athens.indymedia.org [avec quelques petites modifications] / samedi 28 mai 2022
Après 8 ans et demi de prison, après toutes ces actions arbitraires à mon encontre, j’ai décidé de mettre fin à mes 11 années de souffrance, en mettant un terme à la pratique de l’incarcération préventive, ou à la peine supplémentaire que constitue l’évasion par le biais de failles juridiques. Après 5 mois supplémentaires de détention préventive, j’entame une grève de la faim pour ma libération. Ce choix, avec la motivation profonde de la liberté tant désirée, je compte le soutenir avec la même constance que j’ai soutenu mes choix jusqu’à présent et pour lesquels je suis persécuté.
« Malheur à ceux qui acceptent la prison comme une condition de vie,
et le plus petit rayon du soleil le plus brillant »
– Devise de la révolte de la prison d’Alikarnassos
Depuis 11 ans, je subis la vindicte de l’État contre des choix conformes à mes valeurs et à mes idées. Le difficile parcours, dont je choisis de partager certains actes de vengenge arbitraire et flagrante à mon encontre, a commencé en 2011, lorsqu’un mandat d’arrêt a été émis contre moi pour l’affaire de la Conspiration des Cellules de Feu, pour laquelle j’ai finalement été acquitté car il n’y avait aucun lien entre moi et l’accusation portée contre moi. C’est l’incrimination d’une relation de solidarité avec des anarchistes recherchés qui m’a mis à leur place lorsqu’ils ont été arrêtés.
Après 2 ans de traque, je franchis moi aussi les lourdes portes de la prison, l’existence d’un mandat pour une décennie d’incarcération ayant conduit à certains choix et à des erreurs conséquentes. Les camarades qui avaient été arrêtés à l’époque lors du braquage de la banque de Velventos, à Kozani, ont été torturés par la police, ce qui est courant, puis le ministère de l’ordre public a publié des photos de nos visages tuméfiés, provoquant une réaction publique. Bien sûr, aucun policier n’a été accusé de cela par le système judiciaire grec aveugle.
Au bout d’un an et demi, alors que les 18 mois touchaient à leur fin, je me suis retrouvé accablé par une autre ordonnance de renvoi concernant les activités de la Conspiration des Cellules de Feu, avec un dossier contenant mon nom en tant que participant à des actes auxquels je n’étais pas lié, pas même une seule pièce à conviction ou un seul témoignage. Naturellement, comme le sale boulot avait été fait et que j’avais déjà été condamné dans l’affaire du vol de banque, j’ai finalement été acquitté. Cette stratégie particulière de détention provisoire multiple sans preuves et de mise en pièces des affaires individuelles était l’outil avec lequel l’État s’assurait que les prisonniers anarchistes restaient en prison sans procès même après l’expiration de la période maximale de détention provisoire de 18 mois, alors que les meurtriers fascistes jouissaient de leur liberté après la période de 18 mois de leur détention provisoire.
J’ai également été condamné par une justice aveugle pour tentative d’homicide involontaire contre un policier, bien que je n’étais pas armé au moment de l’incident, car, selon l’acte d’accusation, j’ai tenté de l’assassiner en utilisant la voiture de police que j’avais saisie pour échapper à l’arrestation.
Dans un point culminant de l’arbitraire judiciaire, je suis condamné à 11 ans de prison supplémentaires pour possession de cartouches, qui ont été trouvées dans la maison du camarade Dimitris Politis, qu’il a lui-même déclaré être les siennes, au motif inconcevable que nous les possédions tous ensemble afin de commettre un « terrorisme individuel ». Pour mémoire, à ce jour, cette affaire et les lourdes peines qu’elle a entraînées restent la seule application de la loi sur le terrorisme individuel dans les annales judiciaires grecques. Le fait que ce ridicule sans précédent ait également été confirmé par la Cour suprême démontre à quel point le pouvoir judiciaire « indépendant » est imbriqué dans les directives des partis et du gouvernement et à quel point il est devenu courant de juger des affaires comportant des failles juridiques.
Disons quelques mots sur le processus éducatif « sacré » dans le contexte de l’éducation pénitentiaire. Après la grève de la faim du camarade Nikos Romanos, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer par solidarité, le droit au congé éducatif a été obtenu pour tous les prisonniers, quel que soit leur statut. Ainsi, après des retards et des atermoiements, après 5 ans d’emprisonnement, j’ai réussi à suivre des cours à l’Université agricole d’Athènes pendant 1,5 an. Pendant mes 6 ans et demi d’incarcération et comme je suis déjà dans une prison agricole et que j’y ai déjà reçu de nombreux permis d’études, le procureur de Tiryns décide que mon école est loin et me coupe donc mes permis. On me fait croire qu’ils vont me donner un congé pour l’examen, ce qui n’est pas le cas non plus. On m’informe alors qu’ils vont également supprimer mon congé régulier, toujours grâce à une faille juridique, ce qui signifie que je retournerai à la prison fermée en perdant mon précieux salaire, ce qui me pousse à m’échapper à nouveau. Après avoir été repris et avoir demandé mon transfert à Korydallos pour des raisons éducatives comme le prévoient leurs lois, puisque le ΚΕΜ ne peut pas rejeter mes demandes, il choisit de ne pas répondre. Même s’ils sont « tenus » par la loi de répondre dans les 40 jours… J’attends toujours… Et bien que j’aie suivi tous les cours théoriques de mon école en prison dans des conditions défavorables (Pour les labos, ma présence physique est requise, ce qui m’est apparemment interdit si je n’y vais pas).
Le 29 décembre 2021, ayant purgé 3/5 de ma peine de 20 ans et 2/5 de la peine pour l’évasion, soit un total de 8 ans et 3 mois de temps effectif purgé, le secrétariat de la prison m’invite à signer la demande de libération conditionnelle prévue.
Arrivé au dernier épisode, je me suis à mon tour confronté à la tactique constante du mécanisme pénitentiaire de se venger des récalcitrants en refusant d’accorder la libération conditionnelle, malgré la condition essentielle de suivre avec succès mes cours scolaires (m’empêchant de les terminer) et le fait que j’ai déjà trouvé un emploi. Encore une fois, avec une faille juridique. Cette fois avec l’argument de la dangerosité potentielle… par mesure de précaution. Puisqu’il ne s’est pas écoulé assez de temps pour que je puisse me « convertir » et être corrigé… Des absurdités évidentes auxquelles même eux ne croient pas, ils se contentent de les reproduire de manière processive en paralysant la vie de tant de prisonniers. Bien sûr, les personnes qui sont des récidivistes vraiment dangereux, comme les violeurs, n’utilisent pas cet argument car, en tant que sujets caméléons, ils coopèrent parfaitement avec le système correctionnel et bénéficient d’une libération anticipée et d’une libération conditionnelle. Les personnes dangereuses sont généralement décrites comme celles qui ont fait le choix digne de s’échapper, ce que la loi n’est pas censée punir sévèrement car le législateur reconnaît qu’il est normal pour tout être humain d’affirmer sa liberté. C’est pourquoi les fonctionnaires du système ne sont pas satisfaits de l’application de la loi et étendent son interprétation.
La faille juridique est la règle de fonctionnement du système. Les juges qui la mettent en œuvre ont probablement été nommés d’une manière ou d’une autre en tant que larbins du parti, se construisant une carrière sur le dos des pauvres prisonniers qu’ils envoient en prison avec une grande facilité, distribuant les années comme des pois chiches, tandis que d’énormes sommes d’argent circulent par le biais de grands avocats pour que les nantis soient libérés ou même pas emprisonnés. Il en va de même pour leurs propres enfants, pour lesquels des échappatoires légales sont ouvertes pour s’en sortir…
Comme le tueur de flics du camarade Alexandros Grigoropoulos, Korkoneas, que la mafia judiciaire s’est empressée de libérer de manière anticipée, provoquant de nombreuses réactions, ce qui l’a conduit à retourner en prison.
Comme les flics qui ont assassiné Nikos Sambanis de sang-froid à Perama.
Comme les agents pénitentiaires qui ont torturé à mort Ilir Kareli et qui ont été acquittés.
Comme Mme Vlahaki, impliquée dans le scandale des millions d’Energa, qui s’était échappée en coupant son bracelet, mais qui a passé très peu de temps en prison, obtenant une suspension immédiate de sa peine.
Comme Furthiotis qui, en faisant de la lèche au département de la justice, a réussi à sortir de prison en 6 mois, mais la fenêtre légale s’est ensuite ouverte pour qu’il soit à nouveau arrêté car il a révélé au grand jour le linge sale du gouvernement.
Comme Vangelis Marinakis qui a été acquitté de poursuites pour 3 tonnes d’héroïne au motif qu’un homme d’affaires aussi important que lui ne pouvait être associé à une telle chose. Ce dernier exemple, bien que je ne sois pas en mesure de savoir s’il est coupable ou non, et qu’il ne m’intéresse pas, revêt une importance particulière précisément parce qu’il démontre de la manière la plus claire possible la nature de classe du système judiciaire. Bien sûr, si un usager est arrêté pour possession d’une petite quantité de drogue et qu’il fait partie d’un groupe de trois personnes, il est condamné en vertu de la faille juridique de l’organisation criminelle (c’est ainsi que la Grèce compte plus d’organisations criminelles que l’Italie ou le Mexique).
Les exemples nécessitent l’écriture d’un livre entier, je ne sais pas combien de volumes, alors j’en viens à l’essentiel de cette lettre. Après 8 ans et demi de prison, après toutes ces actions arbitraires à mon encontre, j’ai décidé de mettre fin à mes 11 années de souffrance en mettant un terme à la pratique de l’incarcération préventive, ou à la peine supplémentaire de l’évasion avec des failles juridiques. Après 5 mois supplémentaires de détention préventive, j’entame une grève de la faim pour ma libération. Ce choix, avec la motivation profonde de la liberté tant désirée, je compte le soutenir avec la même constance que j’ai soutenu mes choix jusqu’à présent et pour lesquels ils me punissent par vengeance.
Je souhaite profondément que cette grève de la faim devienne un nouveau déclencheur de la relance de la lutte globale contre le capital et les États. Le système capitaliste qui concentre la moitié des richesses de la terre dans une élite de 1% tout en appauvrissant rapidement le reste, asservissant les âmes vivantes, et pas seulement de notre espèce, à la condition torturante de la production industrielle. Ses entreprises, qui rivalisent dans le pillage des ressources naturelles, épuisent le monde naturel tout en conduisant la planète au bord du changement climatique et en provoquant la plus grande extinction d’espèces depuis des millions d’années. La structuration étatique de la société, présentée comme nécessaire par ses administrateurs de gauche et de droite, avec sa structure sociale centralisée, pour imposer un asservissement généralisé et assurer la rentabilité du capital. Les Etats, occidentaux et orientaux, dont le monopole de la violence légitime anéantit des populations entières, soit avec des armes de destruction massive ultra-modernes, soit en instrumentalisant la famine par la destruction des infrastructures, comme dans une série de conflits récents en Palestine, en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Syrie, au Yémen, en Ukraine. Les alliances transnationales qui ont transformé la terre en une poudrière d’ogives nucléaires menaçant de la faire littéralement exploser, prouvant que les États sont les véritables terroristes.
Avec l’attaque généralisée que les Etats et le capital ont lancée contre toute vie vivante, y compris notre espèce, il est plus que jamais nécessaire et opportun d’organiser et de mettre en avant nos résistances, en rejetant toute forme d’organisation hiérarchique qui rend la lutte vulnérable à la manipulation, aboutissant soit à la reproduction du système, soit à son assimilation au système. L’affinement et l’unification des aspects individuels de la lutte contre les machines d’État par le biais de réseaux décentralisés d’éco-communautés et de communautés de lutte, est l’outil clé de la radicalisation dans le sens de l’affaiblissement de la dépendance des gens au système industriel capitaliste qui détruit la terre et menace leur survie même.
C’est pourquoi, à un moment aussi critique, je considère la bataille que je mène pour ma liberté comme une tentative désespérée de participer à la lutte plus large dont mon long emprisonnement m’a coupé. C’est pourquoi je ne considère pas devoir revendiquer l’exclusivité des références au mouvement, mais propose plutôt de reconnecter la lutte pour la libération des anarchistes emprisonnés avec les idées qui les ont conduits à entrer en conflit avec le système et ont causé leur emprisonnement. Car je ne cherche l’intérêt de personne en tant que victime de la répression de l’État, mais en tant que sujet social et politique actif qui voit ma condition d’emprisonnement comme une partie de l’attaque de l’État et du capital contre ceux qui s’opposent consciemment à eux. J’appelle plutôt à une relation de solidarité révolutionnaire sur la base de projections communes et d’une lutte commune aux contours multiples qui coordonne la rage ressentie par différentes personnes vivant des conditions différentes mais ayant les mêmes causes.
Et enfin, sachant qu’il est possible que cette grève soit la dernière partie de mon parcours, je souhaite lui donner précisément cette dimension qui m’exprime dans son ensemble:
La lutte pour la liberté d’un seul est une lutte pour la liberté de tous…
…jusqu’à la destruction de la dernière cage
Giannis Michailidis
emprisonné préventivement dans la prison de Malandríno
23/5/2022
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athens.indymedia.org / vendredi 3 juin 2022
Solidarité avec Giannis Michailidis, en grève de la faim depuis le 23 mai!
Lundi le 23 mai, l’anarchiste Giannis Michailidis détenu à la prison de Malandríno en Grèce, entame une grève de la faim pour obtenir sa libération conditionnelle. Dans une lettre qui annonce sa grève de la faim, il souligne, entre autres, que cette lutte pour sa liberté s’inscrit dans la lutte élargie contre l’État et le Capital, de laquelle son long emprisonnement l’a coupé.
Afin de soutenir cette initiative dans les rues, de nombreuses actions variées sont organisées sur tout le territoire grec. Pour que cet énième épisode de la lutte de notre camarade ne soit pas tenue sous silence, un appel à la solidarité internationale est lancé. Bien que nous sommes convaincus que la meilleure solidarité sera toujours de poursuivre et d’approfondir nos combats, nous pensons qu’il est utile d’observer de plus près l’histoire de la lutte de Giannis, l’hostilité avec laquelle il voit l’existant et les idées de liberté qu’il a toujours porté en lui des deux côtés des murs de la prison. Nous nous reconnaissons dans les réflexions de son parcours turbulent de révolte. C’est l’occasion d’accompagner notre camarade de manière plus franche pour un fragment de son combat, en utilisant les moyens que chacun choisit pour soi-même.
Vous trouverez ci-dessous un bref résumé de l’histoire de Giannis avec les autorités, […].
En février 2011, Giannis Michailidis est arrêté lors d’une grande manifestation à Athènes et accusé de tentative de meurtre pour avoir attaqué les flics anti-émeute avec une arc et une flèche. Il est ensuite libéré avec des conditions. Un mois plus tard, suite à l’arrestation de 5 membres de la CCF dans une maison à Volos, un mandat d’arrêt est signé pour Giannis pour appartenance à la CCF, basé sur la découverte de ses empreintes digitales dans la maison en question. Suite à l’issu de ce mandat, il décide de prendre la fuite.
En avril 2011, lors d’une fusillade entre Theofilos Mavropoulos et des flics dans le quartier de Pevki à Athènes, Giannis est soupçonné être la deuxième personne au côté de Mavropoulos, qui a fuit la scène en volant la voiture des flics. Il est accusé de tentative de meurtre pour avoir blessé un flic qui tentait d’empêcher sa fuite, pour laquelle il est condamné des années plus tard quand il est de nouveau en prison.
Environs deux ans plus tard, en février 2013, dans la ville de Veria, il est arrêté et envoyé en prison avec trois autres anarchistes, suite à un double braquage d’une banque et d’un bureau de poste à Velventos, dans le nord de la Grèce.
En juin 2019, après six ans de prison, il s’enfuit de la prison rurale de Tyrintha, dans la région du Péloponnèse. Sept mois plus tard, il est arrêté de nouveau dans une banlieue d’Athènes, armé et dans une voiture volée, en compagnie de deux autres camarades. Accusé une nouvelle fois d’un vol de banque qui date d’août 2019 à Erymanthia, il est envoyé encore une fois en prison.
Le 29 décembre 2021, il atteint les trois cinquièmes de sa peine totale combinée et pourrait demander la libération conditionnelle. Le 23 mai, suite à une première réponse négative et à la demande d’une deuxième réponse négative de la part du procureur, il commence une grève de la faim dans le but d’obtenir sa libération. […]