Indymedia Lille / lundi 22 janvier 2024
Le 25 septembre 2023, la Cour d’appel de Nancy a rejugé le compagnon anarchiste Boris, pour avoir incendié l’antenne-relais des quatre opérateurs télécoms, ainsi que celle des flics et des gendarmes, en avril 2020 sur le Mont Poupet (Jura).
Suite à cette attaque qui avait mobilisé en plein confinement des techniciens du ministère de l’Intérieur jusqu’au fin fond du Jura pour tenter de rétablir au plus vite leurs communications, de l’ADN du compagnon avait été retrouvé sur place. Après des mois d’écoutes et de filatures menées notamment par le Groupe Anti-Terroriste (GAT) de Dijon et des membres du GIGN venus spécialement de Versailles, et ce dans le cadre d’une enquête confiée à la Juridiction inter-régionale spécialisée (JIRS) de Nancy, Boris avait été arrêté à Besançon le 22 septembre 2020. Incarcéré en préventive à la prison de Nancy-Maxéville, il sera condamné en première instance le 19 mai 2021 à 4 ans de prison, dont deux ans assortis d’un sursis probatoire de deux ans (obligation de travailler, de rembourser les parties civiles et interdiction de porter une arme). Jugé sans avocat et dans un tribunal gardé par des CRS pour en interdire l’accès à l’ensemble des compagnon.nes solidaires présents sur place (au prétexte des restrictions liées au covid-19), Boris fera appel les jours suivants. Il sortira également une lettre publique de derrière les barreaux en juin, dans laquelle il défendra les raisons de cette double attaque.
Le 7 août 2021, et alors que la date d’appel avait été fixée pour fin septembre, un incendie dans la cellule où il était enfermé le blessera grièvement (en le laissant notamment tétraplégique). Plongé plusieurs mois dans le coma avec un pronostic vital engagé, sa chambre restera gardée par deux gendarmes jusqu’à la levée d’écrou par la Cour d’appel de Nancy le 20 septembre 2021. La suite est un long parcours médical du compagnon dans différents hôpitaux, où il a du continuer à lutter à la fois contre le pouvoir médical et d’autres instances judiciaires (notamment contre une tentative de mise sous tutelle à la demande de la médecin-chef du service des palliatifs de Besançon). Du côté de la Cour d’appel de Nancy, alors que la fixation d’une date d’audience pour l’incendie des antennes restait suspendue sine die depuis deux ans au vu de l’état de santé de Boris, c’est pourtant en plein mois de juillet de cette année 2023 qu’elle a soudain décidé de le reconvoquer. Pour cela, elle a utilisé le vil prétexte que le compagnon avait réussi à s’exprimer en visio depuis l’hôpital devant une autre juridiction, en mars 2023, afin de signifier avec succès à une juge qu’il s’opposait à toute mise sous tutelle (de l’Etat comme de la famille) !
Désormais hébergé dans un lieu de vie adapté, Boris a finalement choisi d’accepter cette audience du 25 septembre 2023 devant la Cour d’appel (en visioconférence), pour que cette histoire soit terminée. Alors que quelques compagnon.nes étaient présents dans la salle du tribunal nancéien avec son avocate, d’autres étaient aux côtés de Boris dans sa chambre aménagée, notamment pour l’aider face aux aléas du wi-fi et de la trachéotomie. Pour l’anecdote, Boris avait également pris soin de faire régler l’angle de la petite caméra pour qu’apparaisse derrière lui et devant les juges l’affiche « De l’ombre des villes aux lueurs de l’insurrection » accrochée sur son mur.
Quant à l’audience elle-même, tout y fut odieux, comme c’est le lot quotidien de n’importe quel tribunal où des ordures en toge se permettent de juger de la vie des autres et d’en envoyer une grande partie dans cet instrument de torture institutionnelle qu’est la prison. Avec ici tout ce qui peut caractériser ce genre de charognards lorsqu’ils sont confrontés à des individus qui s’écartent de la norme. Alors que l’état physique du compagnon lui était bien connue, cela n’a par exemple pas empêché le juge Pascal Bridey de demander à plusieurs reprises au compagnon de lever la main s’il souhaitait prendre la parole. Ou encore le procureur Hadrien Baron d’ironiser dans son réquisitoire sur le fait que Boris avait été victime d’un incendie (accidentel selon le rapport d’expertise) de cellule tandis qu’il avait lui-même cramé des antennes. Une sorte de châtiment divin, en quelque sorte, selon cette sous-merde au service du plus froid des monstres froids. Quant à l’avocat de l’entreprise Orange, spécialement venu de la capitale, il n’a pas résisté au fait de pointer que si Boris était contre la technologie, cette dernière pouvait tout de même lui être bien utile… comme cette visioconférence lui permettant d’être jugé sans se déplacer (sic).
De son côté, Boris affichait un grand sourire à la lecture du dossier par le juge, qui incluait notamment l’incendie du local technique d’une antenne SFR sur le Mont Bregille (Besançon) survenu deux semaines avant ceux dans le Jura, et pour lequel le compagnon avait finalement été mis hors de cause. Tout comme il le fera à la lecture de cet extrait tiré de sa déclaration en garde-à-vue, où à la question « Qu’avez vous ressenti après avoir commis cet acte ? », il avait répondu « J’étais content d’avoir réussi ce challenge, de m’être surpassé et d’avoir porté un coup au développement de cette nouvelle technologie », avant de conclure « j’étais tout seul et j’assume la commission de ces faits ». Suite à ce résumé sans ambiguïté, le juge demandera à Boris s’il avait quelque chose à rajouter, plus de trois ans après les faits. Lors de cette rare prise de parole devant le tribunal, le compagnon lâchera sobrement : « ça c’est sûr, à l’époque j’étais déterminé », avant de décider de se taire pour laisser son avocate continuer à sa place.
En conclusion de cette audience d’une heure à peine, l’avocate de Boris s’est d’abord interrogée à voix haute sur « le sens de la peine » au vu de la lourde situation médicale du compagnon, avant de préciser que même si l’incendie de cellule n’avait pas été accidentel mais un geste de révolte ou de désespoir comme cela arrive régulièrement en taule, cela n’enlèverait rien à la responsabilité première des bourreaux qui enferment. Puis elle a terminé sa plaidoirie sur le fait que certes, si Boris ne pouvait aujourd’hui plus continuer de mettre ses idées en pratique de la même manière qu’en avril 2020, ce n’était en tout cas pas parce qu’il avait changé de convictions, au contraire ! Inutile de dire que le compagnon était plutôt réjoui de cette défense explicite, et qu’à l’ultime tentative d’humiliation du juge lui demandant avec un paternalisme dégoulinant « est-ce que vous avez bien compris ce qu’a dit votre avocate ? », il a répondu du tac-au-tac : « oui, et je suis d’accord avec elle ! ».
De leur côté, les deux avocats des parties civiles (Orange et l’agent judiciaire de l’État pour les antennes des flics et gendarmes) ont froidement réclamé leur fric pour les dégâts causés, en blablatant comme attendu sur la gravité de ces derniers. Quant au procureur, il avait rappelé au préalable que cette attaque n’était pas isolée à l’époque (avec 175 pour toute l’année 2020, soit quasi une tous les deux jours), et que l’État avait alors craint que leur multiplication, « si elles avaient été couplées avec d’autres contre l’énergie et l’eau », ait pu mettre « le pays à genoux en trois jours ». Il justifiait par cette présomption d’actions coordonnées les moyens d’enquête anti-terroristes déployés contre le compagnon, ainsi que le lourd verdict de première instance (bien que l’association de malfaiteurs ait finalement été abandonnée à la clôture de l’instruction)… avant de réclamer à présent « compte tenu de l’atteinte gravissime portée à Monsieur X pendant sa détention », une peine de 8 mois fermes « couvrant sa détention provisoire » (d’après ses mauvais calculs).
Le jugement définitif est tombé le 25 octobre 2023, en condamnant sans surprise Boris à une peine équivalente à sa détention provisoire, soit un an de prison ferme, plus 1000 euros à Orange et à l’agent judiciaire de l’Etat pour leurs avocats, plus 169 euros pour avoir fait appel et avoir été reconnu coupable, plus une confirmation des « réparations » accordées aux parties civiles en première instance (environ 91 500 euros à Orange, Enedis et l’agent de l’Etat, les autres compagnies de téléphonie mobile ayant lâché l’affaire). Pour info, il a été signifié aux avocats de ces dernières à la sortie du tribunal que si jamais leurs mandataires osaient essayer de prélever du fric sur le dos du compagnon dans un futur proche (c’est-à-dire concrètement sur son AAH) cela leur ferait certainement une nouvelle publicité qu’ils préféreraient éviter…
A présent, ne reste en cours qu’une seule procédure judiciaire, celle aux mains d’une juge d’instruction de Nancy concernant l’incendie de cellule. Encore une fois, force et courage à Boris, qui a par ailleurs reçu mi-novembre le fameux fauteuil de compet’, pour lequel il remercie celles et ceux qui ont participé à le financer par la solidarité, et qui lui offre désormais de nouvelles possibilités d’autonomie.
Des anarchistes complices et solidaires,
16 janvier 2024