Act for freedom now! / lundi 21 mars 2022
Pour l’organisation intransigeante d’Action Anarchiste
Chaque année, le 10 mars, la montre s’arrête, les lancettes cessent de tourner. Les heures n’existent plus, il n’y a plus que des moments de réflexion sur la responsabilité que chacun.e de nous porte dans la continuation du processus révolutionnaire. Sur notre devoir morale, politique et militante, dans la guerre révolutionnaire. Un hiatus qui est comme un cri de guerre, dans une nuit où la mort a vaincu la peur. La mort physique, que nous pleurons tant, est, dans un monde de mort, moins funeste qu’une mort qui est considérée comme vie.
Il y a douze mois de mars, Lambros Foundas, compagnon et membre de Lutte Révolutionnaire, a été exécuté, lors d’un affrontement, à Dafni (dans la région d’Athènes), par une bande de terroristes en uniforme, pendant la phase préparatoire d’une action de l’organisation. Lambros a vécu toute sa vie sur la ligne de front du conflit anti-autoritaire – avec du papier, avec le drapeau, avec le pistolet dans la main. De la même façon, il a rendu son dernier souffle dans la dernière bataille, en première ligne. Pendant sa vie, il a été un tonnerre et, par sa mort, il est un loup. Lambros est la mèche de l’intransigeance révolutionnaire et il vivra dans les flammes de la violence révolutionnaire. Des flammes des métropoles urbaines aux explosions de la guérilla dans les montagnes du Moyen-Orient et d’Amérique latine.
Le compagnon Lambros Foundas est un drapeau de la lutte pour la subversion et la révolution. Un drapeau qui flotte fièrement, quand les espaces métropolitains se plient aux flammes de la violence révolutionnaire. Le sang est l’encre de l’histoire. Et malgré ceux qui prétendent que l’histoire est écrite par les vainqueurs, nous serons là pour vous rappeler que ceux qui se sentent victorieux portent en eux les défaites les plus écrasantes. La défaite n’est pas un destin écrit à l’avance, seul la mort l’est. La défaite, c’est accepter. C’est oublier les mort.e.s de la guerre des classes. C’est la froide reddition de l’histoire collective à la poubelle de l’oubli. La défaite, c’est la cessation et les illusions messianiques. Le fait de reporter la bataille, la trêve et le compromis dans une vie en dessous des nécessités de classe et des circonstances de l’époque. Ce n’est pas une défaite de donner sa vie et sa liberté pour la lutte, mais de vivre dans l’absence de solidarité sociale et de conscience de classe. De ne sauver que sa propre peau, quand l’autre, à côté de soi, perd pied, reste en arrière, meurt. Devant cette époque sombre, la tâche révolutionnaire est d’éclairer le chemin avec l’espoir de la subversion.
« Qui ne s’arme pas meurt, qui ne meurt pas est enterré vivant dans les prisons, les maisons de rééducation, dans le sinistre béton des tours résidentielles, dans des cuisines modernes entièrement équipées, achetées à crédit, et dans des chambres des palais. » Ulrike Meinhof – RAF
La première étape de la guerre est la motivation, puis la détermination, puis le saut en avant. Le saut dans une vie nouvelle, illégalement insoumise. Je porte avec moi un voyage plein de feu. Où les souffles, les quelques souffles cachent la liberté ultime. Une vie donnée à la lutte pour quelque chose de mieux, quelque chose de différent. Et si la bande de terroristes de Mitsotákis et Theodorikakos (député du parti Néa Dimokratía [Takis Theodorikakos, ministre de la Protection du citoyen dans l’actuel gouvernement grec, conduit par Kyriákos Mitsotákis ; NdAtt.]) parie, par mon incarcération, sur la défaite individuelle et collective, sur la résignation et la soumission, sur une fin spectaculaire de la résistance radicale, je dirais que tant d’années de loyauté, d’engagement et de constance dans le conflit mènent au moment le plus fier de cette guerre.
Douze mois de mars plus tard, en rendant honneur par la pratique à l’ethos révolutionnaire absolu et à la cohérence qui sont représentés par le compagnon Lambros Foundas, j’assume la responsabilité politique de ma participation à l’organisation Action Anarchiste. Je suis fier qu’une partie de ma vie soit identifiée à une figure de combat, chair de la chair de l’histoire anarchiste, qui est restée debout, avec ses petites forces, avec ethos et cohérence, au milieu des luttes et des tâches du conflit anti-autoritaire. Je suis fier des compas aux côtés desquel.le.s le mot « Anarchie » était plein de passion et de sincérité. Je suis irrécupérablement fier parce que mon adhésion a été un acte conscient basé sur la nécessité sociale, politique et militante de l’action anarchiste, en tant qu’outil analytique de réflexion, en tant que rempart face à l’action légaliste, en tant qu’attitude absolue de vie.
Action Anarchiste est une formation militante de lutte et de défense de la propagande par l’action. C’est une organisation qui a mis dans le collimateur anti-autoritaire toute la structure du pouvoir et les relations d’exploitation, en transformant le mot solidarité en une condition inébranlable d’existence. Jusqu’à ce jour, elle s’est dressée, hostile et la tête haute, contre l’État et l’armée mercenaire d’occupation au service de la démocratie, contre la structure militariste, contre la doctrine de la mafia sacrée, contre la puanteur patriarcale et le corps national, les temples et les visages de l’aliénation capitaliste, les intérêts diplomatiques et les contrats de pouvoir d’un pays trempé dans le sang.
Contre des gens sans dignté, sans morale, sans valeurs et sans principes, qui oppriment la vie de la base prolétarienne de la société, je me tiens aujourd’hui debout, non repenti, intransigeant, avec le même engagement, unique, à la cause révolutionnaire. Je ne fais pas de compromis avec ce qui ne peut pas en avoir, je ne reste pas silencieux face à l’injustice, parce que dans ma vie j’ai appris à défendre jusqu’à la mort ce qui est juste et nécessaire. Ayant parcouru un chemin plein de difficultés et de coups, d’arrestations et de condamnations, de passages à tabac et de tortures en prison, je déclare que rien n’a pu me faire changer d’avis, me conduire à brader à vil prix le chemin individuel et collectif, pour quelques souffles de « liberté » morte. Tout cela n’était que des coups faciles et sans perspectives sur un corps qui, pendant des années, a porté en lui un cœur intact. Un cœur qui bat au rythme des hostilités révolutionnaires. Un cœur qui bat pour l’Anarchie.
J’assume la responsabilité politique de ma participation à Action Anarchiste, parce que chaque pas de ce chemin a été une étape d’un engagement profond dans les nécessités de la guérilla anarchiste. Avec modestie et humilité, avec une profonde reconnaissance et admiration pour ceux/celles qui ont écrit une page spéciale dans l’histoire de la subversion radicale. Avec l’espoir et la certitude que rien ne finit, que la flamme insurrectionnelle de l’action juste ne s’éteint pas.
Engagé corps et âme dans le feu, je reste un anarchiste non repenti, défendant le chemin de la rupture et du conflit avec toute forme de pouvoir. Les idées ne s’achètent pas, la passion pour la liberté ne se discipline pas, la dignité révolutionnaire ne s’excuse pas devant les tribunaux de la terreur. Je défendrai ma fière captivité, jusqu’au bout, même si le soleil devait se lever à l’ouest, en me rappelant une promesse collective : le décompte du temps qui reste est valable pour tout le monde. Attendez, attendez, attaquez.
Fièrement membre d’Action Anarchiste. Fièrement engagé dans la guérilla anarchiste. La révolution d’abord et toujours.
Thanos Hatziangelou
prison de Korydallos, aile D
10 mars 2022