Coronavirus : l’hypocrisie capitaliste

Contra Madriz / dimanche 19 avril 2020

Les pandémies existent depuis toujours, depuis toujours des maladies exterminent des milliards de vies sur la planète. Le contexte dans lequel chacune d’entre elles se développe, les conditions préexistantes qui permettent son évolution et son développement, ainsi que l’impact qu’elle a sur une espèce (l’espèce humaine, dans le cas du nouveau coronavirus) sont directement liés à l’ordre qui régit les relations humaines au sein des sociétés. C’est-à-dire que le capitalisme et la réduction de la vie sur Terre à une marchandise jouent un rôle important en termes d’origine, de propagation et de conséquences des maladies considérées comme des pandémies.

Le capitalisme se fonde sur le présupposé que, sur la planète, les ressources sont rares et qu’elles doivent donc être régulées, afin que les personnes qui participent à une société puissent en bénéficier. Il est clair que le présupposé même de ce système est fondé sur la réification de la vie sur Terre, pour laquelle le cycle de l’eau, l’existence d’un nombre infini d’ espèces de plantes et d’animaux, ainsi que la terre elle-même sont considérés comme des sources de richesse matérielle, c’est-à-dire comme des objets qui peuvent être exploités, au prix de souffrances et de destructions, au profit de ceux qui détiennent le pouvoir économique et militaire dans les diverses régions du monde.
L’on ne peut rien attendre de ce système prédateur, pour lequel l’argent, le luxe et la consommation sont au-dessus d’une existence libre et naturelle. On peut dire beaucoup de mensonges à propos des bienfaits du progrès capitaliste, mais la vérité est autre, quelque chose de vérifiable dans les faits ; le progrès n’apporte que destruction : dévastation des milieux naturels, modifications dans le cycle de l’eau, donc sécheresses et par conséquent misère ou mort pour toutes les espèces végétales et animales (humaines et non humaines) qui vivent grâce à l’équilibre de l’environnement. Cependant, il existe un groupe privilégié d’êtres humains qui bénéficient de tout cela, aux dépens des autres.
Cette destruction exigées par le capitalisme est plus difficile pour de nombreuses espèces animales, qui ont moins de possibilités de se défendre contre l’avancée frénétique des technologies, dans les sociétés modernes. Le spécisme est l’un des piliers de ce système et il se reflète également dans la réification des corps des animaux, utilisés dans des buts différentes, dont l’un des plus cruels est l’industrie agroalimentaire de la viande. Mais quel est le rapport entre cette industrie sanguinaire et le Covid-19 ? Différentes sources scientifiques (sans que cela ne leur donne plus de valeur, en réalité), ont affirmé que le virus provenait d’un transfert zoonotique, c’est-à-dire qu’il est passé d’animaux non humains à des animaux humains. Il y a beaucoup de spéculations sur le fait que ce seraient des chinois.e.s mangeant des de chauve-souris qui auraient déclenché la propagation du virus, ce qui a provoqué beaucoup de bavardages sur les habitudes alimentaires des autres cultures, avec le racisme qui les accompagne. Au-delà de tout ça, le transfert zoonotique se produit dans certaines conditions, selon l’environnement de l’espèce porteuse du virus et de l’espèce susceptible d’être infectée. Cette contagion peut être due à la modification de ces conditions, entre autre en ce qui concerne la proximité et la régularité des contacts. Ces changements constituent le déclencheur de l’évolution du virus et peuvent conduire par exemple à un virus plus contagieux et plus mortel. Et comme cela a déjà été dit, qui mieux que le capitalisme, pour changer les conditions d’un environnement où un tel virus peut exister ? Le capitalisme génère ces changements de deux manières principales, liées entre elles : (1) par l’industrie animale, en particulier les fermes-usines, et (2) par la dévastation de la nature.
Pour ce qui en est du point (1), il y a déjà beaucoup d’exemples dans l’histoire. Au XVIIIe siècle, sur le territoire dominé par l’État anglais, il y a eu trois pandémies différentes, liées à des animaux considérés comme du bétail. Sur ce territoire, le capitalisme a balayé les champs pour les remplacer par des « mono-élevage de bétail », principalement des animaux infectés par les pandémies précapitalistes, importés d’Europe. Étant donné que la concentration de ces animaux a changé de façon disproportionnée, en raison de l’avancée de la révolution industrielle, les conséquences de ces pandémies ont été beaucoup plus importantes que dans d’autres territoires. Les foyers se sont concentrés dans les grandes élevages laitiers autour de Londres, où l’environnement était idéal pour l’évolution des virus.
Compte tenu des progrès de l’État britannique en matière de science et de médecine, ils ont réussi à contenir ces pandémies ; cependant, l’Afrique a eu beaucoup moins de chance : ces mêmes pandémies y sont arrivées suite à l’apogée de l’impérialisme européen, qui s’est manifesté par la colonisation du continent africain. Les campagnes militaires ont propagé les virus parmi le bétail local, en causant une grande mortalité, qui s’est traduite par la mort de près de 90% du bétail, ce qui a entraîné une famine sans précédent dans les sociétés pastorales africaines. Cela a eu aussi comme conséquence, pour les puissance européennes, une plus facile expansion de leur impérialisme.
Un autre exemple est le cas de la grippe espagnole, l’une des premières manifestations de la grippe H1N1, précurseur d’épidémies plus récentes telles que la grippe aviaire ou porcine. Elle a éclaté dans la deuxième décennie du XXe siècle et, selon les études réalisés jusqu’à présent, elle a pris naissance dans des élevages de volailles ou de porcs et a ensuite infecté des militaires en service qui traversaient l’Europe. Les formes rudimentaire de concentration et les traitements intensifs, dans ces fermes, en faisaient les lieux idéaux pour le développement du virus. Bien que celle-ci soit considérée comme l’une des pandémies les plus meurtrières, en raison du grand nombre de décès (selon certaines études, environ 25 millions de personnes sont mortes au cours des 25 premières semaines), le virus lui-même n’était pas très différent d’autres souches et peut-être que sa mortalité élevée était due aux conditions généralisées de malnutrition, de surpopulation urbaine et d’insalubrité propres aux zones touchées, où commençait à prévaloir une culture de plus en plus urbanisée et centrée autour du développement de l’industrie. De toute évidence, la propagation de cette pandémie a bénéficié de l’augmentation des échanges commerciaux et de la Première Guerre mondiale.
Pour le point (2), la dévastation de la nature de la part de ce système est inarrêtable, car elle va de pair avec l’autoproclamé progrès, qui est actuellement la pierre angulaire de cet ordre. Sur tous les territoires, le capitalisme ravage les forêts, les jungles, les plages, les montagnes, les glaciers et un nombre infini d’environnements où vivent de nombreuses espèces, dont beaucoup sont porteuses de maladies et de virus que parfois les animaux humains ne connaissaient pas. Les changements dans l’environnement de ces espèces (la destruction de leurs habitats) les obligent à survivre par d’autres manières, soit en s’éloignant plus profondément dans la nature sauvage, là où les humains ne sont pas encore arrivés, soit en s’adaptant à la vie près des établissements humains, des villages ou même des villes. Ces changements peuvent entraîner l’évolution des maladies qu’ils véhiculent, ainsi qu’une plus grande exposition pour ceux/celles qui auparavant n’étaient pas proches de ces « dangers ». D’autre part, de nombreuses communautés indigènes dépendent de la vente de viande animale pour survivre, car leur environnements et leurs modes de vie et d’alimentation ancestraux ont été dévastés et il n’ont a pas beaucoup d’alternatives. Et c’est clair qu’à chaque fois que la ville avance, de plus en plus d’espèces risquent d’être chassées par celles/ceux qui doivent maintenant survivre de cette façon. Étant donné que ce cycle continue, ce n’est qu’une question de temps avant que les gens ne soient de plus en plus exposés à des nouvelles maladies et à des nouveaux virus. Il n’est donc pas surprenant que la pandémie ait pu naître dans une ville comme Wuhan, car il s’agit d’une société fortement urbanisée, mais aussi industrialisée, avec de grandes usines de l’acier et du béton, qui reflètent la dévastation que le capitalisme a laissée dans son sillage. Le Covid-19 n’est pas une exception à la règle.
Suite à ces arguments, que l’on pense aux gouvernements qui utilisent le pouvoir de l’infrastructure étatique afin de perpétuer le système capitaliste et promouvoir un progrès aveugle, au prix de la dévastation. Alors, l’attitude des différents gouvernements face à la pandémie actuelle n’est-elle pas hypocrite? Comment peuvent-ils faire autant de discours et prendre des mesures palliatives à un système sanitaire qui se détériore, en faisant semblant de se souciant de la vie des gens, alors qu’ils sont responsables des conditions de propagation de ce virus ? Il ne suffit que de penser à cela, quand on parle de cynisme. Les conditions dans lesquelles vit la majorité des personnes, dans tous les territoires, sont la marginalité et l’exclusion, des conditions qui se traduisent par une vie avec des faibles espoirs de dignité, puisque l’inégalité génératrice de pauvreté est extrême ; le changement de ces conditions n’a jamais fait partie des priorités des gouvernements. Tout cela ressemble plus à une utilisation politique de la situation et à une opportunité pour mettre en œuvre des réformes qui renforcent la répression et améliorent les outils de l’État pour perpétuer sa domination.

Le virus du Covid-19 est bien réel, il a tué des milliers de personnes dans le monde et continue de le faire chaque jour. Mais cela n’est pas une nouveauté, comme le savent bien celles/ceux qui vivent dans les prison, kidnappé.e.s par l’État, car les conditions sanitaires et de santé y sont toujours été très mauvaises, et aujourd’hui cela ne change pas, puisque les gouvernements n’ont montré aucun intérêt pour leurs vies, avec une répression faite de coups, de mutilations, de tortures et de décès en réponse aux demandes des prisonnier.e.s d’amélioration des conditions sanitaires, dans cette situation de pandémie. Les sociétés indigènes du monde entier font également état du cynisme des différents gouvernements. Dans l’Abya Yala [nom avec lequel plusieurs nations indigènes ont choisi d’appeler le continent américain ; NdAtt.], les indigènes le savent depuis des siècles, depuis que les empires européens sont venus piller les territoires, en apportant mort et destruction non seulement par leurs épées et de leurs fusils, mais aussi par de nombreuses maladies contagieuses comme la variole, la tuberculose, la grippe ou la syphilis, qui ont fini par réduire la population des cultures locales bien plus que toute arme. L’hypocrisie est évidente et continue à ce jour, alors que la faim, l’Ebola, la malaria, les bombardements au Moyen-Orient tuent des milliers de personnes chaque jour, bien plus que le Covid-19 et depuis bien plus longtemps, sans être une raison de préoccupation si alarmante que le nouveau coronavirus. Serait-ce parce que maintenant les classes privilégiées des pays du premier monde sont touchées elles aussi ?
L’appel est a ne pas croire une seule seconde aux paroles des dirigeants, a ne jamais faire confiance à l’État et au progrès. En tant qu’individualités libres ou communautés, nous pouvons faire face à la pandémie, par l’entraide et sans jamais laisser de côté la lutte contre le pouvoir et la domination. Le souci de la vie de la part du système n’a jamais été aussi grand et il est temps de mettre les choses au clair.

POUR L’INSURRECTION ET LA LIBÉRATION TOTALE
POUR L’AUTODÉTERMINATION DES PEUPLES
POUR LA DESTRUCTION DE LA SOCIÉTÉ CARCÉRALE
FEU À L’ÉTAT ET BALLES SUR SES LAQUAIS !

publié dans le bulletin anti-carcéral Rebrote, n° 4 (avril 2020)
rebrote@riseup.net

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