Act for freedom now! / dimanche 6 avril 2025
Sous le béton, quelque chose bouillonne – Occupation d’un immeuble à Exárcheia
Après la fin de l’événement « Mémoire révolutionnaire et perspective de la lutte », passage Messolonggiou [une zone piétonne d’Exárcheia], une foule de compas est descendue au carrefour des rues Koletti et Themistokleous, pour défendre la libération en cours d’un bâtiment.
Voici l’auto-présentation de l’occupation :
Le silence de la métropole pèse comme une pierre sur nos dos. Les rues sont pleines de regards fatigués, de corps qui se traînent par habitude, par peur, par soumission. Les gens empruntent les chemins prescrits, sans poser de questions, en tempérant leurs rêves. Tout est programmé pour fonctionner exactement comme ils le veulent : travail, consommation, obéissance. Mais, toujours, sous la surface, quelque chose bouillonne.
L’histoire n’est pas écrite par ceux/celles qui obéissent. Certain.es choisissent de porter le fardeau de la désobéissance. De casser le béton de la normalité. De faire face à la main invisible du pouvoir, qui étouffe tous les aspects de nos vies. Le refus de se soumettre n’est pas une simple prise de position. C’est un appel à remettre en question, à renverser, à reprendre ce qui nous appartient.
Nous sommes des compas, des anarchistes qui viennent de points de départ politiques et idéologiques différents, mais nous nous sommes retrouvé.es dans les mêmes feux de lutte. Là où les luttes communes et les expériences collectives nous ont uni.es, nous avons reconnu le besoin vital de créer un espace de rencontre, de fermentation politique, d’échange de points de vue et de renforcement organisationnel. À une époque où l’on nous impose l’isolement et où les communautés de lutte sont démantelées par la répression, la création de tels espaces n’est pas seulement nécessaire – elle est cruciale. Les coups répressifs de ces dernières années ne sont pas arrivés par hasard. Les autorités sont en train d’essayer d’éliminer toute source de résistance, d’écraser toute forme d’auto-organisation et d’éteindre la flamme de la remise en question. Des acquis importants ont été perdus, le mouvement a été poussé sur la défensive, la récession est désormais visible. Mais nous savons que l’histoire est écrite par celles/ceux qui ne reculent pas, par ceux/celles qui n’ont pas peur de faire face à la réalité. Rester sur la défensive signifie accepter la défaite. Et cela n’arrivera pas. Le moment est venu de transformer les paroles en actes, de passer de la défense à l’offensive. De montrer clairement que l’ennemi ne nous vaincra pas si facilement. De délimiter notre propre champ de lutte, de nous approprier notre espace et notre temps. De libérer un territoire de la domination, de créer un centre vivant de résistance, un foyer radical de fermentation et d’action. Nous considérons l’occupation comme une partie intégrante du mouvement et le mouvement comme un élément organique de l’occupation. L’existence d’espaces de lutte n’est pas seulement une question pratique, mais aussi profondément politique. Les occupations ne sont pas seulement des lieux de rencontre, elles ne sont pas seulement des lieux d’hospitalité. Elles sont des bastions de résistance, des laboratoires de pratiques radicales, des fissures dans la normalité qu’ils tentent de nous imposer. Et cela n’est pas négociable.
Aucun quartier, aucune rue, aucune place n’est un terrain neutre. C’est une carte vivante des contradictions, des conflits et des revendications. Les villes sont construites sur la discipline, la police, la stérilisation de l’espace public. Les places sont remplies de caméras, les murs sont peints en gris, les bâtiments deviennent des forteresses, inaccessibles pour celles/ceux qui n’ont pas les moyens de payer le coût de leur existence, dans un monde où tout a un prix. La domination met en œuvre un plan stratégique de contrôle universel des métropoles, écrasant chaque centre de résistance. Avec l’arme de la propagande noire et de la guerre idéologique, elle essaye de façonner les consciences, tandis que la dégradation délibérée des quartiers par la propagation du crime organisé et l’expulsion violente de la population locale ouvrent la voie à leur absorption complète par le capital. La répression de l’État agit comme une garde armée pour les investisseurs, les propriétés immobilières dévorent la terre, les maisons deviennent des marchandises, les loyers s’envolent très haut, les espaces publics sont transformés en champs stériles de surveillance et d’uniformité dans la consommation. Le fléau de la gentrification et de la Civilisation est en train d’avaler les villes, fonctionnant comme un mécanisme de soumission et de contrôle social. Exárcheia, un quartier imprégné de l’histoire des luttes, est dans le viseur de l’offensive de l’État et du capitalisme. D’un côté, l’État déchaîne des vagues de répression : expulsions de squats, renforcement de la présence policière, militarisation de l’espace. D’autre côté, le capital pille la mémoire collective, en absorbant les symboles de résistance et en les transformant en marchandise touristique. Nos sous-cultures sont contrefaites et adaptées à des projets commerciaux « alternatifs », pendant que le quartier est modifié pour servir l’industrie du divertissement et du « style de vie ».
Nous ne les laisserons pas transformer le lieu de nos luttes en une énième attractions décorative. Pour toutes ces raisons, nous ouvrons ce squat dans le quartier historique d’Exárcheia. Parce que ses rues ne sont pas à vendre. Parce que les souvenirs ne sont pas des marchandises. Parce que la résistance vivante ne deviendra pas une attraction touristique, mais un champ de bataille.
Les lieux squattés peuvent être des îles de résistance dans l’archipel de la lutte. Ils sont aussi des barricades. Des espaces où la souveraineté perd le contrôle, où l’État cesse d’être le régulateur absolu de la vie. Ils sont des ateliers de lutte, des points de rencontre, des centres d’auto-organisation et d’action.
La culture insurrectionnelle et révolutionnaire n’apparaît pas d’elle-même. Elle est cultivée. Elle se développe dans les sous-sols, dans les places, dans les lieux de rencontre, dans les regards qui ne se baissent pas, dans les corps qui n’acceptent pas d’être disciplinés par l’ennemi. Une occupation n’est pas un événement isolé. Elle a la capacité de marcher dans la pratique du refus, de nous rappeler constamment que nous ne sommes pas des nombres dans les registres de l’État, que nous ne sommes pas des rouages dans la machine de la production, que nous ne sommes pas des pions sur l’échiquier du pouvoir. Nous sommes ici et nous sommes en train de prendre ce qui nous appartient, en créant les fissures d’où jailliront de nouvelles possibilités.
La conjoncture actuelle ne touche donc pas notre conscience et notre pratique anarchistes. Nous refusons de nous joindre au sentiment de terreur qui résulterait des « temps défavorables à cause de la répression ». Contre la rhétorique réformiste, dont les manifestations sont des choix de conformisme politique dans le domaine de l’action, nous sommes déterminé.es à une rupture radicale, permanente et totale. Notre inquiétude n’est pas la répression qui a existé, qui existe et qui existera contre nous, mais le pari permanent avec nous-mêmes, pour éviter des stratégies politiques qui menacent de faire sombrer dans l’oubli un mouvement, à cause d’une présence militante de plus en plus faible, tant au niveau des événements que des structures.
Nous considérons que l’absence d’une culture militante nous affaiblit en tant que mouvement, nous rend vulnérables et sans défense face à l’offensive du pouvoir. L’inaction équivaut à la défaite. Nous essayons donc, avec ce projet, de construire une base solide qui fera la promotion de la perspective révolutionnaire/insurrectionnelle, qui intensifiera la menace contre les mécanismes oppressifs du présent et cultivera les consciences rebelles de demain. Parce que la révolte n’est pas un schéma théorique. Elle est action, elle est fermentation, elle est un conflit constant.
POURQUOI NOUS CHOISISSONS et NOUS PROMOUVONS la culture (de L’ACTION DIRECTE) RÉVOLUTIONNAIRE et INÉVITABLE ?
i. Parce que elle est le seul moyen de confrontation directe avec l’ennemi, ici et maintenant. Il s’agit de la pratique, qui crée des « épicentres », en brisant les chaînes de la normalité, en donnant aux subalternes le pouvoir de déterminer leur propre destin.
ii. Parce que, dans son essence ultime, l’Anarchie est une guerre constante pour la liberté. Elle n’est pas un slogan, elle n’est pas une théorie, elle est conflit, elle est action.
iii. Parce que la camaraderie n’est pas un concept abstrait, mais des relations vivantes et non négociables entre des combattant.es. Elles sont forgés dans le feu de la bataille, dans le fait d’être côte à côte dans chaque crise, chaque défaite, chaque difficulté. C’est là que nous redécouvrons notre « nous collectif » perdu.
iv. Parce qu’elle pousse les subalternes à dépasser leurs limites, à briser les chaînes de la peur, à remettre en question l’impossible.
v. Parce que l’agression de l’action directe n’est pas de la violence aveugle, mais un choix stratégique. La propagation de l’action révolutionnaire, la généralisation de la confrontation violente avec les pouvoirs de l’autorité, est nécessaire à la déconstruction de l’édifice étatique et capitaliste et à l’écrasement des relations sociales d’oppression.
Le devoir de toute personne qui lutte est d’enrichir chaque jour ses outils, tant sur le plan pratique que théorique, ce qui la conduira à la réalisation de ses idéaux. Cela demande de l’audace, du risque, de l’imagination, de l’organisation, de la foi et de la cohérence. L’intention ne suffit pas, il faut une décision. Pour ces raisons, pour nous l’ouverture de cette occupation s’inscrit dans cette direction.
POUR L’ANARCHIE
Ensemble, nous pouvons tout faire, nous pouvons chasser la vision de la fin qui semble si proche.
Nous pouvons vivre comme des personnes fières et libres.
Nous pouvons abattre le mur et voir toute une vie de joie qui nous attend !
Rasprava occupé
Rues Koletti et Themistocleous





















































