La Nemesi / lundi 20 novembre 2023
17 novembre 2023 – les 50 ans de la révolte de Polytechnique et ma libération
Après sept ans consécutifs de prison (depuis mon arrestation, le 5 janvier 2017), huit ans et six mois si on compte aussi la période de détention préventive (depuis mon arrestation du 10 avril 2010) et treize ans et six mois au total, une peine que j’ai purgé pour ma participation à Lutte Révolutionnaire [Επαναστατικού Αγώνα, Epanastatikòs Agónas, EA], je suis sortie de prison. La signification symbolique de cette journée a été forte, puisque le 17 novembre de cette année marque le cinquantième anniversaire de la révolte de l’Université polytechnique d’Athènes, en 1973 [contre la dictature des militaires, qui avaient pris le pouvoir avec un coup d’État en 1967 ; NdAtt.]. En ce jour, tout le monde se souvient des morts de Polytechnique, mais aussi de tous ceux qui sont tombés dans la lutte pour la liberté.
Dans mon esprit, cette journée est marquée par le souvenir de notre compagnon Lambros Foundas, mort au combat en tant que membre de Lutte Révolutionnaire. Mais dans mes pensées il y a aussi le compagnon Nikos Maziotis, qui, malgré le fait qu’il ait purgé 11 ans de prison ferme et 14 ans de détention « mixte » – une période très longue, pour une condamnation à 20 ans – se voit refuser sa libération par les magistrats de Lamia. Il est désormais clair qu’un régime d’exception unique en son genre a été imposé à Nikos Maziotis, car aucun prisonnier ou prisonnière qui était dans une situation semblable à la sienne (avec des accusations fondées sur l’article 187A du code pénal [« actes de terrorisme » ; NdAtt.]) et avec des condamnations semblables (c’est-à-dire sans avoir été condamné à la réclusion à perpétuité) n’est jamais resté en prison si longtemps. Ce régime d’exception, fondé sur des critères et des motivations politiques qui de facto annulent le régime de libération conditionnelle – qui est, selon la loi, obligatoire et non pas « volontaire », puisqu’il n’est pas laissé à l’appréciation du juge de service – doit finir. En plus de la violation évidente de la loi, ce régime spécifique d’exception à l’égard d’un prisonnier politique rappelle ceux mis en place par la junte militaire.
Après tant d’années passées en prison, il serait faux de dire que je ne pense pas aux plusieurs dizaines de détenues avec qui j’ai vécu. En ce qui concerne les publications qui – je pense par erreur – ont « découvert » que j’ai été libérée car mère d’un enfant mineur, je dois dire que, en plus du fait que j’ai déjà purgé le nombre d’années requis pour accéder à la libration conditionnelle, aucun article du code pénal ne prévoit la libération conditionnelle d’une détenue parce qu’elle a un enfant mineur. Seulement l’article 105 du code pénal de 2019, une mesure qui n’est pas appliquée souvent, prévoit la détention domiciliaire pour les mères d’enfants de moins de 8 ans.
Étant donné que j’ai vécu pendant des années avec ces femmes, je sais que la plupart d’entre elles a un rôle central dans les soins apportés à des enfants mineurs, des personnes âgées, malades, en situation d’handicap et que leur détention prolongée a un impact terrible sur la vie de ceux qui sont restés seuls, sans leur aide. Le manque, dans le code pénal, d’une disposition sur la libération conditionnelle des mères ayant des enfants mineurs et des femmes qui s’occupent des catégories de personnes que je viens de citer démontre que les législateurs ne tiennent pas en considération la position centrale des femmes et de leurs soins dans la vie sociale. Il s’agit d’un manque qui, souvent, coûte des vies humaines.
Pola Roupa