synonyme d’oppresseur confond la critique de gauche avec la stigmatisation de l’ennemi, propre à la droite. Celui/celle qui, en fait, entend par « sioniste » le gouvernement d’extrême droite d’Israël, lui rend même un service et contribue à sa propre mise en scène.

Et oui : le gouvernement israélien mise sur une militarisation nationaliste d’extrême droite. Il prétend ainsi protéger la population – mais ce qu’on voit est que les meurtres et les crimes de guerre à Gaza se poursuivent, que des milliers de civil.es meurent et que les otages ne sont toujours pas libéré.es.

La solidarité ne signifie pas choisir un camp, car la lutte pour la liberté n’est pas un match de football et les gens dans cette région ne sont pas l’écran où projeter les aspirations révolutionnaires de la gauche occidentale. C’est précisément aux gens là-bas et à toutes les victimes de l’islamisme dans le monde entier que nous devons de ne pas céder à notre besoin de réponses simples à une réalité complexe. Le sentiment égocentrique d’être du bon côté et d’évoluer dans un monde exempt de contradictions ne doit pas nous faire perdre de vue le fait que le Hamas n’est pas un mouvement de libération. Il est une organisation religieuse-fasciste. Il mise sur le contrôle autoritaire, pas sur l’émancipation. Il a besoin de la guerre pour légitimer sa violence. Avec son culte des martyrs, il ne fait que prolonger la souffrance, au lieu d’y mettre fin. Celle/celui qui se solidarise avec cette organisation est aveugle à son contenu. Celui/celle qui porte ses symboles normalise sa politique. Celle/celui qui romantise son programme est prêt à accepter son antisémitisme exterminateur. Et trahit toutes les personnes qui, à Gaza, s’engagent contre la tyrannie terroriste du Hamas et pour la fin de la guerre, au péril de leur vie.

Nous sommes solidaires de la population civile – en Israël comme à Gaza et en Cisjordanie. Nous sommes aux côtés de tou.tes ceux/celles qui s’engagent contre la guerre et pour une vie meilleure pour tout le monde. Notre solidarité ne va pas aux régimes, aux milices ou aux gouvernements, mais à celles/ceux qui essayent de résister aux rapports de violence. Il s’agit d’assurer une solidarité politique à ceux/celles qui ne veulent plus marcher au rythme de la violence.

« Celui qui rêve de libération, mais qui ne veut rien savoir du revers de la médaille de la lutte de libération, s’accroche à des idées révolutionnaires naïves, qui ne résistent pas à la réalité [de cette lutte]. Nous ne voulons pas nous cramponner à des légendes et à des images qui sont moins le fruit de nos expériences que de projections naïves ou de refoulements profondément ancrés. Nous faisons le jeu de qui quand, sous la bannière de l’internationalisme, nous faisons croire à une fausse unité, alors que dans les coulisses les oppositions entrent en collision. Seulement si nous affrontons sans illusions les contradictions politiques et idéologiques réelles, nous saurons leur faire face, dès que nous y serons confrontés ». (Du texte « Gerd Albartus est mort », des Revolutionäre Zellen [Cellules révolutionnaires])

Pour la vie – contre la mort. Contre tout romantisme du martyr.

Aucun État ne libère. Aucune milice n’émancipe. Aucun drapeau. Aucun mythe. Aucun.e héros.ïne.

La solidarité ne signifie pas choisir un camp. La solidarité signifie se soustraire à la récupération.

Jin, Jîyan, Azadî. Pour un combat contre TOUT fondamentalisme.

Pour la PRIDE, de Téhéran à Ramallah. Pour un avenir queer, sans illusions.

Antifa Vienne

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